Tous les extraits

Le Feu

Extrait de Le Feu de Henri Barbusse

C'est alors que le tonnerre est entré : nous avons été lancés violemment les uns sur les autres par le secouement effroyable du sol et des murs. Ce fut comme si la terre qui nous surplombait s'était effondrée et jetée sur nous. Un pan de l'armature de poutres s'écroula, élargissant le trou qui crevait le souterrain. Un autre choc : un autre pan, pulvérisé, s'anéantit en rugissant. Le cadavre du gros sergent infirmier roula comme un tronc d'arbre contre le mur. Toute la charpente en longueur du caveau, ces épaisses vertèbres noires, craquèrent à nous casser les oreilles, et...
A la recherche du temps perdu, tome 1 : Du Côté de chez Swann

Extrait de A la recherche du temps perdu, tome 1 : Du Côté de chez Swann de Marcel Proust

Il y avait déjà bien des années que, de Combray, tout ce qui n'était pas le théâtre et le drame de mon coucher, n'existait plus pour moi, quand un jour d'hiver, comme je rentrais à la maison, ma mère, voyant que j'avais froid, me propose da me faire prendre, contre mon habitude, un peu de thé. Je refusai d'abord et, je ne sais pourquoi, me ravisai. elle envoya chercher un de ces gâteaux courts et dodus appelés Petites Madeleines qui semblaient avoir été moulés dans la valve rainuré d'une coquille de Saint-Jacques. E bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la...
Nadja

Extrait de Nadja de André Breton

Nous tournons par la rue de Seine, Nadja résistant à aller plus loin en ligne droite. Elle est à nouveau très distraite et me dit de suivre sur le ciel un éclair que trace lentement une main. "Toujours cette main." Elle me la montre réellement sur une affiche, un peu au-delà de la librairie Dorbon. Il y a bien là, très au-dessus de nous, une main rouge à l'index pointé, vantant je ne sais quoi. Il faut absolument qu'elle touche cette main, qu'elle cherche à atteindre en sautant et contre laquelle elle parvient à plaquer la sienne. "La main de feu, c'est à ton sujet, tu sais,...
Une saison en enfer

Extrait de Une saison en enfer de Arthur Rimbaud

A moi. L'histoire d'une de mes folies.Depuis longtemps, je me ventais de posséder tous les paysages possibles, et trouvais dérisoires les célébrités de la peinture et de la poésie modernes.J'aimais les peintures idiotes, dessus de porte, décors, toiles de saltimbanques, enseignes, enluminures populaires ; la littérature démodée, latin d'église, livres érotiques sans orthographe, romans de nos aïeules, contes de fées, petits livres de l'enfance, opéras vieux, refrains niais, rythmes naïfs.Je rêvais croisades, voyages de découvertes dont on n'a pas de relations, républiques...
Jacques le Fataliste

Extrait de Jacques le Fataliste de Denis Diderot

Jacques ne connaissait ni le nom de vice, ni le nom de vertu ; il prétendait qu'on était heureusement ou malheureusement né. Quand il entendait prononcer les mots récompenses ou châtiments, il haussait les épaules. Selon lui la récompense était l'encouragement des bons ; le châtiment, l'effroi des méchants. Qu'est-ce autre chose, disait-il, s'il n'y a point de liberté, et que notre destinée soit écrite là-haut ? Il croyait qu'un homme s'acheminait aussi nécessairement  à la gloire ou à l'ignominie, qu'une boule qui aurait la conscience d'elle-même suit la pente d'une...
La Princesse de Clèves

Extrait de La Princesse de Clèves de Madame de La Fayette

Par vanité ou par goût, toutes les femmes souhaitent de vous attacher. Il y en a peu à qui vous ne plaisiez ; mon experience me ferait croire qu'il n'y en a point à qui vous ne puissiez plaire. Je vous croirais toujours amoureux et aimé, et je ne me tromperais pas souvent. Dans cet état, néanmoins, je n'aurais d'autre parti à prendre que celui de la souffrance ; je ne sais même pas si j'oserais me plaindre. On fait des reproches à un amant ; mais en fait-on à un mari, quand on a qu'à lui reprocher de n'avoir plus d'amour ? Quand je ne pourrais m'accoutumer à cette sorte de...
Lettres choisies

Extrait de Lettres choisies de Roger Duchêne

A Madame de Grignan. A Marseille <mercredi> [25 janvier 1673],Je vous écris après la visite de Madame l'Intendante et une harangue très belle. J'attends un présent, et le présent attend ma pistole. Je suis charmée de la beauté singulière de cette ville. Hier le temps fut divin, et l'endroit d'où je découvris la mer, les bastides, les montagnes et la ville, est une chose étonnante. Mais surtout je suis ravie de Mme de Montfuron : elle est aimable, et on l'aime sans balancer. La foule des chevaliers qui vinrent hier soir voir M. de Grignan ; des noms connus, des Saint-Hérem ;...
Thérèse Raquin

Extrait de Thérèse Raquin de Emile Zola

Thérèse, immobile, paisible comme les autres, regardait ces joies bourgeoises, ces affaiblissements souriants. Et au fond d'elle, il y avait des rires sauvages : tout son être raillait, tandis que son visage gardait une rigidité froide. Elle se disait, avec des raffinements de volupté, que quelques heures auparavant elle était dans la chambre voisine, demi-nue, échevelée, sur la poitrine de Laurent ; elle se rappelait chaque détail de cet après-midi de passion folle, elle les étalait dans sa mémoire, elle opposait cette scène brûlante à la scène morte qu'elle avait sous les...
Les Souffrances du jeune Werther

Extrait de Les Souffrances du jeune Werther de Goethe

"Pourquoi je ne t'écris pas ? tu peux me demander cela, toi qui est si savant. Tu devrais deviner que je me trouve bien, et même... Bref, j'ai fait une connaissance qui touche de plus près à mon coeur. J'ai... je n'en sais rien.Te raconter par ordre comment il s'est fait que je suis venu à connaître une des plus aimables créatures, cela serait difficile. Je suis content et heureux, par conséquent mauvais historien.Un ange !... Fi ! chacun en dit autant de la sienne, n'est-ce pas ? Et pourtant je ne suis pas en état de t'expliquer combien elle est parfaite. Il suffit, elle a asservi...
Loin des yeux pres du coeur

Extrait de Loin des yeux pres du coeur de Anonyme

Et elle m’a donné un baiser. On n’a pas besoin de voir les baisers pour les recevoir.
Loin des yeux pres du coeur

Extrait de Loin des yeux pres du coeur de Anonyme

Trop occupés à m’observer, les autres ne se rendaient pas compte de leur silence.    Le silence peut parfois être comme un désert dans lequel je me perds.
Les Mondes d'Ewilan, Tome 3 : Les tentacules du mal

Extrait de Les Mondes d'Ewilan, Tome 3 : Les tentacules du mal de Pierre Bottero

Salim poursuivit : -         Nous en sommes réduits à réciter, dans les cavernes désertes de nos cœurs dévastés, des odes qui pourraient les faire vibrer si elles prenaient le temps de les écouter. Nous nous jetons à leur pied, elles nous tournent le dos. Nous brûlons d’une flamme haute et pure, elles ne s’y réchauffent pas. Les hommes sont des poètes méprisés ! […]
Le Ventre de Paris

Extrait de Le Ventre de Paris de Emile Zola

 "      Mais son attention fut détournée par le glapissement du crieur, qui mettait un magnifique turbot aux enchères.       "Il y a un marchand à trente francs!...à trente francs!...à trente francs! "         Il répétait ce chiffre sur tous les tons, montant une gamme étrange, pleine de soubresauts. Il était bossu, la face de travers, les cheveux ébouriffés, avec un grand tablier bleu à bavette. Et le bras tendu, violemment, jetant des flammes:        " Trente-un! Trente-deux! Trente-trois! trente-trois cinquante!... trente trois cinquante!..."          Il reprit haleine, tournant la manne, l'avançant sur la table de pierre, tandis que des poissonières se penchaient, touchaient le turbot, légèrement, du bout du doigt. Puis, il repartit, avec une furie nouvelle, jetant un chiffre de la main à chaque enchérisseur, surprenant les moindres signes, les doigts levés, les haussements de sourcils, les avancements de lèvres, les clignements d'yeux; et cela avec une telle rapidité, un tel bredouillement, que Florent, qui ne pouvait le suivre, resta déconcerté quand le bossu, d'une voix plus chantante, psalmodia d'un ton de chantre qui achève un verset:        " Quarante-deux! quarante-deux!...à quarante-deux francs le turbot!"
La Nausée

Extrait de La Nausée de Jean-Paul Sartre

"Je murmure : c’est une banquette, un peu comme un exorcisme. Mais le mot reste sur mes lèvres : il refuse d’aller se poser sur la chose. Elle reste ce qu’elle est, avec sa peluche rouge, milliers de petites pattes rouges, en l’air, toutes raides, de petites pattes mortes. Cet énorme ventre tourné en l’air, sanglant, ballonné – boursouflé avec toutes ses pattes mortes, ventre qui flotte dans cette boîte, dans ce ciel gris, ce n’est pas une banquette. Ça pourrait tout aussi bien être un âne mort, par exemple, ballonné par l’eau et qui flotte à la dérive,...
LES CITADELLES EMMURÉES

Extrait de LES CITADELLES EMMURÉES de KALAVERA MARVIN

Le Toréamor   Le soleil était écrasant, de ces soleils qui hantent les westerns, sans ombre ni répit. Le vent avait déserté la place qui n’attendait que son shérif pour couper la pellicule. Mais cette dernière s’éternisait, la canicule étouffante séchant jusqu’au plus profond le coeur des hommes. Ploc ! Une goutte de sueur sur le sable, unique mouvement dans ce silence, unique relent patient de ce symbole campé dans cette scène, cambré, fier, immobile… Chaussures à talons plats, culotte serrée, boléro cintré, cheveux gominés, regard fixe, déterminé. Ploc !...
Nadja

Extrait de Nadja de André Breton

« "Mais…et cette grande idée ? J’avais si bien commencé tout à l’heure à la voir. C’était vraiment une étoile, une étoile vers laquelle vous alliez. Vous ne pouviez manquer d’arriver à cette étoile. A vous entendre parler, je sentais que rien ne vous en empêcherait : rien, pas même moi… Vous ne pourrez jamais voir cette étoile comme je la voyais. Vous ne comprenez pas : elle est comme le cœur d’une fleur sans cœur. " Je suis extrêmement ému. Pour faire diversion je demande où elle dîne. Et soudain cette légèreté que je n’ai vue qu’à...
Germinal

Extrait de Germinal de Emile Zola

Les femmes avaient paru, près d'un millier de femmes, aux cheveux épars, dépeignés par la course, aux guenilles montrant la peau nue, des nudités de femelle lasses d'enfanter des meurt-de-faim. Quelques-unes tenaient leur petit entre les bras, le soulevaient, l'agitaient ainsi qu'un drapeau de deuil et de vengeance. D'autres, plus jeunes, avec des gorges gonflées de guerrières, brandissaient des bâtons ; tandis que les vieilles, affreuses, hurlaient si fort, que les cordes de leurs cous décharnés semblaient se rompre. Et les hommes déboulèrent ensuite, deux mille furieux, des...
Poèmes saturniens

Extrait de Poèmes saturniens de Paul Verlaine

Mon rêve familier   Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime,  Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.   Car elle me comprend, et mon cœur transparent Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême, Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.   Est-elle brune, blonde ou rousse? - Je l'ignore. Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore Comme ceux des aimés que la Vie...
L'Enfant

Extrait de L'Enfant de Jules Valles

De temps en temps ils se raccommodent et me battent tous deux à la fois ! Les raccommodements durent peu. Je suis bien malheureux, mais j'ai toujours à cœur le reproche sanglant de mon père, et je me dis que je dois expier ma faute, en courbant la tête sous les coups et en bûchant pour que sa situation universitaire, déjà compromise, ne souffre pas encore de ma paresse ! Je fais tout ce que je peux ; je me couche quelquefois à minuit, et même ma mère, qui jadis m'accusait de dormi trop tôt, m'accuse maintenant de brûler trop de chandelle : « Et pour quoi faire ? Des...
Tolstoï : La Guerre et la Paix

Extrait de Tolstoï : La Guerre et la Paix de Léon Tolstoï

A la vue de cette ville étrange, d'une architecture inconnue et insolite, Napoléon éprouvait cette curiosité un peu envieuse et inquiète qu'éprouvent les hommes à la vue des formes d'une vie étrangère qui les ignore. À n'en pas douter, cette ville vivait de toutes les forces de sa vie propre. À ces signes indéfinissables auxquels, à une grande distance, on distingue sans se tromper un corps vivant d'un cadavre, Napoléon voyait du mont Poklonni palpiter la vie de la ville et sentait comme le souffle de ce grand et beau corps. « Cette ville asiatique aux innombrables églises,...

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