A la fin nous n'étions même plus capables de le voir, seulement de le sentir, dans de brefs frôlements d'ombre ou de lumière, ou sous la forme d'une légère pression, comme si l'espace qu'on occupait se retrouvait soudain encombré de quelque chose de plus, ou encore nous discernions la trace d'une odeur inusitée pour la saison, celle par exemple de la neige fondue imprégnant la laine de son manteau d'hiver, mais dans la fournaise d'un plein midi d'août, comme si, les dernières fois où j'avais perçu de lui la présence réelle d'un être au lieu d'une simple réminiscence, il...
« Y a rien de facile. »Oui. Ensuite, il se tait. C’est lui, le boucher, qui m’a raconté, une matinée de printemps, il y a plusieurs mois, comment l'homme étouffe un pigeon, lentement.L’extrême lenteur des deux mains, les dix doigts précis et très doux, les deux paumes fermes, caressantes, cela rassure le pigeon si jeune. Il a vécu trois semaines, ou un peu plus, à peine, me disait-il, et n’a jamais volé.
Elle aussi avait aimé ce silence.En arrière-plan, on entendait seulement le vent battre les fenêtres du restaurant, comme une bande-son mélancolique. Parfois, Charlie lui soufflait des paroles sans intérêt, du genre : « On est bien là, non ? » ou « C’est bon ce qu’on mange, hein ». Parfois, il observait dans le vide, au-dessus de son assiette, se bornant à porter sa fourchette à sa bouche avec l’ombre indélébile – l’ombre de Watts probablement – planant sur son visage.Parfois, son regard s’allumait et un sourire se levait aux commissures de ses lèvres.Lui : «...
Les preuves De lui disparu, rien. Pas une nuit, pas un jour, pas une heure, pas une seconde pourtantsans lui. Combien de fois remuer ciel, terre et cendres. Chercher sa tracepartout demander, déchirer l'oubli. Personne pour écouter des cris--- Chercher. Savoir imaginer seule le lieu et le temps du désastre. Il n'y a pas de corps. Prononcer son nom très bas, parce qu'il est là, tout prèsvraiment juste à côté, mais invisible et sans paroles. Un jour, son corps est retrouvé, et les derniers vêtements.Ce sont les siens, ces tissus raides...
" Un disque rouge sur fond blanc. C'est d'abord le rouge, puis le blanc. D'abord le disque, puis le fond. On ne dit pas le contraire. On ne voit que ce rouge, planté depuis des siècles dans la première terre de l'Est, le long des côtes du Pacifique et de la mer du Japon. Avant les vagues, ou après, comme pour signifier qu'il n'y aura plus jamais d'autre terre, que la seule est ici, ce lieu ultime, que le monde au-delà n'existe pas. Il faut donc s'arrêter ou continuer à ses risques et périls. On ne part pas du Japon, on y arrive. Vouloir aller plus loin est impossible. Revenir est...
"- Nous, on violait, on pillait. Après, on mettait le feu dans les maisons.- Il y avait des gens, dedans? - Oui, souvent.- Avez-vous quelque chose à ajouter? - Oui. J'ai quelque chose à ajouter. La souffrance m'est devenue un pain d'amertume."
INTERVIEW
Dans « Noirceur des cimes », la montagne n'est qu'un prétexte. L'histoire aurait pu se dérouler dans d'autres endroits mais la montagne a cette force de révéler les âmes. Et c'est un milieu que je connais bien.
A mon sens, "Noirceur des cimes" n'est pas uniquement un livre d'alpinisme mais également un livre à visées philosophiques. Le mental et ses pensées anarchiques, le poids du passé, les traumatismes refoulés, les situations amoureuses lorsqu'elles sont chargées d'intentions, la quête spirituelle, la découverte de l'être réel, la...
CHAPITRE 2
"Ils arrivèrent au bord du petit Lac vert. Une eau immobile posée dans un écrin de pierres plates et de blocs erratiques, comme des galets monumentaux jetés adroitement par des montagnes espiègles. Ils s’assirent au bord de l’étendue miroitante et sortirent chacun une pomme. Devant eux se dressait comme un pilier céleste le sommet de la Grande Montagne, une masse pyramidale sculptée habilement par des millénaires d’érosion, ils devinaient partant vers l’est le sentier menant au Col de l’Alpette. Arrivés là, il resterait les longues courbes ascendantes menant...
"Il perçoit de temps en temps un mugissement lointain, semblable au souffle du vent dans les grandes bouées amarrées et que le marcheur attentif distingue parfois, comme la plainte tenace d'animaux titanesques. La montagne respire. Il en est sûr. Et les déplacements d'air que son grand corps occasionne s'étirent dans le silence de la nuit qui est un bourdonnement constant, si faible qu'on cesse de l'entendre dès qu'un flocon se pose. Mais lui, il l'entend bien. Il retient son souffle et écoute celui des montagnes. C'est splendide... Il écoute... Une fois qu'il a bien senti le rythme,...
Tous
ces vieillards étaient au demeurant fort sympathiques, toujours
souriants, toujours prêts à compatir à la misère humaine. Ils allaient
jusqu'à s'offusquer gravement ou même verser une larme devant les drames
que vivaient quelques-uns de leurs semblables, savamment mis en scène
et distillés aux infos quotidiennes par le dieu télé. Coupés du monde,
ils macéraient dans une solitude qu'ils décriaient alors même qu'ils en
étaient les seuls responsables, persuadés que le privilège de leur grand
âge les dispensait d'aller vers les autres ; c'était à ces autres...
Journal pour Augusta, le 29 septembre 1816 : "…et ni la musique du berger—ni le fracas de l'avalanche— ni le torrent— la montagne— le glacier— la forêt—ou le nuage— n'a pu, un seul instant— alléger le poids qui pèse sur mon coeur— ni ne m'a permis de perdre ma misérable identité dans la majesté, la puissance & la gloire—de tout ce que j'avais autour—au dessus—& au dessous de moi. "
Chant XVII, 11, Byron parle de lui même :"Je suis tempéré, sans aucun tempérament ;
Je suis modeste, mais j'ai un certain aplomb ;
Je suis changeant, pourtant je suis "Idem semper" ;
Patient, mais je ne suis pas des plus endurants ;
Joyeux, mais quelquefois, j'ai tendance à gémir ;
Doux, mais je suis parfois un "Hercules furens" ;
J'en viens donc à penser que dans la même peau
Coexistent deux ou trois ego différents. "
Poème que Lord Byron envoie à son éditeur, Murray, pour l'aider à refuser la tragédie de Polidori, août 1817 :
"Byron—qui faisait mieux jadis,
Dans une lettre m'a transmis—
Un truc— qui n'est pas plus un drame
Que Darnley—Ivan—ou Kehame Il baisse tant depuis un an—
Sa plume à ce point s'amenuise—
Que je soupçonne qu'à Venise—
Il fait l'étalon, épuisant
Sa cervelle qu'il aliène
Pour quelque chaude Italienne."
Nous, les cubains, nous sommes un albatros...cuba est comme le navire de Baudelaire, quand il décrit l'oiseau gauche et veeule trainant ses ailes sur le pont, luttant contre la mor
Il avait l'impression que personne ne pouvait vraiment communiquer par le biais des mots. La vérité est dans le secret et , le secret, c'est le non-dit.
L'Invitation au voyage ( 3° strophe)
Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l'humeur est vagabonde ;
C'est pour assouvir
Ton mondre désir
Qu'ils viennent du bout du monde.
- Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière
D'hyacinthe et d'or ;
Le monde s"endort
Dans une chaude lumière.
Là, tout n'est qu'ordre et beauté.
Luxe, calme et volupté
Tous ces sentiers qui disparaissent dans les collines
Je les ai négligés quand j'étais anxieux
De savoir où allaient les grandes routes blanches (...)
Paradous, paradis de l'enfance perdue
Que je cherche trop tard dans le temps mesuré
A l'homme qui reient son voyage accompli
Par l'ombre des saisons qu'il ne reverra plus.
Lentoulen (Provence)
Aux émotions muettes qui se cachent dans nos mots... " Après des années quand on y resonge il arrive qu'on voudrait bien les rattraper les mots qu'ils ont dit certaines gens et les gens eux-mêmes pour leur demander ce qu'ils ont voulu nous dire... Mais ils sont bien partis !... On avait pas assez d'instruction pour les comprendre... On voudrait savoir comme ça s'ils n'ont pas depuis changé d'avis des fois... Mais c'est bien trop tard... C'est fini !... Personne ne sait plus rien d'eux. Il faut alors continuer sa route tout seul, dans la nuit. On a perdu ses vrais compagnons....
Claude, le plus jeune, m'adresse la parole avec une certaine retenue,
non pas par timidité mais pour cause de pauvreté de vocabulaire ; ce
garçon n'a pas connu l'enseignement obligatoire, n'a eu ni le temps ni
le loisir pour devenir autodidacte et ses précepteurs de parents lui
apprirent uniquement le langage des beignes jusqu'à l'âge de douze ans,
époque à laquelle il quitta pour son bien, les deux Thénardier. Il
rejoignit la communauté des jeunes gens en errance, les années passèrent
et la vie lui fit le don mérité d'une compagne imperturbable, sa bonne
humeur.