Les Souffrances du jeune Werther

Extrait de Les Souffrances du jeune Werther de Goethe

"Pourquoi je ne t'écris pas ? tu peux me demander cela, toi qui est si savant. Tu devrais deviner que je me trouve bien, et même... Bref, j'ai fait une connaissance qui touche de plus près à mon coeur. J'ai... je n'en sais rien.

Te raconter par ordre comment il s'est fait que je suis venu à connaître une des plus aimables créatures, cela serait difficile. Je suis content et heureux, par conséquent mauvais historien.

Un ange !... Fi ! chacun en dit autant de la sienne, n'est-ce pas ? Et pourtant je ne suis pas en état de t'expliquer combien elle est parfaite. Il suffit, elle a asservi tout mon être.

Tant d'ingénuité avec tant d'esprit ! tant de bonté avec tant de force de caractère ! et le repos de l'âme au milieu de la vie la plus active !...

Tout ce que je dis là d'elle n'est que du verbiage, de pitoyables abstractions qui ne rendent pas un seul de ses traits. Une autre fois... Non, pas une autre fois. Je vais te le raconter tout de suite. Si je ne le fais pas à l'instant, cela ne se fera jamais ; car, entre nous, depuis que j'ai commencé ma lettre, j'ai déjà tenté trois fois de jeter ma plume, et de faire seller mon cheval pour sortir. Cependant je m'étais promis ce matin que je ne sortirais point. A tout moment je vais voir à la fenêtre si le soleil est encore bien haut...

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