Cristina FUNES-
NOPPEN
Préface de Mark EYSKENS
ILS
ÉTAIENT SIX
Éditions Il Est Midi
Préface
L'ambassadeur honoraire Mme Cristina Funes-Noppen publie son dixième livre sous le titre énigmatique "Ils étaient six". Comme ses précédents ouvrages, cette œuvre littéraire se distingue par une originalité exceptionnelle qui rend difficile son classement dans une quelconque catégorie littéraire : roman, polar, fiction, histoire, mémoires, souvenirs, carnets de voyage, document.
« Ils étaient six » est un audacieux tissage de toutes sortes de genres littéraires greffés sur la membrane des expériences personnelles de Cristina, particulièrement de l'Argentine et de sa...
Cristal
La neige tombe, éparse.
Le champ où je me trouve s’étend sur une colline hérissée de milliers d’arbres noirs sans cimes ni branches, de troncs nus. Ils sont de taille légèrement variée, comme des personnes d’âges différents. Ils ne sont guère plus épais qu’une traverse de voie ferrée mais courbés, tordus, l’ensemble évoquant une frise composée de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants maigres qui se...
1. J'ai passé ma vie à éviter les sensations fortes. Question d'éducation. Pas d'alcool, pas de sauts en parachute, pas de voitures de course. Pas d'aventures non plus. Même le sexe m'ennuie parfois. Tout m'ennuie d'ailleurs, je crois. J'attends que ça passe. Je ne sais pas pour autant ce que « ça » signifie. À la pharmacie, la plupart du temps, je fais semblant d'aimer mon travail. Les journées ne sont jamais les mêmes, c'est vrai....
Le shtetel
Tu dois savoir, me dit la voix secrète, qu'après le départ de son mari à l'armée du tsar, Idiss est restée seule avec ses deux fils. Elle a dû vivre chez ses beaux-parents. » Une jeune femme mariée ne pouvait pas demeurer seule dans un shtetel. Qu'auraient murmuré les voisins toujours médisants ? Mais la belle-famille était pauvre et trois bouches de plus à nourrir étaient une lourde charge. Ce n'est pas qu'ils fussent...
La Pension pour Messieurs
a vue est obstruée par les volutes de vapeur échappées de la locomotive et qui serpentent à présent sur le quai. Il faut regarder à travers elles pour tout voir, se laisser aveugler par la brume grise, le temps que le regard se fasse acéré et omni‑ voyant du passé, du présent et du futur. Nous apercevons alors les dalles du quai, autant de carrés entre lesquels subsistent de petites plantes frêles, un...
La ferme
La bâtisse est tout en longueur, une habitation d'un côté, une de l'autre, et au milieu une étable. Le côté
gauche pour les jeunes, ceux qui reprennent la ferme, le droit pour les vieux. On travaille, on s'épuise, et un
jour, on glisse vers l'autre bout. C'est plus pratique, il y a une chambre au rez-de-chaussée, les escaliers sont
moins raides, les pièces semblent disposées pour vieillir.
Et puis, quand l'un meurt, le mari...
La montagne s'incline une seconde. Aucune de ses pierres ne sourit. Si tu cherches une récompense pour ce que tu fais, laver la vaisselle ou jouer Chopin, alors, plutôt, ne fais rien : tu as par avance échoué dans l'absolu chef-d'œuvre de la vaisselle, ou du poumon des anges. Chopin est une inhalation pour les anges asthmatiques, ces hypersensibles saupoudrés sur terre dès leur naissance jusqu'à leur mort – car les anges naissent et...
J'adore cette maison. Elle raconte ma famille comme personne ; d'où nous venons, nos enfances, nos miracles, nos aberrations. Roseville-sur-Mer. C'est là que tout s'est joué et que tout se joue encore.
Cet automne, par un curieux jeudi d'octobre, nous avons récupéré la maison avec Victoria. Un chalet en bois, incongru dans ce paysage d'aquarelle normande. À l'intérieur, nous avons éclairci les murs, agencé différemment les pièces,...
Il y a cette tribu en Amazonie, qui pense le nombre d'habitants sur terre restreint. Quand un enfant naît, il n'a d'existence que lorsque dans la communauté quelqu'un meurt. Tout oreilles, tout ouïe je bois ses paroles et d'autant plus qu'il va bientôt s'interrompre, je le vois à sa façon de téter sa pipe tirer par petits coup enfumer complètement tout, j'ai échafaudé toutes sortes de théories pour interpréter cette espèce de tic...
1
Éric Kherson appréhendait toujours de prendre l'avion. Il
dormait en général assez mal la veille du voyage, se laissant
dériver vers les pires scénarios possibles, imaginant tout ce
qu'il laisserait derrière lui après sa mort violente dans un
crash. Mais le désir d'ailleurs demeurait plus fort que la peur,
dans ce combat incessant entre nos pulsions et nos frayeurs.
2
En tant que nouvelle directrice de cabinet du secrétaire
d'État...