Extrait de GEMINI de Marie Fontaine

Tous ces vieillards étaient au demeurant fort sympathiques, toujours souriants, toujours prêts à compatir à la misère humaine. Ils allaient jusqu'à s'offusquer gravement ou même verser une larme devant les drames que vivaient quelques-uns de leurs semblables, savamment mis en scène et distillés aux infos quotidiennes par le dieu télé. Coupés du monde, ils macéraient dans une solitude qu'ils décriaient alors même qu'ils en étaient les seuls responsables, persuadés que le privilège de leur grand âge les dispensait d'aller vers les autres ; c'était à ces autres d'aller vers eux. Leur vision du monde réduite aux seules images aperçues sur l'écran de leur téléviseur, ils étaient incapables d'ouvrir les yeux sur la misère bien réelle qui sévissait dans leur ville, leur quartier, leur rue ou même leur immeuble. Une misère aveugle qui pouvait atteindre un parfait inconnu aussi bien qu'un membre de leur propre famille. Il aurait sans doute fallu que Damien passe à la télé pour que son auguste aïeul se rende enfin compte de sa détresse.

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