Onglets principaux

Mes extraits (6)

Il est Temps - extrait

Dostena
Il est Temps
LES ROSES Quand elles renoncent aux ongles satinés au rouge des lèvres quand elles reposent leurs têtes sur les épaules du Printemps et elles crépitent comme les cierges de la chapelle elles sont enfin chez elles.

Il est Temps - extrait

Dostena
Il est Temps
CIEL Je gratte l'allumette sur la peau de la nuit ça sent la poudre dans l'utérus du ciel piqué par des milliers d'abeilles en or. Personne ne m'attend. Tout m'appelle en Bulgarie…

Il est Temps - extrait

Dostena
Il est Temps
MA DERNIÈRE PATRIE J'ai parcouru le monde à chercher un bout de terre ma patrie qui fuit s'oublie se meurt… J'ai parcouru le monde à chercher une rue familière une odeur de mon enfance une voix… * * * La flamme de la joie danse avec son ombre la chanson Sodad lave le crime des pensées ordinaires mord dans l'azur souffle l'aurore soupire le soir éclaire le coin d'un cœur dessine les formes...

Mes avis (8)

Le 5 juillet, 2017 - 14:56

Sublime plume héritière de Baudelaire, de Rimbaud et des symbolistes, mêlant gracieusement l’Antiquité grecque à un voyage initiatique époustouflant.

Le 5 juillet, 2017 - 14:56

J’avais simplement l’intention de lire les deux premiers chapitres de ce livre et je comptais me balader dans l’aprem... résultat : je n’ai pas pu lâcher ce roman !! Il est très addictif, je suis passionnée de poésie mais il n’y a pas besoin de l’être pour apprécier ce voyage. Et je dois dire que sur bien des points j’ai trouvé des sujets de réflexion au sujet de questions existentielles qui me turlupines actuellement. J’ai adoré, c’est un livre qui «remplit» .. et si l’idée est séduisant vraiment la chute est parfaite. Je ne connaissais pas son auteur, mais je vais le suivre, je vais voir s’il y a d’autres romans signés de sa plume. Merci !

Le 5 juillet, 2017 - 14:56

Question élémentaire, à la source d’un ouvrage qui est une méditation plus qu’une fiction au sens traditionnel du terme. Déambulations entre différentes voix qui, les unes après les autres, surgissent de derrière les collines de l’Arcadie, et livrent des bribes, parcellaires mais intenses, de leurs histoires, leurs pensées intimes, Apolline en Arcadie n’est pas une expérience de lecture ordinaire. Une immersion plutôt, dans un univers sans contours stables, où les paroles et les destinées souvent tragiques des uns et des autres s’enchâssent. Pour appréhender ce livre dans toute sa force et sa magnificence, le lecteur ne devra pas l’ouvrir avec sa propre clé, occultant par là toute expérience antérieure de lecture, toute expérience de vie, en accepter de suivre les règles édifiées par Grégory Huck. C’est lorsque le lecteur acceptera de se dépouiller de tout ce bagage qu’Apolline en Arcadie deviendra son livre. Un livre où il se verra, où il découvrira des parties, des régions, des provinces de lui-même qu’il ne connaissait pas. La lecture sera alors une joie sans mélange.

 

Le 5 juillet, 2017 - 14:55

Françoise Urban-Menninger, 
Exigence Littérature

Poète et peintre, Grégory Huck signe un premier roman à nul autre pareil ! D’emblée, il nous entraîne dans la mystérieuse Arcadie, symbole d’un lointain âge d’or, évoquée et chantée par bien des poètes... Dans la lignée de Platon à Pete Doherty en passant par Ovide, tous fascinés par ce pays mythique, Grégory Huck, nous invite à un banquet non pas «platonicien» mais bien tangible où les poètes disparus sont enfin réunis dans une même dimension spatio-temporelle.

La belle Apolline, au prénom prédestiné aux rencontres divines, découvre dans le grenier de la maison familiale, le recueil de poèmes de son aïeul, le poète Nephtali. Ce sera le sésame qui permettra à notre héroïne de franchir « la frontière astrale» qui la mènera en Arcadie.
Apolline y multipliera les rencontres les plus étonnantes, les plus improbables, toutes plus savoureuses les unes que les autres. Virgile, Novalis, Hugo, Verlaine, Rimbaud, Mallarmé, sans oublier les poétesses telles Andreas Lou- Salomé ou Renée Vivien traversent avec une simplicité déconcertante les pages de cet ouvrage inclassable.

C’est en retrouvant son aïeul Nephtali que notre aventurière prendra conscience de son rôle dans cette histoire extraordinaire : «C’était vraiment une certitude, elle était en Arcadie pour rétablir un ordre cosmique»... Emaillé de trouvailles et de clins d’oeil à l’histoire de la littérature, de références aux poètes cités, Grégory Huck réussit l’exploit de les rassembler dans ce roman éminemment poétique pour une véritable fête des sens et de l’esprit.
Pour ce faire, l’auteur n’hésite pas à user et à abuser de l’humour car n’est-il pas aux dires de certains «l’ultime politesse du désespoir» ? C’est ainsi que l’on aperçoit Jean de La Fontaine «suivi ce matin-là par un renard et un bouc...».

Mais derrière l’image idyllique de cette merveilleuse Arcadie se profile la menace de sa disparition imminente car la légendaire fontaine Castalie s’est tarie...
Nul doute que pour Grégory Huck, ardent défenseur de la poésie, celle-ci n’est autre qu’une forme de résistance dans un monde où la fuite en avant est de mise.

C’est par la bouche d’Apolline qu’il nous le confirme haut et fort : «La pensée précède le mot, et le mot précède l’action, le poète change la cité, de manière peut-être imperceptible, parce qu’une conscience qui s’ouvre ne hurle pas comme une bombe. Mais oui je change le monde parce que je l’écris !»

Le 5 juillet, 2017 - 14:20

Les Affiches-Moniteurs

 

Le poète Greg Huck livre son premier romain à l’attention de lecteurs se sentant bien trop «immergés dans ce monde mortifère» et leur propose une manière de dépaysement en mode pastoral et initiatique, c’est-à-dire en Arcadie - peut être un autre nom pour l’enfance du monde :
«Je suis parti d’un fantasme : à force de lire des poètes, j’ai imaginé des conversations improbables entre eux. Ainsi, Baudelaire n’aimait pas Verlaine, comme le révèlent ses correspondances. Pour moi, l’Arcadie est un monde parallèle où sont réunis des poètes capables d’insuffler à notre humanité cette petite flamme perdue : l’enthousiasme, qui signifie «être dans le souffle divin»...
Il y a un lien entre ces deux sphères, l’Arcadie et notre monde : la jeune Apolline qui s’ennuie en humanité trouve dans le grenier de la maison familiale le recueil de son aïeul, le poète Nephtali avec cette parabole : «et in arcadia ego». Elle trouve un plan, rencontre une créature peu engageante, répond à une question («qu’est ce qui peut être nourri sans être assouvi ?») et se retrouve admise en Arcadie. Elle est accueillie par Virgile qui lui explique le pays et lui conseille de ne pas aller trop à l’est où se trouvent des mélancoliques qui veulent changer le système...».

Virgile, on s’en souvient, situait l’entrée possible de l’Arcadie en territoire de Piémont - mais cette parcelle d’absolu hors de toute géographie pourrait bien être la prémonition d’un âge d’or à jamais irrévolu dans la traversée de nos ignorances. Ou du moins son impatiente nostalgie hors de nos calendriers, de nos cadrans et autres écrans asservissants - voire celle d’un monde qui se serait donné une nouvelle chance...

 

 

 

 

 

Donc, Apolline «vêtue de rien, bien enchâssée tel un rubis brûlant» bouleverse l’ordre établi en Arcadie dont elle parcourt les quartiers jusqu’au nord (celui des poètes sans oeuvre), conversant avec ses habitants - l’on y croise Antonin Artaud lavant des tubercules devant sa caverne et conviant Alfred Jarry à ses agapes crudivores avant de sacrifier au rite du soleil noir - partage ses nuits avec Orphée, tombe sur ce «bouffi barbu» de Verlaine dont «l’Oreille personnelle» l’informe du débat qui occupe les douze poètes du Parnasse : celui de son bannissement à elle - alors que les insurgés de l’Est «espéraient qu’elle pût être l’élément déclencheur de leur révolution sans cesse renvoyée aux calendes grecques»...


Mais la légendaire fontaine Castalie ne coule plus et la sécheresse menace de réduire en cendres cette «contrée des Muses, des poètes et des chevriers»...

Des pérégrinations de son héroïne, Grégory Huck fait de la pâte à aimable fiction, couplée à un voeu éminemment politique - un désir d’harmonie, de concorde universelle comme Virgile en appelait dans ses Bucoliques à la rupture avec l’héritage militaire de César. Mais nos contemporains «postmodernes» cherchent-ils encore, tête abîmée dans les écrants de leur asservissement consenti, ce pays doublement perdu à l’envers de ce monde de ressentiment qui se détache de son axe ?

On l’aura compris, Grégory Huck entend donner le goût de la poésie aux jeunes générations - et y parvient, à en juger la réception de ses recueils dans un univers poétique en expansion constante : «Aujourd’hui, nous sommes dans l’impasse, Rome brûle tout le temps. J’ai pris un bonheur fou à écrire dans un tel monde le livre que j’aurais aimé lire, un peu comme le Demian de Herrmann Hesse que j’ai quitté à regret après l’avoir dévoré...»

Comme le disait un autre poète, il y a dans l’art, et fondamentalement dans la poésie, quelque chose de bien plus fort que le doute et de moins ingénu que la foi - quelque chose comme ce «fil tendu entre l’insécurité totale et la sécurité inabordable, qui amalgame l’incertitude et la certitude»... Ce premier roman initiatique appelle une suite : «Il s’agit d’un processus de progression vers une connaissance, c’est de la rencontre avec l’autre à travers un livre guide...» Un livre qui ouvrirait un chemin et donnerait de l’ombre comme le hêtre de Virgile tout en nous habitant de la puissance rayonnante de son silence - histoire, encore une fois, d’éveiller le langage en embrasement de libres aurores et d’imminences...

Le 5 juillet, 2017 - 14:19

Dostena Lavergne, chez DNA

Roman initiatique, signé par un jeune écrivain alsacien, Apolline prouve que la poésie n’a pas dit son dernier mot en littérature et dans la vie.

Qui se souvient encore de l’Arcadie et de ses habitants inspirés ? Ces poètes et poétesses qui nous ont souvent répondu «oui» à la question «Devriez-vous mourir s’il vous était interdit d’écrire ?» Et pourquoi donc ce ton dramatique, un peu désuet à l’ère des jeux vidéos où on ne meurt qu’à défaut de pouvoir se payer des points de vie en plus ?
On dirait que le temps des artistes prêts à payer le prix fort pour goûter à l’extase de la création est bien révolu. Pourtant, elle existe, Apolline ! Cette jeune fille extraordinaire «comme on en rencontre souvent», mais dont on ne parle guère dans les magazines de mode.
Jeune poète, peintre et depuis peu directeur de la collection Poésie de l’Olifant aux éditions Belladone, Gregory Huck affirme que l’héroïne de son roman est bien un personnage de notre temps : «Je rencontre de plus en plus de poètes au féminin qui réussissent à dépasser l’ego en se lançant corps et âme dans l’aventure poétique.»

C’est ainsi que l’Arcadie redevient perceptible depuis les lucarnes de la Cité Désenchantée. Elle existe toujours, justement parce qu’elle est habitée par des nouvelles histoires, toutes contemporaines, comme celle d’Apolline quittant le monde «qui semble ne vouer son énergie qu’à consommer des jouissances surfaites.» pour s’aventurer là où on ne se déplace qu’en métaphore.


«Sublime plume héritière de Baudelaire, de Rimbaud et des symbolistes, mêlant gracieusement l’Antiquité grecque à un voyage initiatique époustouflant.»


Tout comme l’Arcadie, la métaphore est aussi un héritage de la Grèce ancienne, lié au verbe metaferno (transporter). C’est elle qui permet d’aller et venir librement sur les ailes de l’esprit et du désir. Sanselle, Apolline l’a compris, les êtres seraient à jamais enchaînés dans la prison d’une réalité imposée, désenchantée, brutale...
Découvrant dans le grenier de la maison familiale le recueil de poèmes de son aïeul, le poète Nephtali, Apolline obtient le code d’entrée dans l’Arcadie : là où se joue l’avenir de la source mythique Castalie. Si elle se tarissait, elle ferait disparaître à jamais les muses...

Dans ce roman initiatique, Apolline - celle qui pénètre en intrus dans le panthéon des monstres sacrés, tient la clé de sauvetage d’un monde qui s’est oublié dans son propre musée.
Documenté et intrigué par la vie des poètes, Gregory Huck fait vivre et débattre entre eux des personnages sages ou rebelles ayant vécu à des époques différentes : Virgile, Khalil Gibran, Novalis, Rilke, Hugo, Verlaine, Rimbaud, Lou Andreas-Salomé, Renée Vivien, etc.
Son romain rappelle que l’Arcadie, menacée par une insupportable pollution spirituelle, est un pays où se joue le drame de notre propre survie d’êtres humains. Un livre captivant qui pourrait donner le courage de reconnaître notre besoin urgent de poésie.

 

Le 4 juillet, 2017 - 18:10
La lettre du Phénix, blog
 
 
SJean-Paul Klée publie son onzième recueil de poésie, Décembre difficile. Un livre-cri sur les temps insoutenables à venir et un premier jalon mémorable pour la jeune maison d’édition parisienne Belladone, fondée par Aurore Guillemette, et pour son directeur de la collection poésie « L’Olifant », Grégory Huck.
 
 
 « Est-ce que la poésie va continuer d’exister ? » s’inquiète le poète né dans le fracas des bombes de la dernière guerre. Comme au chevet désormais des peuples en danger, il multiplie les mises en garde contre les mines à retardement posées depuis les quatre dernières décennies sur cette planète surexploitée : « Nous vivons une époque pré-révolutionnaire, en dépit d’un apaisement apparent suscité par cette élection… La poésie a le droit et le devoir de parler de cet état de choses inimaginable qui aurait mis au défi Dante lui-même…. Une poésie qui ne parlerait pas de l’extinction imminente de l’espèce resterait vaine, esthétisante ou décorative… Il y a quinze millions de pauvres en France et ça ne fait bouger personne. Mon dernier recueil est résolument engagé, quitte à ce que le poétique soit écrasé…»
 
Le matin encore lui était venu un poème sur ce qu’il appelle pudiquement le marasme bancaire : « Peut-on seulement imaginer ces milliards de transactions passées à la nanoseconde ? C’est comme une mérule en train de dévorer les fondations d’une maison : elle jette ses filaments depuis la cave jusqu’à la charpente… Il faudrait un poète immense comme le Hugo de La Légende des siècles ou un Shakespeare pour décrire ça – à défaut de l’empêcher… Il n’y a pas eu de grand texte poétique français sur la Grande Guerre ou Auschwitz comme si la sidération rendait mutique… Je rêve d’un poète qui puisse saisir l’esprit collectif et tendre ce miroir à sa société…»
 
 
Notre mère la poésie
 
Dans les premiers jours de mars 1963, un grand jeune homme roux d’à peine vingt ans monte les escaliers de l’imprimerie Istra (alors sise au 15, rue des Juifs), vers les bureaux d’Antoine Fischer (1910-1972), le mythique fondateur des Saisons d’Alsace : il lui amène son premier article sur le Sturmhof alors voué à la démolition. Jean-Paul Klée vient d’entrer dans l’histoire littéraire – deux ans avant, il avait déjà publié son premier texte dans L’Almanach du Messager boiteux :
 
« J’habitais alors rue des Sœurs, j’avais juste deux rues à traverser, ce 13 mars. Antoine Fischer était un remarquable chroniqueur d’opéra et le frère de Monseigneur Eugène Fischer, un ami de mon père. Il lisait mes textes sur le champ et me les prenait. Je le revois encore, avec sa moustache grisonnante et ses grosses lunettes. Il était d’une modestie et d’une discrétion admirables…»
 
A la librairie Gangloff, il avait découvert un superbe exemplaire de la revue Le Point (faite à Mulhouse) : « J’ai compris que la poésie, au XXe siècle, ce n’est plus Victor Hugo mais des choses simples, sincères, autobiographiques et accessibles. J’étais encore dans l’écriture d’un journal et je suis entré en poésie grâce à cette revue. »
 
En 1970, il publie L’Eté l’éternité (Chambelland), son premier recueil de poésie préfacé par Claude Vigée : « J’avais donné une quarantaine de poèmes et j’avais reçu bien plus… ».
 
En 1972, la revue Poésie Un consacre un numéro consacré à la jeune poésie d’Alsace, tiré à vingt mille exemplaires. Cette année-là, Jean-Paul Klée voit sa Crucifixion alsacienne reprise dans une double page du Monde que Jean Egen consacrait à la poésie alsacienne – ainsi que dans La Nouvelle Revue socialiste.
 
De surcroît, Le Panorama de la poésie depuis 1945 (Bordas) de Serge Brindeau lui fait une place de choix, ainsi que l’anthologie de Georges Holderith – un « envahissement de renommée » et la reconnaissance d’une poésie de combat – déjà… Son combat s’appelle alors Fessenheim puis les inflammables collèges Pailleron – et, toujours, l’insoutenable qui laisse sans voix…
 
 
Le livre d’une absence
 
Son père, Raymond Lucien Klée (1907-1944), ami de Simone Weil (1909-1943), est reçu second en 1931 à l’agrégation de philosophie, devant Claude Levi-Strauss (1908-2009). Il travaille à une thèse sur Husserl – de quoi nourrir avec Jean-Paul Sartre (1905-1980) des discussions passionnées à la Maison de France à Berlin où ils vivent une année (1933) : « Il a peu écrit : il s’occupait surtout des autres et publiait une revue d’aide aux candidats à l’agrégation qu’il imprimait à son domicile, rue Lemoine, à Paris. Il s’intéressait à la sociologie, estimant qu’il faudrait une psychopathologie de la vie politique. C’est devenu une tendance des sciences sociales… ».
 
Mort au Struthof le 18 avril 1944 (arrêté au lycée de Versailles où il enseignait, il y a été déporté pour « propagande gaulliste »), Raymond Lucien Klée n’a pas eu le temps d’accomplir son œuvre. Son fils entend lui rendre son destin volé – en 1976, il adresse dans Elan une lettre à celui qui aurait dû alors entrer dans sa soixante-dixième année.
 
Entretemps, le comte Odon de Montesquiou-Fezensac (1906-1964), issu d’une famille du Gers et parent du comte Robert de Montesquiou (1855-1921), fait un tour de piste dans sa vie : « Le comte de Montesquiou a inspiré à Marcel Proust le personnage du baron Charlus. L’un de ses descendants devient le compagnon de ma mère. L’été, je me retrouvais comme en réclusion au château de Courtanvaux, près de Bessé-sur-Braye (Sarthe), en Vendômois,  la terre des rois de France et des courtisans… Il y avait des bibliothèques grillagées à tous les étages, c’était un coin de France pourri de littérature : Ronsard, Musset et Proust y avaient leur gentilhommière. »
 
En 1957, le jeune Jean-Paul s’entraîne pendant des semaines à faire un baisemain à la princesse Marthe Bibesco (1886-1973), alors annoncée en visite chez son cousin le comte : « J’ai baisé la main qui avait serré celle de Marcel Proust. Entre la Belle Epoque et la dernière guerre, la princesse avait fait chavirer toutes les têtes couronnées d’Europe et ébloui par son esprit. Ses œuvres poétiques étaient supérieures à celles de sa parente Anna de Noailles…»
 
Il apprend à lire et à écrire dans Le Figaro, que le comte achetait tous les jours au numéro : « Tous les lundis, il y avait une chronique signée Guermantes (c’était le pseudonyme de Gérard Baüer), Instants et visages, d’une grâce incomparable. Elle m’a déterminé, autant que la lecture de Flaubert, dans ma recherche stylistique. Toute l’Académie Goncourt, d’André Billy à Roland Dorgelès, y chroniquait alors : j’ai grandi avec eux ! ».
 
La parole élue et le livre inachevé…
 
Professeur de lettres à Saverne (1971-1979), il crée en 1973 sa propre structure éditoriale, publiant à mille exemplaires des recueils d’élèves ou d’amis comme Conrad Winter (1931-2007) : « Il y avait de véritables effusions poétiques : on ne quittait plus la poésie ! Les élèves les vendaient dans la rue, l’aventure a duré jusqu’en 1977… »
Cette année-là paraît le dernier cahier de la collection, Le sacrifice de Jean-Lumière contre Fessenheim-Hiroshima, un « sketch-cri » mis en scène par la Compagnie du Lys de Louis Perrin : la centrale nucléaire de Fessenheim venait d’être achevée et Jean-Paul Klée s’impose comme la voix dominante des poètes alsaciens de langue exclusivement française.
Le successeur d’Antoine Fischer à Saisons d’Alsace, Auguste Baechler (1928-2006), envisage de lui confier la responsabilité d’une collection de monographies consacrées aux grands auteurs d’origine alsacienne (comme Claude Vigée, Alfred Kern ou Marcel Schneider) – mais survient le premier choc pétrolier …
 
En quarante années d’amour de la poésie, Jean-Paul Klée a donné une quinzaine de livres dont onze recueils-jalons finement ciselés, toujours nés d’une extrême nécessité œuvrant d’elle-même – de Poëmes de la noirceur de l’occident (bf 1998) à… Oh dites-moi Si l’Ici-Bas sombrera ?… (Arfuyen, 2002) et le récent Décembre difficile.
Aujourd’hui, il confesse avoir une quarantaine de volumes inédits dans ses tiroirs : « Il m’en vient tous les jours sans interruption. Je ne passe pas une journée blanche sans poésie, ce qui fait environ 800 feuilles par an… »
 
Mais il devient un poète de plus en plus écouté qui déplace les auditeurs : « Sans rien demander, je suis amené à multiplier les lectures poétiques, comme récemment à Bruxelles, Montmeyan, Woippy, Goussainville ou l’Ecole normale supérieure de Lyon où enseigne Cédric Villani. La poésie, c’est un rythme, un ton, une intonation, un accent, je n’écris que pour retrouver ça. Quand Cézanne peignait des pommes, le sujet n’existait plus : c’était juste du Cézanne… Pour la poésie, ce qui importe, c’est la manière dont c’est cadencé, peu importe le sujet : c’est un plaisir de déclamer en laissant descendre les mots, dans des lectures claires et courantes où le texte peut se déployer… Des audio-livres sont en projet… »
Dans son vaste appartement de Neudorf s’empilent des cartons d’archives – un témoignage irremplaçable sur un demi-siècle de vie littéraire qui s’impatiente de prendre volume. Face au vertige de tout ce qui se meurt d’avoir cru se perpétuer, le poète ne désarme pas : « L’autre jour, j’ai vu un moineau blessé : il ne peut plus s’envoler, un chat le guette. Alors, venu d’où ne sait où, une nuée d’autres moineaux s’abat sur le chat et le met en déroute… »
 
Tout, dans l’univers, se répond : la danse de l’abeille à la douleur muette de la pierre, la guerre à la fête – et la poésie à la foi, tant que le monde s’éveillera et se couchera dans la parole élue…
Le 4 juillet, 2017 - 18:10
La lettre du Phénix, blog
 
 
SJean-Paul Klée publie son onzième recueil de poésie, Décembre difficile. Un livre-cri sur les temps insoutenables à venir et un premier jalon mémorable pour la jeune maison d’édition parisienne Belladone, fondée par Aurore Guillemette, et pour son directeur de la collection poésie « L’Olifant », Grégory Huck.
 
 
 « Est-ce que la poésie va continuer d’exister ? » s’inquiète le poète né dans le fracas des bombes de la dernière guerre. Comme au chevet désormais des peuples en danger, il multiplie les mises en garde contre les mines à retardement posées depuis les quatre dernières décennies sur cette planète surexploitée : « Nous vivons une époque pré-révolutionnaire, en dépit d’un apaisement apparent suscité par cette élection… La poésie a le droit et le devoir de parler de cet état de choses inimaginable qui aurait mis au défi Dante lui-même…. Une poésie qui ne parlerait pas de l’extinction imminente de l’espèce resterait vaine, esthétisante ou décorative… Il y a quinze millions de pauvres en France et ça ne fait bouger personne. Mon dernier recueil est résolument engagé, quitte à ce que le poétique soit écrasé…»
 
Le matin encore lui était venu un poème sur ce qu’il appelle pudiquement le marasme bancaire : « Peut-on seulement imaginer ces milliards de transactions passées à la nanoseconde ? C’est comme une mérule en train de dévorer les fondations d’une maison : elle jette ses filaments depuis la cave jusqu’à la charpente… Il faudrait un poète immense comme le Hugo de La Légende des siècles ou un Shakespeare pour décrire ça – à défaut de l’empêcher… Il n’y a pas eu de grand texte poétique français sur la Grande Guerre ou Auschwitz comme si la sidération rendait mutique… Je rêve d’un poète qui puisse saisir l’esprit collectif et tendre ce miroir à sa société…»
 
 
Notre mère la poésie
 
Dans les premiers jours de mars 1963, un grand jeune homme roux d’à peine vingt ans monte les escaliers de l’imprimerie Istra (alors sise au 15, rue des Juifs), vers les bureaux d’Antoine Fischer (1910-1972), le mythique fondateur des Saisons d’Alsace : il lui amène son premier article sur le Sturmhof alors voué à la démolition. Jean-Paul Klée vient d’entrer dans l’histoire littéraire – deux ans avant, il avait déjà publié son premier texte dans L’Almanach du Messager boiteux :
 
« J’habitais alors rue des Sœurs, j’avais juste deux rues à traverser, ce 13 mars. Antoine Fischer était un remarquable chroniqueur d’opéra et le frère de Monseigneur Eugène Fischer, un ami de mon père. Il lisait mes textes sur le champ et me les prenait. Je le revois encore, avec sa moustache grisonnante et ses grosses lunettes. Il était d’une modestie et d’une discrétion admirables…»
 
A la librairie Gangloff, il avait découvert un superbe exemplaire de la revue Le Point (faite à Mulhouse) : « J’ai compris que la poésie, au XXe siècle, ce n’est plus Victor Hugo mais des choses simples, sincères, autobiographiques et accessibles. J’étais encore dans l’écriture d’un journal et je suis entré en poésie grâce à cette revue. »
 
En 1970, il publie L’Eté l’éternité (Chambelland), son premier recueil de poésie préfacé par Claude Vigée : « J’avais donné une quarantaine de poèmes et j’avais reçu bien plus… ».
 
En 1972, la revue Poésie Un consacre un numéro consacré à la jeune poésie d’Alsace, tiré à vingt mille exemplaires. Cette année-là, Jean-Paul Klée voit sa Crucifixion alsacienne reprise dans une double page du Monde que Jean Egen consacrait à la poésie alsacienne – ainsi que dans La Nouvelle Revue socialiste.
 
De surcroît, Le Panorama de la poésie depuis 1945 (Bordas) de Serge Brindeau lui fait une place de choix, ainsi que l’anthologie de Georges Holderith – un « envahissement de renommée » et la reconnaissance d’une poésie de combat – déjà… Son combat s’appelle alors Fessenheim puis les inflammables collèges Pailleron – et, toujours, l’insoutenable qui laisse sans voix…
 
 
Le livre d’une absence
 
Son père, Raymond Lucien Klée (1907-1944), ami de Simone Weil (1909-1943), est reçu second en 1931 à l’agrégation de philosophie, devant Claude Levi-Strauss (1908-2009). Il travaille à une thèse sur Husserl – de quoi nourrir avec Jean-Paul Sartre (1905-1980) des discussions passionnées à la Maison de France à Berlin où ils vivent une année (1933) : « Il a peu écrit : il s’occupait surtout des autres et publiait une revue d’aide aux candidats à l’agrégation qu’il imprimait à son domicile, rue Lemoine, à Paris. Il s’intéressait à la sociologie, estimant qu’il faudrait une psychopathologie de la vie politique. C’est devenu une tendance des sciences sociales… ».
 
Mort au Struthof le 18 avril 1944 (arrêté au lycée de Versailles où il enseignait, il y a été déporté pour « propagande gaulliste »), Raymond Lucien Klée n’a pas eu le temps d’accomplir son œuvre. Son fils entend lui rendre son destin volé – en 1976, il adresse dans Elan une lettre à celui qui aurait dû alors entrer dans sa soixante-dixième année.
 
Entretemps, le comte Odon de Montesquiou-Fezensac (1906-1964), issu d’une famille du Gers et parent du comte Robert de Montesquiou (1855-1921), fait un tour de piste dans sa vie : « Le comte de Montesquiou a inspiré à Marcel Proust le personnage du baron Charlus. L’un de ses descendants devient le compagnon de ma mère. L’été, je me retrouvais comme en réclusion au château de Courtanvaux, près de Bessé-sur-Braye (Sarthe), en Vendômois,  la terre des rois de France et des courtisans… Il y avait des bibliothèques grillagées à tous les étages, c’était un coin de France pourri de littérature : Ronsard, Musset et Proust y avaient leur gentilhommière. »
 
En 1957, le jeune Jean-Paul s’entraîne pendant des semaines à faire un baisemain à la princesse Marthe Bibesco (1886-1973), alors annoncée en visite chez son cousin le comte : « J’ai baisé la main qui avait serré celle de Marcel Proust. Entre la Belle Epoque et la dernière guerre, la princesse avait fait chavirer toutes les têtes couronnées d’Europe et ébloui par son esprit. Ses œuvres poétiques étaient supérieures à celles de sa parente Anna de Noailles…»
 
Il apprend à lire et à écrire dans Le Figaro, que le comte achetait tous les jours au numéro : « Tous les lundis, il y avait une chronique signée Guermantes (c’était le pseudonyme de Gérard Baüer), Instants et visages, d’une grâce incomparable. Elle m’a déterminé, autant que la lecture de Flaubert, dans ma recherche stylistique. Toute l’Académie Goncourt, d’André Billy à Roland Dorgelès, y chroniquait alors : j’ai grandi avec eux ! ».
 
La parole élue et le livre inachevé…
 
Professeur de lettres à Saverne (1971-1979), il crée en 1973 sa propre structure éditoriale, publiant à mille exemplaires des recueils d’élèves ou d’amis comme Conrad Winter (1931-2007) : « Il y avait de véritables effusions poétiques : on ne quittait plus la poésie ! Les élèves les vendaient dans la rue, l’aventure a duré jusqu’en 1977… »
Cette année-là paraît le dernier cahier de la collection, Le sacrifice de Jean-Lumière contre Fessenheim-Hiroshima, un « sketch-cri » mis en scène par la Compagnie du Lys de Louis Perrin : la centrale nucléaire de Fessenheim venait d’être achevée et Jean-Paul Klée s’impose comme la voix dominante des poètes alsaciens de langue exclusivement française.
Le successeur d’Antoine Fischer à Saisons d’Alsace, Auguste Baechler (1928-2006), envisage de lui confier la responsabilité d’une collection de monographies consacrées aux grands auteurs d’origine alsacienne (comme Claude Vigée, Alfred Kern ou Marcel Schneider) – mais survient le premier choc pétrolier …
 
En quarante années d’amour de la poésie, Jean-Paul Klée a donné une quinzaine de livres dont onze recueils-jalons finement ciselés, toujours nés d’une extrême nécessité œuvrant d’elle-même – de Poëmes de la noirceur de l’occident (bf 1998) à… Oh dites-moi Si l’Ici-Bas sombrera ?… (Arfuyen, 2002) et le récent Décembre difficile.
Aujourd’hui, il confesse avoir une quarantaine de volumes inédits dans ses tiroirs : « Il m’en vient tous les jours sans interruption. Je ne passe pas une journée blanche sans poésie, ce qui fait environ 800 feuilles par an… »
 
Mais il devient un poète de plus en plus écouté qui déplace les auditeurs : « Sans rien demander, je suis amené à multiplier les lectures poétiques, comme récemment à Bruxelles, Montmeyan, Woippy, Goussainville ou l’Ecole normale supérieure de Lyon où enseigne Cédric Villani. La poésie, c’est un rythme, un ton, une intonation, un accent, je n’écris que pour retrouver ça. Quand Cézanne peignait des pommes, le sujet n’existait plus : c’était juste du Cézanne… Pour la poésie, ce qui importe, c’est la manière dont c’est cadencé, peu importe le sujet : c’est un plaisir de déclamer en laissant descendre les mots, dans des lectures claires et courantes où le texte peut se déployer… Des audio-livres sont en projet… »
Dans son vaste appartement de Neudorf s’empilent des cartons d’archives – un témoignage irremplaçable sur un demi-siècle de vie littéraire qui s’impatiente de prendre volume. Face au vertige de tout ce qui se meurt d’avoir cru se perpétuer, le poète ne désarme pas : « L’autre jour, j’ai vu un moineau blessé : il ne peut plus s’envoler, un chat le guette. Alors, venu d’où ne sait où, une nuée d’autres moineaux s’abat sur le chat et le met en déroute… »
 
Tout, dans l’univers, se répond : la danse de l’abeille à la douleur muette de la pierre, la guerre à la fête – et la poésie à la foi, tant que le monde s’éveillera et se couchera dans la parole élue…

& aussi