«Blizzard»

Marie Vingtras : «J'aime les histoires et les émotions fortes»

Marie Vingtras est l'une des révélations de l'automne. Avec Blizzard ( L'Olivier), elle livre un suspense glaçant qui se passe en Alaska au mileu d'une tempête de neige. Un page turner digne des romans américains, avec un style direct composé de monologues enchâssés qui mêlent le lecteur à cette tempête des émotions. Sélectionnée comme Talents Cultura, Marie Vingtras qui vient de recevoir le prix des Libraires 2022 répond à nos questions. Se méfier des blondes hitchcockiennes...

©Olivia Phélip

Légende photo : Portrait de Marie Vingtras © Olivia Phélip

Marie Vingtras ressemble à une héroïne hitchkokienne. Blonde, sage, apparemment sans histoire. Mais pas sans histoires. Son premier roman, écrit comme un suspense glaçantmontre qu'il faut se méfier des tempêtes qui couvent sous la glaceBlizzard (L'Olivierest un livre qui scotche son lecteur comme le vent le plaque au sol. Le souffle haletant, celui-ci ne peut lâcher le livre jusqu'à son dénouement. Cette qualité n'a pas échappé aux libraires de la chaîne Cultura qui ont choisi ce livre parmi leurs Talents de l'année. Le public en mal d'émotions fortes sur fond de grands espaces en a aussi pour son compte.

Une quête dans l'enfer blanc d'une nuit de blizzard en Alaska

Marie Vingtras a imaginé un huis clos à ciel ouvert en Alaska, où se joue un drame qui met en scène trois hommes partis à la recherche d'une femme et du petit garçon de 10 ans  dont elle s'occupe, qui a disparu un soir de blizzard.
Cette quête qui donne l'extrême tension au récit ( l'enfant va-t-il être retrouvé vivant ?) n'empêche pas de poser les personnages dans un espace tragique de quasi-unité de lieu, avec le mystère de leurs psychologies et de leurs vies. Il y a Bess, qui rêve de Californie au milieu de la tempête pour se donner du courage, pendant qu'elle cherche l'enfant disparu en quelques secondes alors qu'elle refaisait son lacet; Benedict, le seul enfant du pays, qui a recueilli l'enfant; Cole, vieil homme rustre et alcoolique; et Fryman, un vétéran du Vietnam échoué en Alaska pour des raisons mystérieuses.

Un livre choral

Le livre est construit autour de 59 monlogues qui s'enchaînent et s'enchâssent les uns aux autres.  Comme si en temps réel, dans un moment où la vie et la mort se rejoignent, la vie de chacun refaisait surface dans une vision fulgurante. Le blizzard et la réverbération de la neige deviennent révélateurs de l'âme sombre de chacun. Noir et blanc. Cela donne toutes les nuances du gris. 

L'enchaînement des secrets et des culpabilités enfouies

Entre élans illuminés et angoisses, chacun possède ses petits secrets et ses blessures. A part Benedict, aucun n'aurait dû se rerouver là, en Alaska, dans ce point perdu du bout du bout du monde. Hommage à la littérature américaine, en un rythme serré et avec une psychologie incisive, étayée par une langue qui s'adresse directement au lecteur, ce premier roman fait souffler un vent de surprise en cet automne littéraire.

Sous un beau jour d'automne, nous rencontrons la romancière Marie Vingtras, qui n'a rien à envier à ses alter ego anglo-saxonnes, reines du suspense.

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Viabooks : Un premier livre qui vous propulse sous les feux de la notoriété. On dirait que votre blizzard déclenche des tempêtes !

--Marie Vingtras : Je ne m'y attendais  pas du tout. Je ne réalise pas encote trop. C'est tellement incroyable. Cet accueil enthousiaste me touche. J'avais déjà écrit des textes avant, non publiés, différents. Et puis, j'ai peut-être osé me rendre vers là où je voulais aller...

On peut dire que vous vous démarquez tout de suite d'une certaine littérature dite féminine... 

-Marie Vingtras : J'ai écrit ce que j'aime lire. J'aime les histoires fortes. Je pense que la vie est brutale. J'ai d'ailleurs envoyé mon manuscrit au départ, avec un pseudonyme masculin, car justement je ne voulais pas qu'une signature féminine édulcore le sens de mon texte. Après que mon livre ait été accepté, j'ai repris mon identité féminine, toujours sous pseudonyme. 

Pourquoi ce goût des émotions fortes ?

-M.V. :  Je trouve que c'est agréable d'écrire quelque chose de violent. C'est libérateur.  Car la violence décape et force à faire sauter les verrous des secrets. Dans Blizzard, chaque personnage porte en lui sa dose de secrets et de passé trouble. Finalement chacun des protagonistes en prend pour son grade. Plus on plonge dans l'âme de quelqu'un, plus on se rend compte de la complexité des personnalités, des choix, des destins.

Le blizzard apparaît presque comme un personnage mythique. Se battre avec les éléments, c'est se confronter à plus fort que soi ?

-M.V. : J'ai voulu que ce blizzard fasse corps avec les personnages, qu'il les empêche de fuir. Je suis bretonne, donc je ne suis pas originaire des terres du Grand Nord et je n'y ai pas vécu. Mais ces lieux intenses m'ont toujours fascinée. Ce qui nous dépasse nous force à nous dépasser.

Les monologues sont une forme d'écriture qui contribue à la dimension tragique de votre récit, car le lecteur est directement partie prenante.

-M.V. : Tragique et comme si plus personne ne pouvait dialoguer. Au milieu de ce nulle part sans fin et pourtant limité dans l'espace, il y a une extrême solitude. J'ai souhaité que ces personnages en petit nombre que rien n'aurait dû rassembler, composent un assemblage hétéroclite. Aucun ne devrait vraiment se trouver en Alaska. A part Benedict qui incarne la continuité familiale. Et pourtant, tous ont une ou plusieurs raisons de s'y trouver. Cet "entre soi" improbable crée un grincement des existences. Les monologues contribuent à cette juxtaposition inconfortable. 

Votre prochain livre ? Une histoire douce ou encore un récit à suspense ?

-M.V. : J'ai commencé un nouveau livre qui sera aussi un roman choral. Mais je ne souhaite pas en parler.

>Blizzard, Marie Vingtras, L'Olivier, 192 pages, 17,00 €

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