Tendances de la rentrée littéraire #1

Guerre, violence et faits divers au cœur des romans de la rentrée

Comme chaque année, le monde de l'édition fait sa rentrée et lance ses poulains dans la compétition. Près de 650 "élèves-auteurs" dans la course. Comment faire son choix parmi tant d'abondance ? Impression générale : beaucoup de très bons livres, denses et documentés. Peu d'autofiction : c'est le grand retour du récit et des épopées romanesques. C'est aussi une rentrée grave qui ne recule pas devant les sujets difficiles. Première partie de notre panorama des thèmes principaux : guerre, violence et faits divers.
>>Lire aussi la deuxième partie des tendances de la rentrée : Des vertiges du deuil à l'exaltation littéraire, ainsi que la troisième et dernière partie : De la satire sociale à la difficulté des liens familiaux

Quelques livres de la rentrée littéraire de septembre 2016 Quelques livres de la rentrée littéraire de septembre 2016

Comme chaque année, le monde de l'édition fait sa rentrée des classes. Le côté bon élève qui sommeille en chaque futur académicien. Les éditeurs aimeraient-ils ajuster leur temps sur celui des écoliers et attendre ensuite leurs prix comme au bon vieux temps de la communale ? 

Abondance de concurrents au départ...

Certains peuvent déplorer cette tradition bien française qui consiste à noyer lecteurs et journalistes, en espérant que seuls les meilleurs sortiront la tête hors de l'eau - en 2016, près de 650 livres dont un peu moins de 400 romans français. On sait bien que, dans cette course en piscine fermée, ce ne sont pas toujours les meilleurs qui émergent, mais ceux qui connaissent le mieux les règles du bassin. Au passage certains seront noyés, condamnés peut-être à perpétuité, éjectés à jamais du monde des lettres pour n'avoir su faire partie du podium...

...Peu d'élus à l'arrivée 

Et comme chaque année, quelques-uns prennent la parole haut et fort pour critiquer ce jeu cruel, dont l'abondance n'est que le visage masqué d'une sélection impitoyable : c'est le cas récemment de Laurent Sagalovitsch qui a publié dans Slate une tribune intitulée : Le jeu de massacre de la rentrée littéraire, qui s'émeut d'un système jugé de plus en plus meurtrier. D'aucuns pourraient répondre que le volume des auteurs publiés est le signe d'une bonne santé de l'édition et qu'un signal fort à une période charnière est propice à la mise en avant des livres et donc des auteurs. Nul ne peut répondre à ce dilemme : faut-il donner sa chance au plus grand nombre ? Ou ne sélectionner que quelques plumes déjà référencées?

Qualité et exigence au programme

Donc, cette année, encore de l'abondance. Ce qui ne veut pas dire manque d'exigence. Au contraire, 2016 nous propose beaucoup de bonnes livraisons. Les textes sont souvent denses et documentés. Il y a du travail dans l'air. Nous n'avons pu tout lire et nous nous excusons auprès des auteurs que nous avons peut-être injustement oubliés. Mais pour vous, on a quand même plongé abondamment dans le flux de la rentrée. Première impression : l'autofiction est en net recul. C'est le grand retour du récit et de la critique sociale, souvent très concerné par l'actualité. C'est aussi pour beaucoup, une nette attention au "style". Après une tendance d'une écriture en mode direct, les éditeurs ont privilégié un travail du texte plus recherché. Voici notre sélection des livres et des thèmes qui marquent cette saison.  

Les habitués de la rentrée "hors concours"

Pas de rentrée sans eux ! Amélie Nothomb, nous revient très en forme, inspirée par sa réécriture des contes traditionnels, mis à la sauce contemporaine. Après Barbe bleue, c'est au tour de Riquet à la houppe (Albin Michel) de passer à sa moulinette un peu fantasque. Cela se lit en deux heures et c'est plein d'observations sur le "vilain petit canard" qui sommeille en chacun de nous. Et c'est plein d'entrain, derrière le chagrin.
Jean d’Ormesson , sans lequel le paysage des lettres français ne serait pas ce qu'il est, jouit d'une double actualité, avec la sortie de deux livres:  l'un qui est vraiment nouveau : Guide des égarés (Gallimard), variation sur la quête des origines et du sens de la vie, l'autre Ces moments de bonheur, ces midis d'incendie (Robert Laffont), qui rassemble plusieurs livres anciens. Nous sommes aficionados, donc notre obejctivité ne sera pas certaine. Vous ne serez pas déçus, car le bel esprit de Jean d'Ormesson, donne une magnifique partition sur la passion de la vie. 
Philippe Delerm, lui aussi continue d'égrenner ce qui enchante l'existence avec son Journal d'un homme heureux (Seuil). Toujours la même musique, et le même bonheur à jubiler de ces petits riens qui font les grandes douceurs. Cela fait du bien par les temps qui courent mal.
Quant à Eric-Emmanuel Schmitt, il propose à ses fidèles lecteurs une nouvelle variation sur le thème de l'extraordinaire avec L'homme qui voyait à travers les visages (Albin-Michel). Cela ressemble à du fantastique, tout en flirtant avec le réel. Les fidèles ne seront pas déçus, les autres ne seront pas convaincus. Même Philippe Sollers fait un retour sur la scène avec un Complots (Gallimard) qui surfe sur la paranoïa ambiante et assimile les "comploteurs" à des révolutionnaires d'un genre nouveau. A l'ère de l'ultracommunication la moindre rumeur peut tuer davantage qu'une explosion. Philippe Sollers craindrait-il pour son propre rayonnement ? Quand on a lu La septième fonction du langage de Laurent Binet, on ne peut s'empêcher de sourire. Mais que serait le paysage éditorial français sans notre astre autoadoubé ?

Pourquoi la guerre ?

Les écrivains se sont emparés des tourments du monde. Guerre, violence...les conflits ou la violence sont partout. Autrefois réservée à une littérature liée aux reportages, cette sombre actualité devient la toile de fond de nombreux romans.
D’abord, il y a la guerre et son interrogation : pourquoi ?. 
Karine Tuil est l’une des voix fortes de cette rentrée : Son L’insouciance (Gallimard) est loin d’être un texte léger, comme son titre ne l’annonce pas. Il claque comme une explosion qui arrive au moment, où on ne s’y attend pas. L’auteure-journaliste est partie d’un fait réel, une embuscade au sein des troupes françaises basées en Afghanistan. Elle va suivre le destin d’un des rescapés qui ne sortira pas indemne de ce drame -syndrome post-traumatique. Sur le fil, l’histoire se mêle à celle de la guerre économique qui se joue de l’intérieur, une autre forme de combat auquel ce lieutenant va malgré lui être partie prenante. D’une histoire complexe, dans laquelle l’auteure pourrait se perdre, Karine Tuil tient son récit et nous montre combien tous ces combats sont les multiples faces d’une même violence. Instructif autant que palpitant. On peine à refermer le livre, tant on a envie de suivre la suite des « aventures » de ce Romain Roller. On en verrait bien un film…
Pour ce qui est des récits à multiples niveaux, Laurent Gaudé est l’équilibriste de cette saison : son Ecoutez nos défaites (Actes Sud) est une vraie prouesse, car il mêle de nombreux personnages réels issus de lointaines épopées -Hannibal, le général Grant, Hailé Sélassié-,  à d'autres imaginaires placés dans le présent : une archéologue qui cherche à sauver des pièce de musées en Irak, un agent des services de renseignement à Beyrouth... Ce grand roman à la langue âpre et poétique est un chant pour la paix et un plaidoyer contre tout combat, inutile « par essence », le seul concevable étant celui pour la beauté.  Une voix de sagesse qui résonne longtemps après avoir refermé ce livre aux accents presque prophétiques.

La guerre, une mémoire

Ensuite, il y a ceux qui racontent la guerre, « leur » guerre, celle qu'ils ont subie dans leur chair. C’est le cas de trois auteurs qui ont écrit leur premier roman à la source de leur mémoire. 
Harry Parker, ancien soldat qui a sauté sur une bombe en Afghanistan et a été amputé des deux jambes. Son Anatomie d'un soldat (Christian Bourgois) montre la conviction du combattant, jusqu'au bout et "malgré tout". Réaliste, intime, le livre nous montre un héros que le monde oublie et que son entouraage porte dans tous les sens du terme. Jusqu'à ce livre qui le remet en lumière. La nouvelle arme d'Harry Parker sera désormais les mots.
Sara Novic nous entraîne à Zagreb en Serbie avec La jeune fille et la guerre (Fayard). Un premier roman en partie autobiographique, dans lequel l’auteure revient sur ses années d’enfance en Serbie lorsque la guerre éclate, seule survivante d’une famille décimée dans une embuscade, puis sur sa tentative de reconstruction aux Etats-Unis. Un livre puissant qui prend des accents universels sur la folie du monde « en guerre ».
Beaucoup d’émotion aussi dans un autre premier roman qui nous a bouleversés : Petit pays (Grasset) de Gaël Faye, qui vient de recevoir le Prix du Roman Fnac. Il va falloir compter avec cette nouvelle voix. Dans ce livre, nous suivons la transformation de la vie d’un petit garçon au moment où la guerre éclate au Burundi. Comme chez Sara Novic le contraste est saisissant entre l’avant et l’après guerre… Gaël Faye réussit à nous faire pénétrer dans son « petit pays », ressentir ses odeurs et ses terreurs. Il nous parle de sa résilience par les livres et la musique. On se dit que cette plume ne saurait rester vaine…

Violence du monde, violence des mondes

Et puis, il y a la violence. Partout. Les écrivains la ressentent et la renvoie. Entre colère, stupeur et férocité. Une violence qui se retrouve aux quatre coins du monde.
Dans un livre ramassé, qui de bout en bout montre la dureté et la violence humaines, presque cruelles, sans conscience, Jean-Baptiste del Amo signe un des livres les plus marquants de la rentrée. Règne animal (Gallimard) retrace, du début à la fin du vingtième siècle, l’histoire d’une exploitation familiale vouée à l'élevage porcin. Cinq générations qui vont traverser le siècle, ses guerres et ses conflits. Et les animaux, seuls points d’équilibre dans ce monde « sauvage ». Un livre qui interroge sur les équilibres de notre monde en folie. Vous ne regarderez plus jamais votre chien de la même manière après l’avoir lu … Le livre est porté par un large souffle. Très fort.
A l'opposé de cette vision ontologique de la violence des hommes, l’intelligence de la réflexion chez Amos Oz. Le géant des lettres israéliennes livre avec Judas (Gallimard), un récit sans concession sur les confrontations religieuses, placées du point de vue d’un jeune qui se retrouve hébergé chez un vieil homme. La force de la rhétorique et la beauté de la langue montrent combien Amos Oz est une de ces pensées dont le monde a besoin aujourd’hui pour tenter de sortir de la confrontation hostile. Nourrie de culture, qui défend la place de l’Homme et démonte les fausses certitudes, avec en son cœur la réflexion autour du sionisme et de la question arabo-palestinienne. Un beau livre écrit par une des plus grandes plumes du monde occidental, régulièrement citée pour le Prix Nobel. Un livre qui rend plus « intelligent », et qui ose imaginer un monde où chacun ferait l’effort de comprendre « l’autre ».
Car sans dialogue, c’est la négation, l’affrontement. Fouad Laroui analyse dans Ce vain combat que tu livres au monde (Julliard), les mécanismes qui mènent un individu en France à se radicaliser, jusqu’à l’acte ultime… l’envers du monde islamiste et l’engrenage implacable d’un « vain combat » qu’il est impossible de quitter une fois le mécanisme lancé, même lorsque le doute s’installe. Croyance sans conscience n’est que ruine de l’homme…
Non loin d'Israël : l'Iran. Negar Djavadi frappe fort pour son premier roman : avec Désorientale (Liana Levi), elle raconte l’histoire d’une famille iranienne, opposante au régime, à laquelle le lecteur s’identifie très vite. Le talent de la jeune romancière nous fait ressentir peur et colère face aux difficultés, brimades et combats. On pénètre dans son histoire presque par effraction et on s'attache à tous les membres de sa famille qui devient un peu la nôtre.
La violence est parfois rythmée par la musique, la rage de vivre. C’est le thème abordé par Yasmina Khadra avec Dieu n’habite pas La Havane (Julliard). Nous suivons l’incroyable et improbable destin  de Don Fuego, un chanteur cubain qui a eu son heure de gloire. Entre désillusions et fol engouement, Khadra livre un roman haut en couleurs sur une jeunesse sacrifiée, malgré la résilience musicale.
Musique plus que tout avec l’écrivain jamaïquain Marlon James, qui signe avec Brève histoire de 7 meurtres (Albin Michel), un livre, mêlant récit de la tentative d’assassinat de Bob Marley, analyse de la société jamaïcaine et histoire du reggae. Touffu, rythmé et puissant. Un livre unique en son genre qui montre combien musique et violence font partie d’un même ensemble, lorsque la première est une méthode de résistance. Le livre a déjà fait un tabac dans de nombreux pays. Les lecteurs français ne devraient pas rester insensibles à ce nouveau talent des lettres.
Quittons la Jamaïque pour Mayotte : Natacha Appanah s’intéresse dans Tropique de la violence (Gallimard) au sort des enfants et adolescents des rues de Mayotte, souvent des Comoriens abandonnés par leurs parents, qui n’ont d’autres choix pour survivre, que de se prostituer ou de voler. Bouleversant sans que l’auteure verse dans un pathos superflu.
Direction l’Asie avec Eric Faye, qui avait reçu le Grand prix du roman de l’Académie française pour Nagasaki (Seuil) : l’auteur poursuit son exploration asiatique avec cette fois-ci une plongée dans les ombres de la Corée du Nord avec Eclipses japonaises (Seuil), qui lève le voile sur les disparitions de jeunes filles japonaises et d’un officier américain dans la dictature la plus opaque du monde. Eric Faye arrive à nous envoûter avec un sujet pourtant difficile.

Faits divers et dérives

Dans ce contexte violent, les désaxés apparaissent comme les symptômes d'une société malade. En cette rentrée plusieurs textes s'intéressent à ces personnalités dangereuses, qu'elles soient réelles ou imaginées.
Du côté du réel,  Ivan Jablonka , Laëtitia ou la fin des hommes  (Le Seuil) revient sur l’horrible fait divers du meurtre de Laetitia Perrais, une jeune fille de Loire Atlantique, qui avait ému la France entière. Il tente de comprendre de quel symptôme cette violence est le nom. Un livre qui va très loin dans le mélange entre le récit factuel et l’analyse. Un peu terrifiant parfois, mais remarquable.
Un autre fait divers a inspiré Harold Cobert : derrière le personnage de Fourniret,  tueur en série, l’auteur s’intéresse à sa femme, Monique, complice et victime, dans La mésange et l'ogresse (Plon). Une enquête romanesque qui fait alterner les points de vue du commissaire chargé de l'affaire et de Monique Olivier elle-même, à partir de documents réels, et qui tente de percer l’énigme de cette femme ambivalente que son monstrueux compagnon surnommait sa « mésange ». Voyage au cœur du mal. Dérangeant et presque inconcevable.
Simon Liberati avoue avoir été fasciné depuis l’enfance par la famille Manson et l’horreur presque cinématographique du meurtre de Sharon Tate, précurseur des médiatisations outrancières. Dans California girls (Grasset), il revient sur l’histoire du gourou Charles Manson et de ses « girls ». En trois actes, Simon Liberati reconstitue un western psychédélique, avec le lyrisme qui le caractérise. Ce n’est pas tant l’horreur de l’acte qui l’intéresse, mais tout le système d’une emprise et d’une fascination de la mort. Un livre brillant. 
Une fascination qui a également touché Emma Cline qui, dans The girls (La Table ronde), a aussi imaginé une histoire inspirée de celle des "girls" de Charles Manson. Un livre qui contrairement à celui de Simon Liberati ne s'intéresse pas au "mythe" mais plutôt au phénomène des sectes et des gourous, avec une grande compréhension des resssorts psychologiques à l'oeuvre. 
Non inspirés directement par un fait divers, mais portés par une violence qui surfe avec l'époque, deux autres livres ont retenu notre attention : celui de Régis Jauffret et celui de Leïla Slimani.
Régis Jauffret dont on connaît le goût pour les histoires étranges, a imaginé une association de malfaitrices entre une ex-amante qui a quitté un homme et la mère de celui-ci. Unies par l'amour qu'elles portent pour le même homme, ces femmes vont concevoir un macabre projet que le titre du livre, Cannibales (Le Seuil) annonce d'emblée. Ceux qui aiment l'univers souvent transgressif de Régis Jauffret apprécieront ce livre qui est un bon cru de l'auteur. Les autres y trouveront une complaisance qui leur déplaira :  mais n'est-ce pas là, la suprême violence que l'auteur veut transmettre ? Jusqu'où sommes-nous prêts à aller, par amour ou par folie ?
Leïla Slimani va semer la terreur dans toutes les familles avec son Une Chanson douce (Gallimard). Elle imagine une famille idéale, parents et deux enfants. Une nounou est embauchée pour s'occuper des enfants pendant que la mète travaille. Au début parfaite. Trop ? Et puis de manipulation en imprégnation celle-ci va aller jusqu'au pire. Les Bonnes de Genet version 2016 ? Il y a une confrontation sociale dans l'histoire. Le livre peine à donner un sens à la situation, mais une chose est sûre, Leïla Slimani sait tenir son lecteur en haleine. Si vous voulez frissonner, lisez cette chanson qui vous fera passer des nuits blanches.

Les leçons de l'Histoire 

Face au chaos du monde actuel, nombreux sont les écrivains qui puisent dans l'Histoire pour nourrir leur inspiration. Pas seulement comme une référence évoquée comme chez Laurent Gaudé, mais comme sujet central. Et si revivre le passé nous aidait à mieux comprendre le présent?
La guerre de 14, la plus grande boucherie de tous les temps ne lasse pas de fasciner. Antoine Rault l'utilise en toile de fond dans La danse des vivants ( Albin Michel), un récit qui commence dans un hôpital à l'été 1918. Plutôt acide. 
L'Histoire rime aussi avec mémoire. On le comprend dans l'admirable deuxième livre d'Alexandre Seurat, L'Administrateur provisoire (La Brune au Rouergue). L'auteur qui nous avait tant touchés avec La maladroite qui abordait la question de la maltraitance, revient avec un texte dans lequel il engage sa propre lignée familiale, revenant sur le destin de son arrière-grand père, collaborateur sous l'Occupation française, chargé de gérer les biens confisqués aux juifs. On comprend les ravages de culpabilité transmis aux générations d'après. On est frappés une fois encore par le talent d'Alexandre Seurat à désigner d'une maniète ciselée, précise et apparemement distanciée son sujet. Remonter à la mémoire d'une famille participe d'un mouvement pour la libérer du poids de son passé. C'est ce qu'on peut souhaiter de mieux à son auteur.
L’Histoire toujours, avec ses enseignements chez Niels Labuzan. Dans Cartographie de l’oubli (Lattès), il questionne la situation du Sud-Ouest africain au travers du destin de deux hommes. Le premier, un soldat allemand qui a pour mission de coloniser ce Sud-Ouest africain en 1889. Le second, un jeune métis, en 2004 pendant une journée qui commémore le massacre des Hereros. L’un pense écrire l’Histoire, l’autre la questionne. Au milieu, la faillite de l’Afrique et l’une des sources du déséquilibre Nord-Sud actuel. Et l’interrogation sans concession de Niels Labuzan. Qui n’apporte pas de réponse, mais qui montre que les germes de l’instabilité ont été semés il y a plus d’un siècle. «J’étais jeune et je découvrais à quel point l’Histoire qu’on maintient vivante est modulable et subjective. ». L’Histoire comme un mouvement permanent, pour peu qu’on s’élève suffisamment pour en percevoir le sens. Un livre instructif, qui ne cède pas à l’idéologie.
L'Histoire pose aussi la question de son appropriation.Comme le décrit très bien Thierry Froger dans un roman écrit sur plusieurs niveaux temporels, Sauve qui peut (la Révolution) ( Actes Sud). L'auteur imagine devoir mettre en scène la célébration du Bicentenaire du 14 juillet et porter un regard actuel sur les événements qui ont abouti à La Terreur. Le livre est rempli d'incursions imaginaires avec des personnes réelles, ( Jean-Luc Godard ou Jack Lang par exemple), mélange clins d'oeil et faits notoires. Il est écrit de manière alerte, même si sa construction est un peu complexe, peut-être trop.
Toujours sur le thème du 14 juillet Eric Vuillard a écrit un livre plus classique, en partant d'un récit intime prenant le point de vue des ouvriers des ateliers Réveillon. Le livre est porté par un souflle certain qui montre l'énergie d'une révolte qui peut devenir Révolution. Le glissement sémantique n'est jamais loin. Eric Vuillard veut-il tranmettre un message aux dirigeants actuels ? Peut-être. Quand la colère gronde trop fort, "les fausses épées devinrent de vrais bâtons" et  le peuple préfère rêver que renoncer, quitte à payer le prix fort. Voilà une rentrée littéraire qui n'a pas fini de brandir ses épées de papier...
>A noter : certains livres cités ne sortiront qu'en Octobre, mais ils sont déjà en prévente chez les libraires.
>Lire aussi la deuxième partie des tendances de la rentrée : Des vertiges du deuil à l'exaltation littéraire
ainsi que la troisième et dernière partie : De la satire sociale à la difficulté des liens familiaux.

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