Le templier aveugle: Roman Yaoi

Résumé

Pour s'enticher d'un templier, il faut vraiment être aveugle.
Et, pour son malheur, Malory est jeune, joli comme un cœur, attendrissant en diable mais atteint de cécité et… dégourdi comme un topinambour !
Avec raison, Ogier de Lorville, chevalier du Temple, aurait pu se croire le dindon de la farce lorsque le père du garçon lui vend ce dernier pour quelques pièces de monnaie.
Mais, acte de charité ou perversion, cette acquisition peu réglementaire tombe mal car, au moment où le roi Philippe le Bel prépare la dissolution de l'Ordre, Ogier va, bien malgré lui, ajouter de l'eau au moulin des détracteurs du Temple et précipiter le jeune infirme dans les griffes de l'inquisition…

Après avoir bousculé pas mal d'idées reçues avec ses romans historiques sur l'antiquité, Claude Neix, qui n'est autre que la romancière et journaliste Cristina Rodriguez, s'attaque au mythe des templiers en version Boys Love en usant de ses armes favorites : l'érotisme, la dérision et un humour aussi noir que la fumée des bûchers !
Début du livre :
"Ce fut en France, à Paris plus précisément, par un après-midi de mai de l'an 1302, que le tisserand de destins ajouta un nouveau fil à sa trame. Et, comme ce destin-là ne devait pas être un destin ordinaire, il ne débuta point non plus dans un lieu ordinaire…
Un palais ? Un château fortifié ? Une cathédrale ?
Non.
Dans la petite église St Jacques de la Boucherie, sur la rive droite de la Seine.
Près du Maître autel ? Au pied de la grande croix ornée de pierreries ? Sous l'étincelant vitrail du chœur ?
Non plus.
Ce fut sous le porche d'entrée, à côté du bénitier. Là où l'odeur de cire des cierges se mêlait aux parfums entêtants des fidèles venus assister à l'office du dimanche et aux relents de sueur.
Personne, en voyant ce petit mendiant adossé à la muraille de pierre, n'aurait pu penser que la Fortune avait posé le doigt sur son front. Pourtant, ce garçon d'une quinzaine d'années, aux vêtements beaucoup trop étriqués pour sa taille élancée, allait connaître un destin inattendu.
Il n'était pas l'un de ces pouilleux qui ratissaient les alentours à l'affût de quelque bourse qu'il pourrait subtiliser à la ceinture des paroissiens. Ces derniers quittaient d'ailleurs l'église en lui jetant des regards trop méfiants pour qu'il s'y risquât — contrairement aux jeunes demoiselles, accompagnées de leurs mères et de leurs chaperons, qui ne pouvaient s'empêcher de lui adresser quelques œillades indiscrètes, voire franchement admiratives.
Mais il fallait bien admettre que le garçon aurait pu servir de modèle à l'artiste qui avait sculpté la statue de l'archange Gabriel, souriant du haut de son piédestal, à quelques pas de la nef. Un corps gracieux, un visage adorable, encadré par une chevelure blonde et lisse… Bref, tout pour éveiller le cœur d'une adolescente en attente d'un époux qu'elle ne pouvait souvent qu'imaginer, à défaut de choisir.
Si le passant curieux prenait la peine d'y regarder de plus près, cependant, la fixité des yeux trop pâles et la façon qu'avait le jouvenceau de pencher légèrement la tête sur le côté, comme s'il tendait l'oreille, lui auraient peut-être pincé le cœur car, oui, il était aveugle. Voilà qui expliquait le bâton qu'il tenait distraitement à la main.
Contrairement à ce que l'on pouvait attendre d'un infirme en un tel lieu, il ne sollicitait pas l'aumône. Il restait juste là, à mordiller sa lèvre inférieure, trahissant des signes évidents d'anxiété, et dressait l'oreille car, au pied d'une colonne, deux hommes discutaient en lui jetant de fréquents regards. Le garçon était trop loin pour suivre la conversation et ne réussissait à saisir que quelques mots ici ou là, mais les bribes qu'il put percevoir l'inquiétèrent.
Il faut dire qu'ils n'avaient pas l'air accommodant, ces deux personnages…"