Décryptage

Milan Kundera: la méditation littéraire

L'oeuvre de Milan Kundera vient d'entrer dans la prestigieuse collection de la Pleiade: L'occasion de relire mais aussi découvrir les ouvrages d'un écrivain qui ne cesse d'interroger la littérature et ses genres. Profondément cultivés, ses textes célèbrent autant la littérature classique qu'ils questionnent les mondes moderne et contemporain.

Né le 1er Avril 1929 à Brno (ex Tchécoslovaquie), Milan Kundera a bâti une oeuvre fort riche, qui a interrogé les genres et le roman particulièrement. Prix Médicis Etranger 1973, pour son ouvrage La Vie est ailleurs, il a reçu également en 2001 le Grand Prix de littérature de l'Académie Française pour l'ensemble de son oeuvre. Aujourd'hui, en 2011, Kundera peut s'enorgueillir d'être le seul écrivain vivant à voir ses oeuvres complètes publiées dans la prestigieuse Pleiade.

 

De la Tchecoslovaquie à la France

En 1975, Milan Kundera décide de s'installer en France où il enseigne d'abord à l'université de Rennes puis à Paris à l'Ecole des Hautes etudes en Sciences Sociales. En 1979, la nationalité tchécoslovaque lui est retiré et l'une des premières décisions du Président François Mitterand sera d'octroyer à Kundera la nationalité française. 

L'oeuvre de Kundera séduit les générations dans leur diversité. Comme le note Maxime Rovere dans Le Magazine Littéraire, cet auteur fascine "autant ceux qui le découvrirent dans les années 1970 que ceux qui sont nés au milieu de son oeuvre."

Dans Libération, Philippe Lançon note "A son meilleur, Kundera le fait par l'humour, la précision, le libertinage, avec un sens théâtral du roman, comme un marcheur au pas clair dans la rosée du récit".


La Pleiade dirigée par François Ricard

Dans Le Figaro, on pouvait lire ceci: "La Pleiade de Kundera est exemplaire. Le seule et sobre biographie qui y figure, oeuvre du meilleur connaisseur de l'écrivain, François Ricard, porte exclusivement sur les oeuvres, leur genèse, leur publication, leur réception."
Pour Lançon encore "L'ensemble est précis, sentencieux, saturé de respect: l'oeuvre de Kundera vaut mieux que l'admiration armée, cérémonieuse, si vite offusquée, qu'elle suscite."


Pour l'art du roman

"Apologiste de l'art du roman, expérimentateur de ses formes, Kundera voit et montre dans ce genre littéraire, tel que le modernisme l'a compris depuis Flaubert, la seule science véridique capable aussi bien de démasquer leurs interpolations que de restaurer leur texte primitif et corrompu."
Dans le JDD, Marie-Laure Delorme propose un portrait de l'oeuvre de Kundera qui nous semble intéressant à souligner: "Les grands thèmes de Milan Kundera sont présents dans La Valse aux adieux. La trahison, la déchéance, le spectre du suicide, l’exil, le pardon, le libertinage, le dégoût du lyrisme, la solitude. Tous ces gestes fugaces qui dévoilent le fond à jamais perdu des êtres. Le ton est mordant. À la fois lointain et proche. On est saisi par la diversité des caractères, des points de vue, des intrigues, des longues réflexions. Histoire des pays (les drames de l’Europe communiste) et histoires des hommes (abandonner et/ou guerroyer). L’écriture de Milan Kundera est précise et vivante. Elle opère avec la réalité comme un horloger avec une montre. Elle ouvre, observe, répare ou non."


Ecrire ou le plaisir de contredire

Lançon dans son article rappelle ce que Kundera avait dit à Libération qui lui demandait en 1985 pourquoi il écrivait: "Ecrire, c'est donc le plaisir de contredire, le bonheur d'être seul contre tous, la joie de provoquer ses ennemis et d'irriter ses amis. Hélas, une fois le livre fini, on veut aussi plaire. C'est inévitable, c'est humain."

Kundera: un auteur en temps de crise?

Milan Kundera a donné "un sens romanesque à un monde aux valeurs dévastées qu'il évoque ainsi dans La Plaisanterie. C'est ainsi que dans Le Magazine Littéraire, on peut lire: "Ainsi Milan Kundera a d'autant plus d'avenir qu'il est un auteur en "temps de crise" -c'est à dire un auteur tout court, puisque l'existence et la littérature ne se situent jamais ailleurs qu'"en temps de crise".

 

Kundera face à la Littérature

A la question Qu'est-ce qui a changé dans la littérature avec l'oeuvre de Kundera ?, François Ricard, le directeur de l'édition de la Pleiade répond: Deux grandes choses. La première, c'est la place et la définition du roman, qui n'est plus considéré comme un « genre » littéraire parmi d'autres mais devient un art de plein droit, aussi distinct de la poésie, par exemple, que la peinture peut l'être de la musique. Un art, c'est-à-dire une manière particulière, unique, de voir le monde et de le comprendre. Or, du roman ainsi entendu comme art possédant sa propre histoire (très différente de celle de la poésie ou du théâtre), sa propre « méthode » (la prose, l'ironie), son propre matériau (le personnage), et surtout son propre objet (l'existence humaine), Kundera a fait l'art littéraire majeur de notre temps, comme « praticien » d'abord, mais aussi comme « théoricien », par ses essais qui, de L'Art du roman à Une rencontre, forment une longue méditation.

En savoir plus

Milan Kundera, Oeuvres Complètes, Pleiade, Gallimard.

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