Dossier Littérature, voyage et liberté

Jean-Michel Le Boulanger : « Le voyage ? La rencontre avec les autres et avec les imaginaires »

Pour Jean-Michel Le Boulanger, président du Festival Etonnants Voyageurs et ancien vice-président de la région Bretagne en charge de la culture, le voyage est « la rencontre, avec les uns, avec les autres, avec les imaginaires ». Il  répond aux questions d'Agnès Séverin recueillies pendant le Festival de Saint-Malo, port d'attache des écrivains en quête de grands horizons.

Portrait de Jean-Michel Le Boulanger. DR Portrait de Jean-Michel Le Boulanger. DR

Jean-Michel Le Boulanger, président du Festival Étonnants Voyageurs et ancien vice-président de la région Bretagne en charge de la culture répond à nos questions. Ses derniers ouvrages parus  sont : Mon pays dans le ciel (Goater, 2023) ; Raz de Sein (Locus Solus, 2023).

Qu’est-ce qui définit, selon vous, l’esprit du festival « Etonnants Voyageurs » ?  

- Jean-Michel Le Boulanger : La rencontre, la relation et la rencontre et la relation bien au-delà de nos murs. C’est-à-dire la rencontre avec des altérités lointaines. La rencontre avec des imaginaires, la rencontre avec des évasions. Je pourrai répéter le mot rencontre de manière sempiternelle, parce que c’est ça, je crois, l’ADN d’Etonnants Voyageurs. Les vents ne connaissent pas les frontières et Etonnants Voyageurs, qui se déroule dans un port, peut-être un peu venteux parfois, doit illustrer ce rapport au lieu. Un port, c’est par définition un lieu de rencontre. Ce sont des bateaux qui partent, qui vont au-delà de l’horizon. Et on ne sait pas forcément ce qu’il y a au-delà de l’horizon. On peut partir vers là-bas, on peut partir de l’autre côté. Et dans un port, il y a des gens qui viennent d’ailleurs, et qui peuvent venir de tous les ailleurs. Nous sommes dans une région portuaire, maritime, venteuse. Et bien, je crois l’ADN du festival, en quelque sorte, il est là. C’est la rencontre, avec les uns, avec les autres, avec les imaginaires. 

Un souvenir d’« Etonnants Voyageurs »…

- J.M. L. B. : Des souvenirs personnels, j’en ai beaucoup. Je pourrai évoquer un souvenir glorieux, si je puis dire. Un jour Michel le Bris m’avait fait l’inouï honneur de m’inviter à une table ronde dans le grand auditorium pour un de mes ouvrages avec Le Clézio et Mona Ozouf, donc vous voyez un peu les gens qui m’entouraient. Ça c’est un souvenir de grandeur !
Un souvenir récent, c’est hier ou avant-hier, au Café Littéraire de Maëtte Chantrel, je n’ai pas senti l’émotion monter en moi et, parlant de mon dernier ouvrage, j’ai craqué, en direct devant cinq cents personnes. Un grand moment de solitude parce que je me suis demandé : « Est-ce que je vais être capable de reprendre et mon souffle et mon propos ». Ce que j’ai fait, mais, voilà, ça marque un peu. Ce sont deux souvenirs émotionnellement forts que je vous cite.
Un souvenir qui pour moi illustre pleinement Saint-Malo, c’est la découverte. J’ai une femme qui est amoureuse de l’œuvre de Sepulveda. Un jour, elle se promène dans le salon, et elle tombe face à Sepulveda qui était tout seul. Et elle mettait Sepulveda au pinacle des œuvres et des auteurs consacrés qu’elle admirait. Et là, elle a son quart d’heure avec Sepulveda qui était tout seul. C’est ça Saint-Malo, on peut rencontrer Sepulveda à Saint-Malo. On peut passer du temps avec n’importe quel auteur, c’est possible. Et c’est merveilleux, c’est magique.
Souvent les auteurs que nous invitons sont sympas, ils se mêlent au lieu, ils se laissent glisser dans l’esprit d’un port qui est un lieu de rencontre.

Votre définition de la liberté ?

- J.M. L. B. : La liberté, c’est un combat aujourd’hui. Ce n’est pas une définition que je vais vous donner, c’est un combat que j’évoque. Ce que c’était au dix-neuvième siècle, ce que c’était, il y a encore quelques décennies. Le nazisme et le totalitarisme soviétique se sont effondrés l’un après l’autre et l’on a cru un moment que c’était la fin de l’histoire et donc la démocratie et donc la liberté. Et on se rend compte, à l’évidence, que c’est un combat et que ce combat, il s’illustre aussi à travers la richesse des livres. Je ne cesse de dire et de répéter que Samuel Paty est mort parce qu’il portait en lui l’amour des livres. Samuel Paty, il avait une bibliothèque en lui. Et quand on dit une bibliothèque, ça veut dire qu’il y a de la friction, du débat, des désaccords. Les livres illustrent touts les courant de pensée. Les livres illustrent le pluriel. Les livres. Et il a été assassiné par quelqu’un qui avait l’amour d’un livre. Un livre qui voulait éliminer tous les autres livres. Et la liberté, c’est les livres. C’est l’amour des livres. C’est le pluriel, la liberté.

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