Les extraits

« Mémoires d'Hadrien » de Marguerite Yourcenar, 1951

MARGUERITE YOURCENAR
MEMOIRES D'HADRIEN suivi de carnets de notes de memoires d'hadrien
Quand je considère ma vie, je suis épouvanté de la trouver informe. L'existence des héros, celle qu'on nous raconte, est simple : elle va droit au but comme une flèche. Et la plupart des hommes aiment à résumer leur vie dans une formule, parfois dans une vanterie ou dans une plainte, presque toujours dans une récrimination ; leur mémoire leur fabrique complaisamment une existence explicable et claire. Ma vie a des contours moins fermes. Comme il arrive souvent, c'est ce que je n'ai pas été, peut-être, qui la définit avec plus de justesse : bon soldat, mais point grand homme de guerre, amateur d'art, mais point cet artiste que Néron crut être à sa mort, capable de crimes, mais point chargé de crimes. Il m'arrive de penser...

« Les charités d'Alcippe » de Marguerite Yourcenar, Gallimard, 1984

Marguerite Yourcenar
Les Charités d'Alcippe
 Vous ne saurez jamais que votre âme voyage Comme au fond de mon cœur un doux cœur adopté ; Et que rien, ni le temps, d’autres amours, ni l’âge, N’empêcheront jamais que vous ayez été. Que la beauté du monde a pris votre visage, Vit de votre douceur, luit de votre clarté, Et que ce lac pensif au fond du paysage      ...

« ...Mais la vie continue » de Bernard Pivot, Albin Michel, 2021

Bernard Pivot
... mais la vie continue
« Bonjour Vieillesse…… J'aurais pu dire : Vieillir, c'est désolant, c'est insupportable, C'est douloureux, c'est horrible, C'est déprimant, c'est mortel. Mais j'ai préféré «chiant» Parce que c'est un adjectif vigoureux Qui ne fait pas triste. Vieillir, c'est chiant parce qu'on ne sait pas quand ça a commencé et l'on sait encore moins quand ça finira. Non, ce n'est pas vrai qu'on vieillit dès notre naissance. On a été longtemps...

« L'invention de la solitude » de Paul Auster, Actes Sud, Traduction Christine LeBoeuf et Françoise Kestsmann, 1988

Paul Auster
L'Invention de la solitude
A. irait jusqu'à soutenir que les événements d'un vie peuvent aussi rimer entre eux. Un jeune homme loue une chambre à Paris et puis découvre que son père s'est caché dans la même chambre pendant la guerre. Si l'on considère séparément ces deux faits, il n'y a pas grand chose à en dire. Mais la rime qu'ils produisent quand on les voit ensemble modifie la réalité de chacun d'eux. De même que deux objets matériels, si on les...

« Chronique d'hiver » de Paul Auster, Actes Sud, Traduction Pierre Furlan, 2013

Paul Auster
Chronique d'hiver
Extrait 2. Non, tu ne veux pas mourir, et alors même que tu t'approches de l'âge qu'avait ton père quand sa vie a pris fin, tu n'as pas pris contact avec tel ou tel cimetière pour t'occuper de ta concession funéraire, tu n'as donné aucun des livres que tu es certain de ne jamais relire et tu n'as pas commencé à t'éclaircir la gorge pour faire tes adieux. Néanmoins, il y a treize ans de cela, juste un mois après ton cinquantième...

« Chronique d'hiver » de Paul Auster, Actes Sud, Traduction Pierre Furlan, 2013

Paul Auster
Chronique d'hiver
Extrait 1. Encore de la neige aujourd'hui, et quand tu sors du lit et t'approches de la fenêtre, les branches de l'arbre, dans le jardin de derrière, sont en train de devenir blanches. Tu as soixante-trois ans. Il te vient à l'esprit que, dans le long voyage qui t'a mené de l'enfance à aujourd'hui, rares ont été les moments où tu n'as pas été amoureux. Trente ans de mariage, oui, mais dans les trente années qui ont précédé,...

« A l'ombre des jeunes filles en fleurs » de Marcel Proust, 1919

Marcel Proust
À l'ombre des jeunes filles en fleurs
Les levers de soleil sont un accompagnement des longs voyages en chemin de fer, comme les œufs durs, les journaux illustrés, les jeux de cartes, les rivières où des barques s'évertuent sans avancer. A un moment où je dénombrais les pensées qui avaient rempli mon esprit pendant les minutes précédentes, pour me rendre compte si je venais ou non de dormir (et où l'incertitude même qui me faisait me poser la question, était en train de...

« Dictionnaire amoureux d'Albert Camus » de Mohammed Aïssaoui, Plon, 2023

Mohammed Aïssaoui
Dictionnaire amoureux d'Albert Camus
J'ai longtemps pensé que j'étais le seul au monde à connaître Albert Camus, à le comprendre, et qu'il n'écrivait que pour moi. Camus, c'est mon père, mon frère, mon professeur, mon ami. Il me console des chagrins de l'existence. Avec lui, je ne me sens jamais seul. Je le comprends mieux que quiconque. Nul n'avait vécu ce que lui et moi avions vécu : la pauvreté, le vertigineux écart social entre notre milieu d'origine et celui...

« Le temps des secrets » de Marcel Pagnol, 1960

Marcel Pagnol
Souvenirs d'enfance, Tome 3 : Le Temps des secrets
Après la terrible affaire du Château, si glorieusement terminée par la victoire de Bouzigue, la joie s'installa dans la petite Bastide-Neuve, et les grandes vacances commencèrent. Cependant, la première journée ne fut pas celle que j'avais vécue par avance avec tant de frémissante joie : Lili ne vint pas m'appeler à l'aube, comme il me l'avait promis, et je dormis profondément jusqu'à huit heures. Ce fut le tendre crissement d'un...

« Le château de ma mère » de Marcel Pagnol, 1958

Marcel Pagnol
Le château de ma mère
Lili savait tout; le temps qu'il ferait, les sources cachées, les ravins où l'on trouve des champignons, des salades sauvages, des pins-amandiers, des prunelles, des arbousiers; il connaissait, au fond d'un hallier, quelques pieds de vigne qui avaient échappé au phylloxéra, et qui mûrissaient dans la solitude des grappes aigrelettes, mais délicieuses. Avec un roseau il faisait une flûte à trois trous. Il prenait une branche bien sèche...
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