Rencontre

Marie-Hélène Westphalen raconte un siècle de lycée

Avec Les lycéens ( Les Arènes-Palanquin), Marie-Hélène Westphalen remonte le temps. Elle restitue dans son livre-objet un siècle d'éducation et fait revivre le quotidien de ces lycéens qui, de 1880 à 1980, ont connu d'incroyables mutations. Un travail exemplaire et une rencontre avec une auteure, passionnée par le restitution de l'histoire en marche.

Marie-Hélène Westphalen est une auteure multiforme, qui manie aussi bien l'usage des guides (comme son célèbre Communicator, best-seller du genre), des romans ( L'homme qui marche au bord du monde, Albin MIchel), que la rédaction d'ouvrages qui mêlent érudition, recherches et témoignages. Dernier bébé en date: Les lycéens ( Les Arènes-Palanquin), un formidable ouvrage qui suit 3 générations de lycéens de 1880 à 1980, en une passionnante reconstitution. Livre-objet unique en son genre, qui se lit ,autant qu'il se regarde et se manipule. Emotion garantie, nostalgie et conscience que, derrière ces lycéens, c'est toute l' évolution de la société qui se déroule sous nos yeux. Rencontre avec une chercheuse d'histoires et d'Histoire...

Viabooks : Votre ouvrage Les Lycéens est un livre-objet qui raconte leur histoire à travers de nombreux prismes...

Marie-Hélène Westphalen : Je m'étais rendu compte qu'il n'existait aucun ouvrage de référence sur le patrimoine des lycées. Très vite, il m'est apparu au fil de mes recherches, que ce livre devait exister, et qu'il fallait ne pas se contenter d'en raconter l'histoire, mais la donner à voir aussi, à découvrir par des objets reconstitués... C'est pourquoi ce livre appartient à la collection "L'histoire entre vos mains". J'aime l'idée de rendre le passé au présent. De lui redonner vie. Je crois beaucoup à cette fonction mémorielle des livres, à leur fonction de transmission.

Viabooks : Comment avez-vous procédé pour arriver à retrouver autant de documents?

M.-H.W. : Mes recherches documentaires ont été très vastes, ainsi que les entretiens que j'ai menés avec de nombreux témoins. La richesse de tous ces "matériaux" m'a impressionnée. Le lycée est un espace de convergence de nombreuses problématiques et c'est en tout état de cause un des miroirs sociétaux les plus signifiants. C'est pourquoi, j'ai voulu que la restitution ne passe pas que par le récit, mais aussi par la reconstitution d'objets en fac similé (des lettres, des copies d'élèves, des relevés de notes, des rapports...) et une importante base iconographique.

Viabooks : A chaque époque son lycée?

M.-H.W. : Oui à chaque époque son lycée, sa génération de lycées, ses modes d'apprentissage, ses dévouvertes. Ses interdits aussi. On découvre par exemple le jeune Marcel Pagnol qui est triste qu'au lycée, on ne l'appelle plus par son prénom ou encore le rapport d'inspection concernant une jeune professeure de lettres, Simone de Beauvoir, qui est jugée dangereuse, car elle fait lire Proust, Gide et Mauriac à ses élèves ! On découvre aussi comment les moments-clés de l'Histoire sont venus s'immiscer dans celle de l'éducation, comme le port de l'étoile jaune  pendant les années d'Ocupation, ou l'impact de mai 68 sur l'éducation.. 

Viabooks : Pourquoi une telle fascination pour le sujet ?

M.-H.W. : Mes deux grand-mères ont fait partie de la première génération de bachelières. N'oublions pas  que c'est 1868 qu'Emilie Daubier devient la première bachelière à 37 ans par dérogation de la princesse Eugénie et qu'il a fallu attendre 1964 pour qu'il y ait autant de bachelières que de bacheliers. Entre temps, c'est seulement en 1924 que les programmes des lycées pour filles rejoignent ceux des lycées pour garçons. Je voulais rendre hommage à ces "pionnières" de l'éducation chez les filles, qui ont ouvert la voie à celles qui ensuite ont pu prétendre à travailler. Et puis, j'ai moi-même gardé un souvenir fort de mes années de lycée. C'est ici que se façonne notre destin futur, bien souvent. 

Viabooks : Nous découvrons grâce à vous, que le lycée est spécifiquement farnçais. Encore une de nos "exceptions culturelles"...

M.-H.W. : Nous devons la création des lycées à Napoléon. D'où la structure et la conception très militaire de cette insititution à ses débuts. Une structure qui reste présente aujourd'hui encore dans son " ADN". Il est fréquent d'entendre que le lycée à la française impose un cadre très rigide à l'éducation, à l'inverse d'autres pays, qui considèrent davantage l'enseignement secondaire comme un territoire d'apprentissage adaptable aux besoins des lycéens.

Viabooks : Et ils étaient au départ payants ?

M.-H.W. : Oui, le lycée était élitiste et payant. Ce n'est qu'après la Seconde guerre mondiale que le lycée est devenu gratuit.

Viabooks: Bien qu'historique, votre ouvrage ne se lit pas seulement par l'approche chronologique. C'était important pour vous de dépasser la trame du temps ?

J'ai essayé de structurer l'ouvrage par de nombreuses sentrées. Si bien que chacun peut se l'approprier dans l'ordre qui lui convient : chronologique ou thématique. Et je crois surtout que le livre est intéressant à partager en famille pour confronter ces transformations à chaque génération. Et faire remonter les souvenirs...

Viabooks : Qu'en est-il aujourd'hui?

M.-H.W. : Aujourd'hui le lycée doit faire face à une importante mutation. Il ne doit plus être simplement un lieu  pour "apprendre à apprendre", mais un lieu de dialogue davantage ouvert sur la société, voire même celui de  l'entreprise.  Il doit faire face aussi à une grande diversité culturelle et une hétérogénéité des niveaux qui va l'obliger à assouplir ses règles, sans pour autant casser ses fondements ...un équilibre diffcile. Ceci est un autre débat. Je me suis arrêtée à 1980, car je voulais conserver la distance historique nécessaire poiur ne pas rentrer dans une polémique politique.

Viabooks : Quels sont vos prochains livres en vue?

M.-H.W. : Je m'intéresse beaucoup à la question de l'histoire et de sa compréhension. Nous avons la chance aujourd'hui de pouvoir avoir accès à de nombreux documents. Essayer de construire des livres de "mémoire" par un angle ou un autre, en n'oubliant jamais d'introduire les témoignages vivants, me passionnent. Donc oui, je poursuis ce travail de recherche, mais il est trop tôt pour vous dire quel sera le prochain opus!.

En savoir plus

Marie-Hélène Westphalen, Les lycéens,  Les Arènes-Palanquin

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