"Une bouche sans personne"

Gilles Marchand : "L'amitié permet de révéler sa vérité"

Surprenant est le premier mot qui nous vient pour qualifier ce premier roman de Gilles Marchand :  Une bouche sans personne (Aux Forges de Vulcain). Surprenant par son titre, déjà. Que peut-il vraiment signifier ? Un beau roman sur l'amitié et la difficulté de  confier ce qui est enfoui. Dasn un style bien "encré", Gilles Marchand  tombe le masque de son héros. Et peut-être aussi un peu du sien. Rencontre... sans masque.

Légende : Capture d'écran de l'interview en vidéo de Gilles Marchand

1 – Viabooks: Vous avez été sélectionné comme « Talent à suivre » par les libraires de Cultura, une sacrée reconnaissance pour un premier roman !

Gilles Marchand: C’est une grande émotion, ce qui est fabuleux c’est de voir la passion de tous les libraires ! J’en ai rencontré quelques-uns, j’ai été ému de voir le nombre de livres qu’ils lisent et la passion avec laquelle ils arrivent à défendre les livres… Quand ça nous arrive à nous, c’est encore plus touchant bien évidemment! 

2- Pouvez-nous nous présenter votre livre ? 

G.M: « Une bouche sans personne », c’est l’histoire d’un comptable dont le bas du visage est recouvert par une écharpe. Il se déplace tous les soirs dans le même bar depuis une dizaine d’années où il retrouve ses amis. C’est un homme qui parle de tout et de rien, qui joue à la belote et qui écoute de la musique, principalement les Beatles. Un jour, en buvant son café, il renverse sa tasse sur son écharpe. Son écharpe perd donc toute sa forme. Plutôt que de l’enlever, il annonce à ses amis qu’il doit rentrer chez lui, car il ne peut pas rester dans cet état-là. Ses amis le rassurent, en lui disant que peu importe ce qu’il cache derrière son écharpe, ils ne le jugeraient pas. Le lendemain, en retournant au bar, il se dit que c’est peut-être le moment de raconter son histoire. Voire même que cette histoire qu’il cache depuis plus de quarante ans, il ne pourrait la raconter qu'à ses amis. Pour se préparer à cette « confession », il va se replonger dans ses souvenirs et analyser de plus près ce qui s’est passé durant les dernières quarante années. Il se rendra compte que malgré le traumatisme, il lui reste des souvenirs, bons et mauvais. 

3- C’est un récit qui revient sur un drame personnel. Mais c’est aussi et surtout un livre sur l’amitié…

G.M: Oui, c’est exactement ça ! Le fait que le héros dévoile ce lourd secret, est rendu possible par le fait qu’une amitié très intime s’est nouée au fil des années. Ce sont des personnes solitaires qui se sont rencontrées dans un bar et qui sont devenues au fil du temps, une famille. D’ailleurs, avant de raconter son histoire, il n’avait pas réalisé la force du lien qui l’unissait à ces personnes. Ce soir-là qu’il se rend compte combien elles sont chères à ses yeux.  

4- Une confession libératrice, la conscience de l’amitié… que de bouleversements !

G.M: Le fait de raconter ce lourd fardeau à ses amis va transformer le héros… Oui, il accepte d’être vraiment quelqu’un. Avant, il se considérait comme un anonyme. Ses amis lui renvoient l’image de quelqu’un qui a une existence. Quelqu’un qui a un passé, une existence, une histoire et qui reste présent aujourd’hui. 

5- Et finalement, votre héros n’enlèvera pas son écharpe. Jusqu’au bout vous laissez planer le doute. On ne saura pas ce qu’il cachait …

G.M: L’écharpe est une armure. Qu’il ait une cicatrice ou pas, au fond peu importe… Chaque lecteur est libre de l’interpréter comme il veut, car c’est quelque chose de symbolique. Il cache une partie de lui-même. 

6- Chacun ne porte-t-il pas à sa manière sa part « cachée » ? Ne serait-ce pas grâce à l’amour ou l’amitié qu’on ose se dévoiler à visage découvert

G.M: Oui, je pense que l’amour, aussi bien que l’amitié sont des vecteurs qui aident à libérer les choses qu’on garde pour soi. Souvent par pudeur. Ensuite nous n’avons pas spécialement envie de nous dévoiler totalement, car nous voulons nous montrer sous un bon jour. Nous avons du mal à assumer nos échecs. Alors, on les garde en nous.

7- Pourquoi avez-vous écrit ce livre ?

G.M: Il y a plusieurs raisons, notamment familiales. Car le personnage est inspiré de mon propre grand-père. C’était intéressant de parler d’un événement historique qui est connu (la guerre), mais pas forcément bien connu en France. Plus généralement de revenir sur cet événement historique et revenir dessus 40 ans après. Ce n’est ni un roman historique, ni un récit. Mais en creux, j’ai voulu évoquer un événement fort qu’on découvre à la fin, du point de vue de celui qui l’a vécu et de comment il a vécu avec après.

8- La cicatrice de la mémoire, comme une trace indélébile du passé ? 

G.M: C’est cela, nous sommes tous héritiers de l’Histoire. Chez certaines personnes, il reste une trace qui est plus ou moins visible. Il y a des gens qui ont vécu un épisode tragique, tout le monde vit différemment avec. D’autres en parlent plus facilement et certains le gardent pour eux et essayent de l’oublier. En gommant cette partie de leur passé, ils s’oublient quelque part et décident d’avoir un autre regard sur le monde, un regard peut-être plus social ou plus consensuel. 

9- Vous avez un autre projet professionnel en cours, pouvez-vous nous en parler ?

G.M: Le prochain projet sera différent, pas vraiment lié à une histoire familiale. J’ai envie d’aller chercher ce qu’il y a au fond de moi. Ce sera encore une fois un sujet qui me tient à cœur.  Même si le texte sera romancé et que le personnage principal sera très loin de mon univers, il sera plus proche de moi. Je vais m’éloigner du thème de la mémoire que j’avais déjà abordé dans « Le roman de Bolano », co-écrit l’année dernière avec Éric Bonargent. Pour le moment je veux changer d’horizon, mais je ne peux pas vous en dire davantage…

>Gilles Marchand, Une bouche sans personnes, Aux forges de Vulcain

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