Daniel Sarfati nous fait part de sa lecture de la correspondance de Simone de Beauvoir, avec Elisabeth Lacoin et Maurice Merleau-Ponty : Lettres d'amitié 1920-1957 (Gallimard). Des lettres qui apportent un éclairage très instructif sur la genèse intellectuelle de l'auteure du Deuxième sexe.
Daniel Sarfati découvre la correspondance de Simone de Beauvoir, qui nous montre notamment le fil de son amitié avec Elisabeth Lacoin, dite Zaza. Dès l'enfance se définissent les postures morales et intellectuelles des «jeunes filles rangées». Manifestement Simone de Beauvoir savait déjà qu'elle explorerait une autre condition et de la femme et de l'esprit...
« Simone de Beauvoir rencontre, pour la première fois, à l’âge de 10 ans, Elisabeth Lacoin au cours privé Adeline Désir situé à St Germain-de-Prés.
C’est une école catholique qui dispense un enseignement solide mais de piété étroite.
D’emblée, elles deviennent les meilleures amies du monde.
Simone est séduite par les multiples talents sportifs et intellectuels d’Elisabeth, qu’elle va surnommer Zaza. Surtout , son individualisme et son esprit de rébellion la fascinent. Toutes les deux veulent briser le carcan social qui les enserre.
Mais Zaza est fragile, elle idolâtre sa mère qui incarne pour elle l’idéal des valeurs chrétiennes.
Elle restera toute sa vie hantée par la tentation du péché.
Simone aura beau dénoncer le « faux-spiritualisme », de ce milieu bourgeois, Zaza gardera sa foi religieuse. Simone ne croit plus en Dieu et refuse. « la soumission de l’esprit aux doctrines et aux usages ».
…
A La Sorbonne, de Beauvoir fait la connaissance d’un brillant jeune normalien. Lui aussi, est chrétien et de bonne famille. Il s’agit de Maurice Merleau-Ponty. Il est à l’opposé des sulfureux Jean-Paul Sartre et Paul Nizan, dont il évite la fréquentation.
Il est poli, indulgent et bien éduqué.
Sa pensée philosophique et ses analyses littéraires sont très profondes. Simone est séduite intellectuellement mais il manque à Merleau-Ponty ce grain de folie qu’elle cherche pour s’encanailler. C’est Sartre qu’elle choisira.
Elle fera se rencontrer Zaza et Merleau-Ponty, qui tomberont immédiatement amoureux l’un de l’autre.
La famille Lacoin s’opposera à cette idylle. Elle se méfie des « sorbonnards ».
De son côté, Merleau-Ponty, hésite à s’engager, atermoie, se dérobe.
En novembre 1929, Zaza fait un abcès à l’oreille.
L’infection se propage et elle décèdera rapidement d’une encéphalite.
Merleau-Ponty est dévasté, en proie à une immense culpabilité.
Simone de Beauvoir lui en voudra longtemps de sa lâcheté. Elle en voudra encore plus à ce milieu bourgeois catholique capable de broyer ses enfants au nom de la morale.
Elle dira :
« J’ai toujours eu le goût de la vérité et très tôt l’idée que la bêtise et le mensonge tuent. Ça m’est venu avec cette violence peut-être à cause de la mort de Zaza. »
…
Il faut lire cette correspondance croisée entre Simone de Beauvoir, Maurice Merleau-Ponty ( futur grand philosophe phénoménologiste chrétien) et Elisabeth Lacoin dite Zaza. »
>Simone de Beauvoir, Elisabeth Lacoin, Maurice Merleau-Ponty, Lettres d'amitié 1920-1957 , Gallimard >> Pour acheter le livre, cliquer sur ce lien
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Daniel Sarfati est médecin ORL, passionné par le langage, par les signes, la lecture des mots qui s’écrivent, se lisent sur une page ou sur des lèvres, les histoires qui se vivent ou qui s’inventent.
Portrait de Simone de Beauvoir in courtesy Gallimard
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