Laurent Binet est le lauréat 2019 du Grand Prix de l'Académie Française pour son roman Civilizations (Grasset).
Les Académiciens aiment brouiller les pistes. L'année dernière, ils avaient choisi de récompenser Camille Pascal pour le très classique L'été des quatre rois (Plon). Cette année ils couronnent un écrivain iconoclaste et farceur, Laurent Binet, pour Civilizations (Grasset). Du reste le vote leur a été difficile, puisque l'auteur a été choisi au 4e tour de scrutin, par 10 voix contre 8 pour Bruno de Cessole.
Civilizations est un livre insolent car, bien que très documenté, il tord le cou à l'Histoire, tout en jouant avec elle. Laurent Binet est souvent farceur. Brillant aussi. On se souvient de son portrait au vitriol de Philippe Sollers dans La septième fonction du langage (Grasset) ou de sa plongée dans l'Histoire nazie avec Hhh (Grasset). Il fallait oser. Cette fois-ci, Laurent Binet situe son récit à l'époque des Conquistadores. Il imagine que Christophe Colomb n'a pas conquis l'Amérique. Une hypothèse comme une autre . Et si...
Comme Laurent Binet l'explique dans la présentation vidéo ci-dessous, il s'agit d'une ucronie.
Ici, l’écrivain remonte au XVIe siècle et même à l’An mille. Christophe Colomb défait, il imagine que les Incas menés par leur chef Atahualpa débarquent en 1531 dans une Europe à feu et à sang, entre guerres de Religion, Inquisition et luttes pour le pouvoir. Charles Quint est fragilisé. De Cuzco à Aix-la-Chapelle, jusqu’à la bataille de Lépante, Laurent Binet fait le récit d'une mondialisation "renversée", telle qu’au fond, il s’en fallut d’un rien pour qu’elle l’emporte, et devienne réalité.
Une ucronie qui n'est pas sans résonner avec la mondialisation d'aujourd'hui et les nouvelles frontières du pouvoir qui se dessinent peut-être. Laurent Binet, sous les ors de l'Académie... Une photo qui peut surprendre. Une récompense comme un clin d'oeil aux surprises de la vie littéraire. Rien n'est jamais écrit par avance. Ni dans les livres. Ni dans la vie. Ni à l'Académie.
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