Spécial Lettres du Québec

« Kukum » de Michel Jean, un livre qui revient sur l'histoire des autochtones au Canada

Michel Jean est le lauréat 2023 du Prix du Meilleur Roman des Lecteurs Points 2023 pour son livre Kukum. Ce journaliste et écrivain canadien est québécois et innu. Kukum raconte l'histoire de sa propre famille et, à travers elle, la sédentarisation forcée des autochtones. Alors que le Québec est le pays invité d'honneur du Festival du Livre 2024, la journaliste franco-canadienne Daisy Winling revient sur l'incroyable aventure éditoriale de cet ouvrage qui a connu, avant sa reconnaissance en France,  un succès inédit au Québec dans un contexte tragique.

Portrait de Michel Jean par Daisy Winling Portrait de Michel Jean par Daisy Winling

Michel Jean est le lauréat 2023 du Prix du Meilleur Roman des Lecteurs Points 2023 pour son livre Kukum. Ce journaliste et écrivain canadien est québécois et innu. Kukum raconte l'histoire de sa famille et, à travers elle, la sédentarisation forcée des autochtones. Avant cette reconnaissance en France, son livre a connu un succès inédit au Québec dans un contexte tragique.

Kukum, un récit qui retrace l'histoire de la famille de l'auteur confrontée au sort des autochtones au Canada 

Michel Jean est un descendant direct d'Almanda Siméon. Il raconte son histoire dans Kukum. Au soir de sa vie, grand-mère (kukum, en langue innue) depuis longtemps déjà, Almanda Siméon se retourne sur son passé et nous livre son histoire, celle d'une orpheline québécoise qui tombe amoureuse d'un jeune Amérindien, puis partage la vie des Innus de Pekuakami (l'immense lac Saint-Jean), apprenant l'existence nomade et brisant les barrières imposées aux femmes autochtones. Centré sur le destin singulier d'une femme éprise de liberté, ce roman relate, sur un ton intimiste, la fin du mode de vie traditionnel des peuples nomades du nord-est de l'Amérique et les conséquences, encore actuelles, de la sédentarisation forcée.

Kukum, histoire d'un succès progressif 

Quand Kukum,  qui est le septième roman de Michel Jean, sort en librairie fin 2019 au Québec, la presse en parle peu. Mais le bouche à oreille fonctionne et avec 5000 ouvrages vendus, le roman est un best-seller au Québec. Fin 2020, le roman passe de best-seller à phénomène éditorial avec deux événements sans lien apparent. En septembre, Joyce Echaquan, une femme atikamekw, meurt à l’hôpital d’un oedème pulmonaire sous les insultes racistes du personnel soignant. En novembre, Michel Jean reçoit le prix littéraire France-Québec pour Kukum, qui sera largement relayé dans la presse québécoise.
Les circonstances de la mort de Joyce Echaquan font la Une des médias et choquent le public. De nombreux Québécois cherchent alors à s'informer sur les réalités vécues par les autochtones. Ils se tournent notamment vers des livres et auteurs autochtones, avec un engouement particulier pour Michel Jean. Les ventes de Kukum décollent et depuis, plus de 200.000 exemplaires se sont vendus. 
Selon Michel Jean, son livre était là au bon moment. «La perception des Québécois des questions autochtones a évolué depuis une dizaine d’années. Pas tellement avant que le livre remporte le prix France-Québec, il y a eu l’affaire Joyce Echaquan. Je pense que Joyce a ouvert les yeux et le cœur de bien des gens.»
Un intérêt qui ne se dément pas, puisque, quatre ans après sa sortie, Kukum figure toujours au palmarès des meilleures ventes dans les librairies québécoises. Kukum a depuis été traduit en allemand, espagnol, anglais et russe. Fin 2021, Michel Jean publie son huitième roman, Tiohtiáke. Tiohtiaké est le nom d’origine de l'île de Montréal, autrefois territoire iroquois. Cette fois-ci, l’écrivain aborde une réalité contemporaine avec l'itinérance autochtone en milieu urbain. Un projet d'adaptation du livre pour une série télévisée de dix épisodes est en cours de développement.
En mars 2023, les Éditions Seuil ont inauguré une nouvelle collection, Voix autochtones, sous la direction de Laurence Baulande. Traductrice et éditrice, elle a vécu dix ans au Québec où elle a découvert des auteurs comme Joséphine Bacon, ce qui l’a amené vers les littératures autochtones du monde entier. Les trois écrivains de la nouvelle collection viennent d’horizons autochtones canadiens, australiens et finlandais, sans compter Michel Jean, qui, lui, est paru dans la collection de poche Points des éditions Seuil. C'est dans ce contexte que le livre reçoit le prix des lecteurs Points.

Kukum, un tournant dans la prise de conscience de la société québécoise

Libraire à Montréal depuis plus de dix ans, Raphaëlle Beauregard remarque  un changement dans la société québécoise. Elle note une demande de sa clientèle pour les auteurs et sujets autochtones «qui a commencé dans les trois ou quatre dernières années». 
Elle mentionne elle aussi l’affaire Joyce Echaquan pour expliquer les demandes récentes de ses clients. «Quelque chose que la dernière année nous a appris, c’est qu’il faut s'éduquer sur les questions de racisme. Au Québec, cette réalité est vécue beaucoup par les autochtones. Les gens ont vraiment envie de comprendre et de s’éduquer».

Un livre qui entraîne une nouvelle génération d'auteurs sur ces thèmes

Même si Michel Jean est l'écrivain autochtone en tête des ventes, Raphaëlle Beauregard rappelle que d’autres auteurs autochtones jouissent aussi d’une certaine notoriété. 
Les lecteurs québécois connaissent déjà la poétesse Joséphine Bacon, à qui le film Je m’appelle humain de Kim O’Bomsawin est consacré. L’écrivaine Naomi Fontaine était finaliste du Prix Littéraire du Gouverneur Général en 2020 pour son troisième livre, Shuni, et Kuessipan, son premier roman sorti en 2011, a été adapté au cinéma en 2019.

Une nouvelle étape pour faire rayonner la littérature autochtone au Québec et en France

Il y a bien d’autres auteurs autochtones à faire découvrir. Daniel Sioui, libraire wendat et fondateur des éditions Hannenorak, en fait sa mission. Il est à l’initiative de «En juin, je lis autochtone», qui donne une visibilité accrue aux écrivains, puisque juin est le mois national de l’histoire autochtone au Canada. L’ambassadeur pour l’édition 2023 n’est nul autre que Michel Jean.
L'écrivain Karl-Louis Picard-Sioui et Daniel Sioui (encore lui) sont à l'origine de la création, en 2015, du Salon du Livre des Premières Nations qui se tient tous les ans à Québec au mois de novembre.
En France, la jeune maison d’édition Dépaysage est entièrement consacrée aux études et littératures autochtones, avec une place de choix pour les auteurs du Québec. Leur catalogue comprend notamment Michel Jean, J.D Kurtness et Louis-Karl Picard-Sioui. 

La littérature autochtone a enfin sa place au Québec. Michel Jean en est le chef de file. Il est heureux que la France lui apporte aussi sa reconnaissance.

> Michel Jean, Kukum, Points, 240 euros, 8 euros >> Pour acheter le livre, cliquer sur le lien

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