Ce petit rien, ce petit lien ? : L'identité humaine face à l'opérativité techno-scientifique

Extrait de Ce petit rien, ce petit lien ? : L'identité humaine face à l'opérativité techno-scientifique de Jacqueline Wautier

Introduction

 

Imprédictibles en leur devenir, tentaculaires et impétueuses en leurs élans, les nouvelles technologies fascinent ou affolent raison et imagination ; les conviant à d’autres élans, d’autres contractions.

Au propre, les possibilités y associées sous-tendent un périple au cœur de la condition humaine : où l’homme se laisse peu à peu emporter par le courant bouillonnant qu’il produit – le cœur affolé par les écueils, l’esprit captivé par les promesses…

Il s’agit là d’un parcours sinueux recelant autant de gouffres abyssaux (où pourrait s’engloutir l’humanité des hommes) que d’îlots florissants (où pourraient s’épanouir les consciences, se régénérer les chairs et se décupler les jouissances…).

D’une aventure fabuleuse au fil d’une histoire qui se construit en une odyssée dépourvue d’assignation : entre une origine qui se livre et un futur qui échappe – ou s’échappera en embranchements multiples…

Equipée collective donc, où l’homme doit maintenir le cap entre deux rives :

Celle de la déliance effrénée où se désagrègerait l’unité, où éclaterait le sujet, où se déliteraient les liens et s’altèreraient les émotions – entraînant tous et chacun en une  errance sans arraisonnement ou en une barbarie sans nom. Et celle du conservatisme frileux où se figerait l’aventure anthropique, où se perdrait la pulsion qui fit se lever, et marcher, les premiers hominidés.

 

En ces perspectives, en leurs opérativités, les biotechnologies nous emmènent en un voyage incertain : entre procréation et re-production, thérapie et transfiguration – ou encore, entre affirmations (du «Je» de puissance volitive*)  et éclatement (du «soi» d’intimité référentielle[1]).

Voyage au long cours, sans chenal ni port d’attache : oscillant, nous faisant vaciller, entre choix multiples, risques potentiels, gains concrets et voies inédites. Mais aussi, entre  bifurcations essentielles et pertes ontologiques - satisfactions matérielles et empêchements existentiels.

Où conséquemment, aujourd’hui comme hier, l’opérativité en sus, le chemin des hommes se fraie entre soucis et exigences, pulsions et projets, propension centripète et tentation centrifuge…

 

Menu ou fatras :

 

Insémination artificielle, injection intra cytoplasmique d’un seul spermatozoïde, cession d’embryons, prêt d’utérus, don d’enfant …… Et clonage reproductif ou exogenèse ?

Thérapie génique, modification génomique, mélioration rationnelle …… Ou transfiguration singulière, métamorphose anthropique et bifurcation spécielle ?

Situations multiples et complexes où l’on glisse de la réparation organique à la  conversion fonctionnelle d’abord, de l’extension des possibles à la déconstruction personnale ensuite*. Mais également, du  souci empathique à la préoccupation rationaliste, de la demande narcissique à la tentation eugénique …… Et de celle-ci au délire prométhéen recouvrant un désamour de l’humain ?

 

L’humanité de l’homme ?

 

Cette exploration de la condition humaine sera sous-tendue d’une suspicion portant sur les implications des savoirs ou savoir-faire nouveaux : qu’en sera-t-il de l’homme  - face à l’opérativité croissante des  outils et au regard des futurs promis ou projetés?


[1] Référentielle pour l’individu concerné : de «soi» à «soi», comme «moi» d’identité… 

Au final, il s’agit d’une oscillation entre affirmations volitives et éclatement  ou dispersion de l’ipséité.

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