Extrait de de

(002) La paillasse……

Où maintenant la vie se fait, se jauge et se défait – refaite, parfaite ou contrefaite en pièces rattachées, détachées ou rapportées.

Où la question partout présente, du fond de son absence même, est celle du sens – de l’homme en son existence, de l’humain en sa signifiance.

Où les techniques s’enchaînent, parfois enchaînent, et souvent se déchaînent – pour extraire : la souffrance du corps ;  le corps de l’identité ; l’identité du relationnel ; et l’homme de tous ses engagements, liens, liances et appartenances.

Extraire ou abstraire donc : hors ou loin de la Terre, hors et loin de la matrice (de moins en moins) maternelle, hors et sans le temps, hors et au-delà de l’humanité qui fit l’homme - s’en fait, nous fit (vers une posthumanité ou une transhumanité métamorphique, anamorphique ou dispersive). Où conséquemment les doubles-nœuds ou les entre-deux qui naguère définissaient l’homme révèlent puis offrent à l’opérativité leur aporie potentielle. Car les technosciences rencontrent l’humanitude comme leur source matricielle – mais cette rencontre de l’efficience et du pointillé anthropologique recouvre le déploiement (en réalisations multiples) du paradoxe associé à une enclave organique perméable astreinte à une maintenance identitaire en devenir. Paradoxe d’une intériorité qui se déplie en extériorité via une interface dermique (sensorielle) tout en soutenant un monisme substantiel décliné (se déclinant) en une expression duale (en corporéité et spiritualité, matière sensible et pensée volitive). Où donc l’homme en son humanité, sa béance et sa contingence recèle une dimension aporétique : où pourrait éclater l’individuation, s’altérer ou se déliter la conscience, se fixer l’évolution, se détisser les réseaux symboliques et s’anéantir les sensibilités. Où encore l’opérativité technique pourrait s’immiscer dans les équilibrations (agies incessamment) propres à un individu s’exprimant dans l’entre-deux du «donnée imposé» et de l’acquis conquis en assomption : et s’y immiscer au profit d’une transgression des limites corporéelles, spécielles et catégorielles.

A cette aune, les technosciences témoigneraient d’une rencontre risquée et cependant incontournable : opérée entre un homme entretenant un rapport mi instrumental mi symbolique au «monde» (aux objets et concepts, aux autres et à lui-même) et les techniques (par lui) crées (à cette fin). Rencontre  opérante du sujet, de son projet et de ses instruments. Rencontre du soi et de ses voies d’expression : susceptibles désormais de catalyser la dimension aporétique d’un individu disposé, semble-t-il, à se résumer en centre décisionnel et force opératoire – au regard d’une intention de moins en moins incarnée si ce n’est dépersonnalisée ou impersonnelle et contre la réalité du Moi-peau tel que le décrit D. Anzieu (s’agissant de patients en cure psychanalytique : «(…) ces malades souffrent d’un manque de limites : incertitudes sur les frontières entre le Moi psychique et le Moi corporel, entre le Moi réalisé et le Moi idéal, entre ce qui dépend de Soi et ce qui dépend d’autrui, brusques fluctuations de ces frontières, accompagnées de dépression, indifférenciation des zones érogènes, confusion des expériences agréables et douloureuses (…)», MP, 29.

Dès lors, nous présumons que l’humanitude porte en elle son possible létal. Qu’elle concourt à la fin de notre humanité en produisant un domaine existentiel où s’esquisse une (auto)biographie de l’arrachement et de l’incarnation multiple ; où convergent les techniques, les projets sociaux et les aspirations individuelle ; et où l’on observe un rapprochement aventureux des possibles technoscientifiques et du fonds fantasmatique et mythologique.

(003) Au reste la souffrance est partout. Partout des demandes ou des appels – bouteilles jetées dans une mer mourante. Et puis, venant à leur rencontre ou les devançant pour quelquefois les inventer, les possibles technoscientifiques ou biomédicaux….

Et de nous promettre une vie plus longue, plus dense, plus belle. Et de nous dessiner un avenir radieux : bien-être, égalité (inscrite au cœur de génomes manipulés ou reprogrammés), découvertes et conquêtes (d’autres possibles, d’autres univers).

Mais il y a les décrépitudes, les errances et les misères. Les conflits, les guerres et les concurrences débridées qui font couler un sang déjà presque tari de s’être trop dévidé. Les catastrophes naturelles augmentant en intensité quand ce n’est en nombre. Les épidémies planétaires se multipliant, les inégalités se creusant. Pollutions, disettes, famines. Et extinction des espèces, raréfaction des énergies fossiles, diminution de la fécondité masculine.

Alors, techno-enthousiastes et techno-sceptiques, mais aussi  technophiles et technophobes, s’affrontent…

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jacqueline Wautier

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