L'Invention de la solitude

« L'invention de la solitude » de Paul Auster, Actes Sud, Traduction Christine LeBoeuf et Françoise Kestsmann, 1988

A. irait jusqu'à soutenir que les événements d'un vie peuvent aussi rimer entre eux. Un jeune homme loue une chambre à Paris et puis découvre que son père s'est caché dans la même chambre pendant la guerre. Si l'on considère séparément ces deux faits, il n'y a pas grand chose à en dire. Mais la rime qu'ils produisent quand on les voit ensemble modifie la réalité de chacun d'eux. De même que deux objets matériels, si on les rapproche l'un de l'autre, dégagent des forces électromagnétiques qui affectent non seulement la structure moléculaire de chacun mais aussi l'espace entre eux, modifiant, pourrait-on dire, jusqu'à l'environnement, ainsi la rime advenue entre deux (ou plusieurs) événements établit un contact dans l'univers, une synapse de plus à acheminer dans le grand plein de l'expérience.
De telles connexions sont monnaie courante en littérature (pour revenir à cette idée) mais on a tendance à ne pas les voir dans la réalité - car celle-ci est trop vaste et nos vies sont étriquée. Ce n'est qu'en ces rares instants où on a a la chance d'apercevoir une rime dans l'univers que l'esprit peut s'évader de lui-même, jeter comme une passerelle à travers le temps et l'espace, le regard et la mémoire. Mais il ne s'agit pas seulement de rime. La grammaire de l'existence comporte tous les aspects du langage: comparaison, métaphore, métonymie, synecdoque - de sorte que tout ce que l'on peut rencontrer dans le monde est en réalité multiple et cède à son tour la place à de multiples autres choses, cela dépend de ce dont celles-ci sont proches, ou éloignées, ou de ce qui les contient. »

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