LES DERNIERS SENTIMENTS CATHARES

Les derniers sentiments cathares

De tous les temps le chiffre sept a revêtu un symbolisme mystique. On le retrouve dans de nombreux domaines comme s'il était la clé de toutes les interrogations de l'être humain, toujours assoiffé de quête mystérieuse, d'explications scientifiques ou tout simplement chimériques...

Toi, lecteur, tu as certainement déjà pensé à ce chiffre sept...

- les sept jours de la semaine

‑ les sept merveilles du monde

‑ les sept péchés capitaux

‑ les sept apôtres de Jésus

‑ les sept planètes du vieux monde

‑ les sept collines de l'arc-en-ciel

‑ les sept mers du moyen-âge

‑ les sept nains de Blanche-Neige

‑ les sept lignes du tableau périodique des éléments chimiques

‑ les sept cordes de la lyre

‑ les sept têtes du naja d'Angkor

‑ les bottes de sept lieux

‑ les sept notes de musique

‑ les sept degrés de l'évolution spirituelle

‑ les sept marraines de la Belle au Bois dormant

‑ la septième planète visitée par le Petit Prince d'Antoine de Saint-Exupéry fût la Terre

Ainsi donc, toi lecteur, je t'invite à visiter ce livre qui sera divisé en sept temps:

I ‑ le temps des lettres

II ‑ le temps de la liberté

III ‑ le temps des êtres

IV ‑ le temps de l'évasion

V ‑ le temps du passé

VI ‑ le temps des secrets

VII ‑ le temps de comprendre

Lorsque tu parviendras à ce terme,

et à ce moment seulement, l’auteur te demandera de réfléchir.

Tes sept temps de lectures auront peut-être suscité en toi des questions,

ou éveillé des réponses.

Ils te laisseront peut-être dans l'expectative,

ou éclaireront enfin tes doutes.

Vas-tu traverser ces sept temps avec ardeur ou douceur ?

Vas-tu te poser les bonnes questions ?

Vas-tu en ressortir indemne ?

Pour ces sept raisons, ce livre s'ouvre à toi maintenant, tourne la page et laisse-toi emporter.

(...)

I - Le Temps des Lettres

Assise à même le vieux parquet en bois terni et tâché, Albane a replié ses genoux sous le menton et pense à l'âme de cette vieille maison. A travers les petits hublots du grenier filtrent des rais de soleil dans lesquels elle peut observer la poussière danser.

Elle sourit.

Depuis qu'elle et Alex ont aménagé dans ces murs, héritage inattendu d'une tante Alice dont elle n'eût hélas jamais l'occasion de croiser le chemin, elle se sent enfin heureuse.

Le soleil est doux pour ce mois d'octobre, les feuilles tardent à jaunir et le bleu du ciel quémande encore le vert de la forêt. Les nuages cotonneux se laissent porter doucement par la douce brise de cet été indien en sursis.

Albane aime ces petits cadeaux du soleil de l'Aude, mais aujourd'hui ses pas l'ont guidée dans ce grenier sous les toits de sa maison de Puivert. Dans ce lieu secret et insolite, elle se plaît à imaginer les générations qui s'y sont succédées, des hommes, des femmes, des grand-mères, des grand-pères, des enfants. Tous ces objets éclectiques entassés ici dans un désordre séculaire ont leurs histoires à conter. Environnés de mystères et de toiles d'araignées, ces objets d'un autre âge recèlent tant de souvenirs du temps passé ! Depuis de longues années, qu'il y ait rire ou silence dans cette maison, seul le vieux chat de gouttière vient ici chasser les souris ; parfois, à la nuit tombée, la fouine de la forêt toute proche, s'installe dans le creux des charpentes.

A l'étage en dessous elle entend Alex qui s'affaire à remonter une armoire qu'il a ramenée de sa chère Provence natale.

Elle n'ose pas toucher à tous ces objets, comme si elle allait, en les changeant de place, les désacraliser et mélanger les souvenirs de cette maison.

Albane n'a pas l'habitude de méditer mais aujourd'hui, par cette belle journée d'automne aux couleurs chatoyantes, elle semble ici perdre la notion du temps qui s'écoule. Elle pense et le passé refait surface pour la solliciter, que cela lui plaise ou non. Voilà quelques mois que ce passé joue avec sa vie, qui s'en est trouvée d'ailleurs totalement chamboulée.

Elle se lève et va observer le paysage à travers le hublot du grenier. La vue sur le lac est magnifique. Le vieux cafetier du village lui a raconté que ce lac, beaucoup plus grand, existait déjà au XIIIe siècle et qu'autour de lui persiste encore la légende de la Dame blanche. Albane reste rêveuse mais se moque bien de ces légendes et croyances.

Là, juste en bas, entre deux chênes centenaires et tortueux, commence le GR7, un sentier pédestre dont le tracé semblerait remonter à l'époque cathare. Il longe toute la propriété du nord au sud, pour aller rejoindre le château de Puivert qu'elle aperçoit au loin, perché sur son promontoire. Bien plus que la légende de la Dame blanche, l'histoire de ce château a toujours attisé l'intérêt d'Albane, bien déterminée à essayer de glaner quelques détails historiques sur son existence.

Elle se décide enfin à quitter ce grenier. Elle était juste venue faire ici une petite pause dans son histoire, mais dehors les mille feuilles de la forêt s'agitent sous la douce brise et l'attirent de leur douce mélodie. Elle a envie d'aller s'y promener avec Alex. L'appel des feuilles de la forêt de Puivert lui font l'effet des charmeuses sirènes d'Ulysse. Elle sourit à cette comparaison inattendue et se décide à rejoindre le vieil escalier de bois. Le plancher du grenier craque sous ses pas décidés et puis elle s'arrête : là, dans le coin, elle remarque une vieille malle en bois. Elle se souvient qu'Alex avait déposé à l'intérieur certains de leurs effets le jour du déménagement, et de ce geste irréfléchi et pressé, mélangé ainsi leurs âmes à celle de la maison. Depuis, elle a l'impression qu'une vie entière s'est écoulée et pourtant cela fait à peine six ans qu'elle a quitté sa librairie de Montolieu.

Elle ouvre la malle avec une infinie précaution pour ne pas réveiller l'ambiance douce et rassurante de ce grenier où elle pensait ne rien trouver d'intéressant. Tout à coup elle oublie la forêt et le chant de ses feuilles, Alex et sa vieille armoire provençale, le château de Puivert au bout de son chemin cathare, le lac et sa Dame blanche. La malle en bois est remplie de lettres, correspondance ancienne entre elle et Alex. Elles sont toutes soigneusement rangées par ordre chronologique et attachées les unes aux autres par une ficelle de raphia. Ce rangement méticuleux témoigne de l'importance qu'elle et Alex ont voué à ces échanges.

Elle se rappelle du jour où elle avait fait ces noeuds, comme si elle avait voulu à cet instant, resserrer ce lien qui la reliait à Alex. Il neigeait cet après-midi là et elle repense à chaque détail. Il y a des jours, comme ça, insignifiants à première vue, mais que l'on n'est pas prêt d'oublier. Elle avait pris Charlotte à partie au sujet de son classement du courrier parce qu'elle s'était rendu compte qu'il manquait certaines lettres de sa correspondance avec Alex. Et puis elle avait abandonné ses recherches. Charlotte n'était sûrement pour rien dans la perte de ces quelques lettres sentimentales. Bien trop pressée de nouer cette ficelle autour des lettres rescapées, elle avait alors admis qu'il ne devait pas en manquer beaucoup et elle avait souri toute seule en regardant tomber la neige au travers de sa fenêtre. C'était la première fois qu'elle souriait en regardant tomber la neige.

En ouvrant cette malle, Albane a l'impression de réveiller ses vieux souvenirs, de leur insuffler une énergie nouvelle, de les faire briller à la patine de la douceur. Assise à même le sol, elle ne voit plus les rais de soleil darder leur bienfaisante chaleur dans le grenier, peut-être parce que le temps vient de s'arrêter ici pour elle ou peut-être parce que tout simplement elle a les larmes aux yeux.

Elle déplie la première lettre, ses mains tremblent un peu.

C'était il y a six ans.

Mademoiselle,

De passage dans l'Aude, j'ai visité la semaine dernière votre charmant village de Montolieu, le village du livre et des arts, et il porte tellement bien son nom ! J'y ai passé la journée et que de souvenirs j'en garderai !

Vous voyez, je ne peux manifester mon enthousiasme pour votre village qu'en utilisant des points d'exclamations !

J'allais partir quand je suis passé devant votre librairie. Tout d'abord son nom m'a interpellé : « l'Arbre à Lire ». Je me suis dit qu'un libraire qui mélangeait les arbres et la poésie ne pouvait être qu'intéressant. Et puis cette librairie avait un petit air nostalgique du passé, sa devanture en bois bleu charrette n'était pas pour me déplaire. J'ai donc poussé la porte et je suis entré. Je suis ainsi resté près d'une heure dans votre antre enchanté, furetant vos livres, surtout les vieilles éditions. Comment diantre avez-vous pu vous procurer autant de beaux livres, de purs trésors, de pures merveilles ?

J'ai aimé caresser votre antique piano droit fatigué au point de s'adosser au mur de pierres au fond de votre magasin. Ce détail va sûrement vous faire sourire. Je ne vous connais pas mais je vous imagine bien sourire. J'ai pris place dans un de vos fauteuils marrons au cuir craquelé mais confortable et j'ai posé ma lourde pile de livres à consulter sur une petite table basse. J'étais tellement bien à ce moment-là que je remerciais intérieurement le hasard d'avoir dirigé mes pas vers votre univers, un lieu magique, mystérieux, empreint d'une sagesse millénaire sans être dénué de fantaisie, un lieu où j'ai pu rompre quelques instants avec le rythme effréné et la superficialité du temps présent. Je me demande même aujourd'hui si c'est vraiment le hasard qui m'a mené chez vous ou autre chose.

J'ai trouvé votre employée Charlotte vraiment fort sympathique. Elle a peut-être eu pitié de moi et m'a offert un café. Nous avons longtemps parlé car il se faisait tard et la boutique s'était vidée. D'ailleurs j'espère que je n'ai pas été trop intrusif. Je suis très bavard. J'entends déjà votre rire à cette remarque, vue la longueur du début de ma lettre ! Vous devez avoir un rire communicatif qui change la grisaille en poudre d'or. Du moins c'est ainsi que je l'imagine. Charlotte m'a parlé de vous et semble beaucoup vous apprécier.

Je lui ai également parlé de moi et de mes recherches. Oui, vous allez enfin bientôt comprendre le but de cette lettre qui, j'en suis certain, doit bien un peu vous étonner. Mais je ne pouvais pas en venir au fait sans vous raconter ma rencontre avec votre « Arbre à Lire ».

Je m'appelle Alex Azzuro, j'habite un petit village sympathique dans la région d'Arles au doux nom de Paradou. J'exerce le beau métier de journaliste et écrivain pour une revue mensuelle historique. Vous allez m'imaginer sérieux et droit. Loin de moi cette caricature de l'historien, je suis un homme au cœur tendre, un peu plus rêveur que la moyenne, ne sachant d'ailleurs pas trop où se situe la moyenne.

Mon directeur éditorial et moi avons émis l'idée de rédiger une biographie sur dame Esclarmonde de Foix, grande figure du catharisme, et il me semble bien que le fond de votre librairie pourrait m'être d'une grande aide. Vous disposez de nombreux ouvrages récents et anciens se rapprochant de cette époque, est-ce un choix de votre part ou un hasard ? Encore ce fâcheux « hasard » qui vient de tomber entre ces lignes. Laissons-le, lui seul sait ce qu'il fait ici.

Au delà ce cet article sur Esclarmonde (nommons-la par son petit nom), je souhaiterais rédiger de ma plume un petit peplum cathare sur fond d'histoire d'amour. Et pour ne rien vous cacher, cette idée qui a germé en moi me laisse dubitatif. Je voudrais me documenter sur cette époque, sur les mœurs et coutumes des gens, leur façon de vivre en communauté et en famille, leur façon d'aimer aussi.

Je reste intimement persuadé que vous me serez d'un grand secours dans mes recherches, et par cette lettre je viens humblement vous demander conseil sur d'éventuelles lectures pouvant m'être précieuses. Votre employée Charlotte m'a invité à vous écrire. Il aurait été plus facile et convivial de se parler « pour de vrai » mais vous étiez absente ce jour-là et mes obligations me rappelaient dans ma Provence bien qu'étrangement ce soir-là je n'avais vraiment plus envie de repartir.

J'espère que vous accepterez ce rôle de conseil sur cette période de l'histoire qui me semble si étrangère et si familière à la fois : les lointains temps cathares. Vous pouvez me faire parvenir vos choix de livres à l'adresse mentionnée en en-tête ; concernant le budget, ne vous faites aucun souci, je ne lésinerai pas sur le montant et vous paierai régulièrement par virement bancaire.

Je vous remercie par avance, Mademoiselle, de l'intérêt que vous allez porter à ma demande et vous prie de croire à l'expression de mes sentiments les meilleurs.

Alex Azzuro (...)

 II- Le Temps de la Liberté

Presque tous les matins on peut l'apercevoir au bord du petit ruisseau juste en lisière de la forêt en contrebas de la citadelle. Drapée dans son lourd manteau de laine verte, on dirait qu'elle cherche à se fondre dans les tons de la nature. Ses longs cheveux blonds vénitiens tombent en cascade sur ses épaules. Comme d'habitude, elle n'a pas eu le temps de s'apprêter pour son escapade dans la rosée matinale, elle les a juste attachés pour ne pas qu'ils la gênent lors de sa cueillette. Si son père la voyait ainsi seule, dans un tel accoutrement et de si bonne heure par delà la vallée, il serait certainement fou de rage et il aurait peut-être raison. Mais on lui a enseigné la cueillette des plantes depuis sa plus tendre enfance. Sa grand-mère le lui a moult fois répété : il faut collecter les plantes avant le lever du soleil, ceci afin de conserver la précieuse rosée déposée sur les feuilles et les fleurs. Eulalie, sa grand-mère, nommait cela l' « or du millième matin des alchimistes ». Elle s'était toujours posé des questions quant à cette appellation mais elle suivait scrupuleusement les conseils d'Eulalie, en mémoire d'elle, mais aussi pour continuer sa quête médicinale. Depuis des années, de nombreux malades venaient lui rendre visite à la citadelle, plus ou moins secrètement, car elle n'était pas à l’abri d'être injustement accusée de sorcière par des âmes jalouses et mal intentionnées. Sur son lit de mort, c'est à sa petite fille qu'Eulalie a légué sa médecine, sachant qu'elle serait prête à assumer un tel rôle.

Nous sommes en l'an 1242, à Montségur, dans l'arrière pays ariégeois.

Elle se prénomme Alysatis et a 19 ans. Fille unique d'un notable à la Cour du pays d'Oc, elle habite la forteresse au sommet de la montagne.

Montségur, en occitan le Mont-sûr, a subi un premier siège en juillet dernier mais fort heureusement la forteresse n'a pas été prise. Hélas la vieille Eulalie n'a pas supporté cet affront belliqueux qui eût raison de sa faible santé pour finir par lui retirer la vie.

Alysatis a beaucoup pleuré le jour de sa mort , et de nombreuses semaines par la suite. Guillaume, son père et Malvina, sa mère, la tenaient pour inconsolable. Et puis un matin, elle ne sut pourquoi, elle s'empara de la serpette d'Eulalie qu'elle conservait précieusement et s'en alla par delà la vallée en cueillettes diverses.

Depuis, c'est elle que les habitants du village de Montségur viennent visiter dans l'ancienne maison de sa grand-mère. Pour eux Alysatis représente l'espoir, le salut et la guérison. Ils lui quémandent conseils et potions et sa réputation a ainsi très vite fait le tour de la contrée au grand désarroi de ses parents qui auraient préféré étouffer ce don. Ils restent bien conscient qu'être assimilée à la sorcellerie par de belliqueux croisés fanatiques pourrait être fatal à leur fille. Malgré cela, ils ont accepté qu'Alysatis reprenne ainsi le flambeau d'Eulalie car son équilibre et sa joie de vivre semblent entièrement en dépendre.

Eulalie, la grand-mère paternelle d'Alysatis, était une descendante de Pierre de Bruys, grand contestataire de l'Eglise Catholique. Lui et ses partisans firent preuve à leur époque de tant de violence dans la profanation des églises qu'on raconte qu'il fût brûlé vif pour hérésie à Saint-Gilles, près d'Arles, dans un bûcher qu'il aurait lui-même allumé pour brûler des croix.

Cette triste histoire reste gravée à jamais dans la famille d'Alysatis, raison pour laquelle son père Guillaume préférerait éloigner de son foyer tout éventuel jugement non conforme. Si le mot « sorcière » venait à tomber un jour dans son entourage, il ne sait que trop bien que le rappro­chement avec Pierre de Bruys le contestataire serait immédiatement fait.

Plus tard, Henri de Lausanne, disciple de Pierre de Bruys, eut pour flambeau de colporter ses idées jusque dans la région de Toulouse.

Guillaume resta toujours à l'écart de ces doctrines : était-ce par désaccord ou par peur ?

Les gens doutaient sur ce point ; Guillaume a toujours été conscient que le doute pouvait très vite laisser place aux pires accusations, doute qui en a mené plus d'un dans les flammes du bûcher.

Le Languedoc vivait encore heureux, dans les premières années du XIIIième siècle. Du Lauragais jusqu'au Rhône, dans les belles et opulentes cités de Toulouse, de Carcassonne, de Narbonne, de Béziers, de Montpellier, d'Albi, dans les châteaux où fleurissaient les cours d'amour, régnait un air de légèreté et de liberté. Ce bonheur de vivre contrastait avec la rudesse des pays du nord de la Loire, la France de Philippe Auguste et de ses grands barons qui ne rêvaient que de batailles et de conquêtes. Mais au cours de l'été de l'année 1209, a commencé à déferler une vague de malheurs : le pape Innocent III lança sur le Midi l'armée innombrable des croisés pour en extirper l'hérésie cathare.

Depuis, Guillaume a peur, peur de ce terrible mot : hérésie, qui ne doit plus jamais tomber dans sa famille.

Guillaume d'Orliac a toujours fait partie des nombreux notables bourgeois de Montségur et jouit de l'appuie et du soutien de son ami de toujours le Seigneur Raimon de Pereille.

Depuis bientôt dix ans Raimon de Pereille a accepté de recevoir des cathares dans son château de Montségur, non sans réfléchir. Il fût longtemps réticent à cette décision. Il prit conseil auprès de ses chevaliers de confiance mais aussi après de Guillaume son meilleur ami. Tous étaient bien conscients des dangers que cette décision allait leur faire courir. Guillaume n'avait pas souhaité émettre son avis mais le Seigneur Raimon de Pereille et ses chevaliers avaient fini par estimer que la puissance des cathares réunis contribuerait, le cas échéant, à les protéger.

Depuis Montségur a complètement changé de caractère et n'est plus uniquement l'asile d'une poignée de Parfaits et de Parfaites, mais est devenu la capitale religieuse du catharisme, le lieu sûr où les croyants peuvent rencontrer des Parfaits pour les réconforter ou leur donner le consolamentum. Montségur fût ainsi graduellement fortifiée et divers murs furent ajoutés le long de ses flancs nord et sud. Avec l'afflux torrentiel de réfugiés cathares, un petit village en terrasse commença à croître à l'ombre des murs fortifiés du nord-est.

Guillaume l'a toujours su : sa mère Eulalie avait rejoint ce courant de pensée cathare et c'est avec beaucoup d'humilité et de respect qu'il avait d'ailleurs assisté à son consolamentum.

Eulalie ne s'en cachait pas et parfois Guillaume se demande si elle n'a pas fait germer les mêmes idées chez sa petite fille Alysatis.

Corba, la femme du Seigneur Raimon de Pereille, a pris dernièrement la vêture pour devenir une véritable Parfaite. Guillaume en a été fort étonné et ne parvient toujours pas à se faire une réelle idée sur ce courant religieux. Il en parle souvent avec son ami Raimon qui apaise ses craintes et le rassure toujours quant aux desseins des cathares.

Ces bons Hommes comme on les nomme, n'ont besoin d'aucun édifice ni d'aucun rite pour faire passer leur courant de pensée, car justement leur ultime but est de transmettre leur philosophie de vie et non de la vivre de manière isolée. Ils n'adorent pas d'icônes, ne se considèrent pas soumis à Dieu. Ils ne se prosternent devant aucune statue, ni instrument de torture telle que la croix où Jésus fut crucifié ; ils ne récitent aucune prière infondée dans un langage qui leur serait inconnu. Seuls quelques livres et quelques mots prononcés à voix haute suffisent à nourrir leur religion. Selon eux, tous les êtres de la Création, toutes les races d'êtres humains mais aussi d'animal relèvent de la grâce de Dieu. Ils ne cultivent pas le sentiment de peur de l'Enfer ou du Jugement dernier ; pour eux, tous seront sauvés par la volonté de Dieu, même si pour ce faire ils doivent être voués à vivre maintes existences avant de rejoindre cet état de grâce. (...)

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