Compter les oiseaux Compter les chapeaux

Compter les oiseaux Compter les chapeaux

 

"... Soudain, semblant déterminé, il ouvrit sa porte et l’attira à l’intérieur avec une forme de brusquerie. Celle des gens que la peur a fait trop hésiter et qui finissent par prendre une décision comme on se jette à l’eau, pour être sûrs de ne plus pouvoir changer d’avis. Elle émit un petit cri sans qu’il n’y prît garde.

Une fois à l’intérieur, il l’attira vers la chaise mais au lieu d’aller s’asseoir en face, sur son tabouret, il resta planté debout, à côté d’elle. Ce comportement intimida Svetlana car elle ne le comprenait pas. Ce qui l’impressionna plus encore fut ce regard qu’il baladait partout sur elle, il n’avait jamais fait cela. D’une main tremblante, il toucha ses cheveux. Puis sa main descendit sur son visage… et sur son cou. Ensuite, son regard se posa lourdement sur ses seins pour ne plus les quitter. Svetlana prit peur cette fois-ci et se leva d’un bond.

— Non, non, non, pars pas, implora-t-il.

Il voulut la retenir mais elle avait déjà ouvert la porte d’entrée. Il eut le temps de saisir son poignet, puis il regarda ses yeux. Les lèvres de Svetlana se mirent à trembler, il desserra alors ses doigts et la laissa filer.

Une fois seul chez lui, il fut pris de tremblements. Il se frappa au visage en émettant une plainte rauque..."

 

"... Elle replongea la tête sur son dessin.

À son tour, il s’était arrêté pour la regarder. Il souriait béatement. Comment avait-il pu engendrer une telle merveille ?

Et puis, subrepticement, son sourire se fana. Il eut un frisson. Tout en repoussant sa feuille de papier, il s’agita, tourna la tête à droite, puis à gauche. Surprise, la petite releva le nez.

— Tu fais quoi ? Tu joues plus ?

— Si si, attends mon ange, je reviens.

Comme s’il s’enfuyait, il se leva et s’éloigna d’elle. Il s’absenta un long moment pendant lequel il se servit un verre de vin qu’il but d’une traite... "

 

"... Cette histoire était maintenant une partie intime de son être, celle qui avait le plus d’importance. Dénuée de toute sorte de calcul, de vice ou de faux-semblant, cette relation était pure et d’une intensité rare. Elle partait de l’essence de l’être et restait ainsi, sans transformation consciente ou inconsciente, sans tricherie. Une âme comme la leur ne pouvait que fusionner avec des âmes semblables. Et lorsqu’elles se rencontraient, alors elle prenait une force indestructible, elle devenait toute puissante, comme une vague qui prend de la puissance en s’unissant aux autres vagues qui se trouvent sur son passage. Elle devient impétueuse, redoutable, impressionnante, intense à vous couper le souffle, avant de se fracasser et de mourir..."

 

"... Sa solitude fut trop lourde, elle devint douloureuse. Elle lisait du vide partout où ses yeux se posaient, elle avait froid. Elle ressentit une peine infinie, comme si un manteau de tristesse l’avait enveloppée et l’étouffait. Elle alla se poster devant la photo, celle où sa mère la tenait dans ses bras. Dans les moments de solitude trop accablants ou pendant de grandes peines, cela la rassurait. Louis avait sa cave, elle le portrait. Elle entrait dans la photo et avait la faculté d’être certaine que c’était du temps réel. Elle était dans les bras de sa mère, elle sentait son cœur battre et son odeur..."

 

"...D’un pas ferme, il marcha tout autour de la pièce, longtemps, en ânonnant une phrase qu’elle ne comprenait pas, mais c’était visiblement toujours la même. Il fit plusieurs tours, sans rien dire, absorbé, ailleurs, les yeux rivés au sol. Quand il fut las et surtout apaisé, il la rejoignit et prit sa main qu’il serra fort. Il n’y a pas de handicap pour le langage du corps..."

 

"...Nadia s’était approchée de lui, l’avait pris dans ses bras et avait pleuré. Il avait levé le regard sur elle et avait vu de la terreur dans ses yeux, il y avait vu la mort. Un frisson lui avait parcouru l’échine. Cette femme puait la mort alors il avait détourné le regard.

Si elle devait vivre, elle pourrait faire un effort, voire soigner ce mal invisible, celui qui touche à la personnalité, probablement un des maux les plus difficiles à guérir. En un sens, le plus grave était peut-être évité. Elle n’aurait plus que la souffrance d’une possible mort prochaine à supporter même si c’était déjà insupportable. Mais sa fatigue troublait sa lucidité..."

& aussi