Critique Libre

L'Enfant allemand de Camilla Läckberg

Avec l'Enfant allemand, Camilla Läckberg signe le cinquième opus des aventures de son héroïne Erica Falck. Souvenez-vous, elle s'était mariée avec le fameux inspecteur de Fjällbacka Patryk Hedström dans L'Oiseau de Mauvais Augure. Juste à la fin, elle découvrait dans une malle des objets ayant appartenu à sa mère. Parmi eux, un bout de tissu sale qui avait un jour été blanc, mais que le temps avait jauni et parsemé de vilaines tâches de sang et une médaille à l'insigne de la Seconde Guerre Mondiale. Telle la boite de Pandore, le coffre va laisser s'échapper des secrets longtemps dissimulés par le temps. Ames sensibles, cramponnez vous!!

->Lire aussi notre dossier sur le phénomène Camilla Läckberg : Autopsie d'un succès

En Juin dernier, nous avions découvert le talent de Camilla Läckberg. Dans L'Oiseau de mauvais augure, les fils tirés par l'héroïne et les multiples personnages gravitant autour nous avaient enthousiasmés. En ayant dans les mains L'Enfant Allemand, nous nous attendions à retrouver l'atmosphère et le suspense frémissants. Pour l'ambiance, la narration se réinscrit dans un contexte familier grâce aux personnages, le couple Erica Patryck et Ann et Dan et l'atmosphère du nord de l'Europe. En revanche, pour ce qui est de l'adrélanine, Läckberg ne parvient pas à nous faire autant frissonner qu'à l'ordinaire. Pourtant, le livre commence sur les chapeaux de roue avec la description d'un lieu où gît un cadavre depuis plusieurs mois qui ne craint pas de souligner des détails "croustillants".  Deux jeunes adolescents découvrent dans une grande maison abandonnée un homme assassiné. Passé cet épisode riche en descriptions, l'auteur nous emporte dans les chassés croisés de deux époques distinctes: notre temps présent et l'époque de la Seconde guerre mondiale.

 

L'intrigue

Erica avait découvert à la fin de L'Oiseau de mauvais augure une malle constellée d'objets de sa mère avec entre autres un tissu tâché de sang et une médaille mystérieuse. Les relations d'Erica et d'Anna avec leur mère étaient assez distantes. Erica voit dans cette mallle un signe du destin. Si elle pense au prime abord refermer tout ce passé, elle est trop curieuse pour ne pas interroger les objets. Et la médaille découverte l'interpelle particulièrement. Pour en avoir le coeur net, elle s'adresse à un spécialiste de la Seconde guerre mondiale qui ne peut lui donner de réponse immédiatement. Les mois passent et elle n'a pas encore récupéré l'objet que le corps de l'homme spécialiste est découvert, rongé par les mouches. Soudain, en un clic, l'histoire d'Erica est lié à une histoire de meurtre et de plus en plus le livre se développant. Le sujet est là, assaisonné avec une histoire de famille et l'Histoire. Tout apparaît bien ficelé. Un peu trop pourtant.

Stéréotypes et clichés

L'Enfant Allemand se déploie entre stéréotypes et clichés. Le sujet de la Seconde guerre mondiale est vu et revu. Mais, le plus dérangeant réside dans l'incessante confrontation entre les hommes et les femmes. Ce couple héro du livre interprété par Patryck et Erica vient d'avoir un enfant dont elle s'est occupé à plein temps. Patryck doit alors prendre le relais. De congé de maternité, le temps est à celui de la paternité. Laissons Maman travailler et Papa va changer les couches et donner le biberon. Autre temps autres moeurs. A ce juste retour des choses, on dit oui mais Läckberg appuie avec un féminisme non dissimulé la maladresse des hommes. Patryck est en congé mais ne peut s'empêcher d'aller faire un tour au bureau et de se mêler de nouvelles affaires sans se préoccuper plus que ça de sa fille avec qui il ne craint pas d'aller sur les lieux d'un assassinat! Le retour à la maison est alors difficile et Erica ne peut s'empêcher de lui faire la leçon. En revanche, lorsque Patryck décide d'aller faire un tour avec son ex femme, Erica semble prendre la chose le plus naturellement du monde. A raison d'ailleurs!
Enfin, le rapport à l'Histoire et à la période de la Seconde guerre mondiale est traité à travers une série de clichés. La mère d'Erica a eu une aventure avec un Allemand soit disant résistant qui se révèle fils de SS. On l'aura compris, Camilla Läckberg sort la cavalerie lourde sans se préoccuper du fait que de temps en temps, il y a lieu d'apporter des nuances.

 

Un goût du sordide gratuit

De la même manière, le texte est nourri à répétitions de détails un peu terre à terre dont on se passerait la plupart du temps. Les femmes enceintes ont sans cesse envie de vomir tout comme les adolescents qui une fois face au spectacle répugnant du corps en décomposition déversent tripes et boyaux. Inutile et gratuit, ce genre d'éléments tue l'intrigue car le lecteur n'est pas angoissémais s'ennuie.  
Si Läckberg bavarde avec son lecteur, il ne se sent pas pour autant concerné. Il reste spectateur et aimerait pourtant tant se faire peur. Or, rien de tel dans l'Enfant Allemand. Le texte est trop long et on court de page en page pour voir les choses évoluer. Patients et disciplinés, on pense encore que l'on va être surpris. Or, dès le début, le texte nous avait donné la clé. Les meurtres se font la plupart du temps en famille. Les cartes de l'Enfant Allemand ne sont pas assez mélangés et le lecteur reste sur sa faim. L'énigme est dénouée mais le lecteur n'est absolument pas surpris.

Quant à la traduction, si la plupart du temps, elle est passable, parfois, elle est franchement déroutante. Certes, nous sommes dans l'univers du roman policier mais cela n'empêche point d'ouvrir les champs du vocabulaire. Le langage parlé choque l'oreille à pluisieurs moments.

 

Le dévoilement du non dit.

Néanmoins, tout en prenant des voies un peu trop faciles, Läckberg aborde des thèmes contemporains, ciblés sur les questionnements de son pays. Tout n'est en effet pas si rose et l'attitude exemplaire de la Suède pendant la Guerre peut aussi avoir quelques exceptions. De la même manière, les secrets de famille dissimulés resurgissent toujours et avec une violence toute particulière dans les climats du Nord . Pensons à l'excellent film Festen du suédois Thomas Vintergerg où en un repas de famille, tant de secrets à priori indicibles se dévoilent.
La force du livre est peut être à chercher de ce côté là.  

 

Un livre qui ne se prend pas au sérieux.

Enfin, comme dans les précédents livres de Läckberg, le ton est léger et actuel. Malgré le fabuleux succès rencontré, cet auteur ne semble pas se prendre au sérieux. Elle nous emporte dans un monde qui parle à tout un chacun, un monde rattrapé par les soucis du quotidien qui souvent ne manque pas d'humour. Pensez à la métaphore du couple associée à la culture des géraniums! On apprend ainsi au détour d'une page l'existence de différents forums sur ces plantes sur Internet et celle d'un écrivain né en 1953, Lasse Anrel, auteur du livre L'Homme qui parlait aux géraniums!

En savoir plus

Camilla Läckberg, L'Enfant Allemand, Actes Sud.

Camilla Läckberg, L'Oiseau de mauvais augure, Actes Sud.

4
 

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