« Soleil noir », premier tome de la saga « Entre terre et ciel » de Rebecca Roanhorse : une fresque épique et envoûtante

« Un homme doté d’un destin est un homme qui ne craint rien. » -R.R

Soleil noir de Rebecca Roanhorse démarre avec cette maxime révélatrice. Car le personnage central, Serapio, dont la destinée épique le dépasse lui-même, et qui doit accomplir un voyage à l’autre bout du monde en quête du soleil noir, n’est pas au bout de ses peines. Quelles surprises réserve la ville sainte de Tova, ses prêtres fanatiques et ses corbeaux géants ? Le jeune homme porte gravées les marques de son dieu. Il devra vibrer au rythme de l’océan et des humeurs de la capitaine du navire qui le porte vers un monde salvateur.

Une œuvre servie par une jeune auteure au futur prometteur

Rebecca Roanhorse, née en 1971 en Arkansas aux Etats-Unis, romancière et nouvelliste américaine de science-fiction, a notamment reçu pour sa première nouvelle, Welcome to Your Authentic Indian Experience™, le Prix Nebula de la meilleure nouvelle courte en 2017 ainsi que le prix Hugo de la meilleure nouvelle courte en 2018. Son premier roman, La piste des éclairs, a reçu le prix Locus du meilleur premier roman en 2019. Elle propose dans Entre ciel et terre une trilogie à la George R.R Martin, emplie de peuples et de créatures fantastiques, dont certains ne sont pas sans rappeler les Avatars dans le film du même nom. A travers ses héros nombreux, notons, Serapio, bien sûr, mais aussi Xiala, Naranpa ou encore Okoa, qui plonge le lecteur dans un moment fascinant duquel il est impossible de s'arracher.

Les différents personnages aux destinés opposées qui finissent par s’entremêler, aux passés compliqués et aux origines diverses, nous émeuvent par leur sincérité. La hiérarchie de ce monde minutieusement ficelé et de ces peuples riches en histoires, intrigue et désoriente. Pas de doute, ce roman de fantasy tient ses promesses.

Une quête de rédemption dans un monde aveugle

Aveugle, c’est ce qu’il est depuis le jour où sa mère lui a crevé les yeux et taillé la peau des marques d’un prétendu dieu. Encore enfant, Serapio devra se débrouiller avec un destin auquel on le prépare, mais dont on ne lui dit rien.

A l’autre bout de la planète, Xial, a se réveille dans une sombre prison d’un port inconnu. La capitaine pirate et mercenaire un peu trop adepte de l’alcool se voit proposer une mission impossible : traverser la moitié des océans du globe pour atteindre la ville sainte de Tova avant la Convergence, date mystique de rencontre entre le solstice d’hiver et une rarissime éclipse solaire, et ce avec un mystérieux passager aveugle détenant de mystérieux pouvoirs à bord de son navire. Qu’est-ce qu’elle ne ferait pas pour de l’argent…

Cette ville sainte, cet Eldorado, le Tovasheh, c’est la terre de la Prêtre du Soleil, Naranpa, prêtresse parmi les prêtres, et veillant sur les quatre peuples des Descendants Issus du Ciel, dont l’une des matrones vient d’être mystérieusement assassinée à l’aube de la Convergence, et dont le fils Okoa aurait essayé de se venger sur elle. Naranpa doit se débattre avec des démons souvent plus proches que ce qu’elle ne croit, tout comme Okoa, innocent de ce dont on l’accuse.

Pirate, demi-dieu, grande prêtresse, Bouclier guerrier…autant de destins reliés entre eux et de rouages d’un monde où le complot et la force brute font force de loi. Trahisons, discriminations raciales font fureur dans ce monde fantastique, où personnages inclusifs et assassinats cachés dans l’ombre composent un récit au rythme étourdissant. Dans Entre terre et ciel, le danger surgit de nulle part et sous toutes les formes, mais dépeint une histoire commune remplie de psychologies fascinantes et de personnages attachants.

Le lecteur suit une quête autant personnelle qu’universelle pour Serapio, Naranpa et Xiala, dans un système ancestral régi par des dieux oubliés et des prêtres fanatiques que rien ne peut arrêter.

Un monde aux échelons renversés où chacun cache son vrai visage

« Un homme est comme un coquillage, laisse-le s’ouvrir de lui-même, et il te donnera une perle» -R.R

Mais finalement, qu’est-ce qu’un monde idéal ? Une société régie par la religion ? Ou une cité où les plus pauvres s’entassent dans la Gueule, où malfrats et bandits sévissent à côté d’enfants mendiants dans les rues saturées de poussière ? Un île aux navires resplendissants ? Un monde en surface parfait, mais en creusant un peu, corrompu et complètement pourri ?

Et les hommes dans ce monde, que deviennent-ils ? Comment sont-ils changés dans ce monde vicié ? Une rédemption est-elle encore possible ?  Trop de questions que l’on se pose en lisant ce premier tome, dont heureusement la suite ne saurait tarder.

>Rebecca Roanhorse, Soleil noir, premier tome de la trilogie, Entre terre et ciel, Bragelonne, Traduction Isabelle Raoux, 384 pages, 25 euros >> Pour acheter le livre, cliquer sur ce lien