Histoire contemporaine

La quatrième bataille de Patrick Rambaud

Dans cette Quatrième chronique du règne de Nicolas 1er ( Grasset), Patrick Rambaud passe une nouvelle fois à l’offensive.  Pour ce tout dernier épisode d’un feuilleton entamé au lendemain de l’élection de notre « Essentiel Potentat », l’auteur poursuit son étude des puissants et misérables de la Cour de France en l’an de grâce 2010.  Et à la fin de ses nombreux envois, il touche !

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 Couronné par le Prix Goncourt et par le Grand Prix du roman de l’Académie française, pour La BataillePatrick Rambaud est tombé dans l’histoire quand il était petit.  Après l’adaptation des conquêtes sanglantes de Napoléon Ier, il s’empare de la vie politique française en Sarkozie.  Notre Parodiste Virtuose livre ici une satire des mœurs politiques de notre temps.  Et cette fois, sa plume tire à boulets rouges.

Rambaud armé jusqu’aux dents

Patrick le Hardi commence fort dans ses premiers tomes en célébrant l’élection d’un « parvenu » qui se réfère aux bandes dessinées de Tintin « afin d’y comprendre mieux le monde ».  Armé de sa Rolex, notre « Gigotant Monarque » y rééduquait son royaume à la culture Mickey et à la « démocratie totalitaire ».

Dans ce quatrième volume, notre Guerrier Pasticheur ne baisse pas la garde.  Dès le début, il ridiculise la baronne Bachelot qui affronte les cochons mexicains pendant que « les financiers s’arrondissent le bedon ».  Au Cérémonial médiatique, « Nicolas le Névrosé » et le duc de Villepin se disputent la préséance.  On  devine l’influence de La Fontaine dans la mise en scène du procès de M. le duc.  L’agneau a bien du mal à se défendre contre les arguments du loup inquisiteur.  Les dépenses royales sont épluchées au sabre, comme par exemple les aéronefs de luxe permettant à notre « Voyoute Altesse » de remonter le temps.  Dès lors que l’auteur se rit de l’étiquette de la Cour, le lecteur respire des bouffées de gaz hilarant.  Comme le récit du putsch tenté par notre « Truculent Tyranneau » afin de hisser son fils Jean au sommet de l’EPAD.  Le « Pétillant Dauphin » est relooké et coaché pour cette mission impossible qui s’éteindra comme une allumette mouillée.  Tandis que la presse muselée tente de suivre le trictrac de la Cour, « Notre Finaud Souverain » arrange les foules à sa guise.  Des acteurs sont déguisés et triés par taille pour offrir de jolies saynètes aux « fenestrons » (la télévision).

Patrick Rambaud maîtrise l’art de choisir des anecdotes truculentes au point de donner le tournis au lecteur incrédule.  Cela pourrait ressembler aux voyages du personnage Gulliver, de Jonathan Swift, dans des pays de plus en plus fous, de Sarkozie en Absurdie.  Au point que notre Historien Batailleur laisse présager : « Versailles sera bientôt vendu à Walt Disney* ».

 

Au banc des accusés

Il faut surtout savourer ces quatrièmes chroniques pour leur galerie de caractères mordants.  La « cour agenouillée » se compose de « serviles » qui font « bien bas la révérence ».  La distribution de faveurs flatte ces « mamamouchis » ridicules dignes de figurer dans le bourgeois gentilhomme de Molière.  Ainsi, Rambaud le Téméraire dessine le Comte Chatel « boudin de figure » et le dote d’« un certain sens de l’entrechat ».  Le baron Pasqua s’avère un « excellent spécialiste du coup fourré », le marquis de Valois (Frédéric Mitterrand), « une sorte de gratte-papier ».  L’auteur va même jusqu’à pousser les courtisans caricaturés dans la ménagerie.  Le « Grand Contrôleur des Fiches, M. d’Hortefouille », devient « le plus fidèle perroquet de Sa Majesté », tandis que le « Lieutenant-Criminel Besson » fait le singe pour son maître.  Du côté de la comtesse Bruni, elle incarne avec brio Marie-Antoinette, fardée de candeur et d’oseille.  « Madame » conseille à la populace de prendre des vacances sur une île privée du Pacifique, en toute simplicité.

Mais le cheval de bataille de Rambaud le Preux, c’est « Notre Courte Majesté ».  Pour lui rendre hommage, l’écrivain manie ses adjectifs-couteaux comme un Yakuza. Qualifié de « radin, rancunier, mesquin, égocentrique, paranoïaque… », mais aussi de « moteur du monde » ou de « roi du système solaire », Nicolas 1er reste avant tout un « Surempereur ».  Brossé en King du mauvais goût avec « sa classe phénoménale », il déplace ses pions et fait vaciller les « valets bouffons » et autres marquis ridicules.

 

[image:2,L,d]De l’esprit avant toute chose

Tout au long de son œuvre, Patrick Rambaud imite à merveille le style faussement détaché des Mémoires de Saint-Simon.  Son indignation pourrait sembler facile, mais sa plume tranche les cibles avec élégance.  Les sous-titres de ses chapitres se savourent en apéritifs: « Festival de couacs », « Le Chevalier David d’Ouillet entre en politique » ou encore « La milliardaire et le Gigolo », en référence à l’affaire Bettencourt.  Ces préludes annoncent des aventures picaresques à la mode Candide de Voltaire.  Sauf que notre membre de l'Académie Goncourt crée le suspense.  Dans un premier temps, quelques phrases elliptiques donnent le ton.  Puis, le conteur aiguise la lame de son écriture avec une verve saisissante.  Enfin, il passe à l’attaque et provoque le sourire ou le fou rire.  Son vocabulaire dompté permet d’enchaîner les scènes avec ravissement.  Ses mots désuets charment et les équivalents modernes amusent.  Ainsi, « les gazetiers honnis »  plongent dans le XVIIème siècle quand la «poubelle électronique » moque nos habitudes du millénaire.  Sans oublier le langage éructé par le leader bafoué « Moi j’reste pas planqué derrière un bureau! », répond-il aux journalistes.

Prêt à croquer le règne jusqu’au changement de régime, notre Infatigable Chroniqueur devient l’indispensable parodiste des usages de ceux qui nous gouvernent.  Car comme l’écrivait La Bruyère dans les Caractères « l’on se couche à la Cour et l’on se lève sur l’intérêt ».  Et Patrick Rambaud de conclure « il y a des jours où j’ai envie d’être anglais* » !

 

* Propos tenus lors d’une rencontre de Patrick Rambaud avec ses lecteurs le 25 janvier 2011 à la FNAC Montparnasse.

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