Découverte

Julia Wertz dessine la précarité

Déjà populaire aux Etats-Unis, elle fait son entrée dans le monde de la BD française, avec la traduction de son dernier livre Whiskey and New-York. Julia Wertz, dans la droite ligne des indignés, raconte en vignettes ses péripéties de jeune précaire.

 

 

Terminer ses études, se lancer dans la vie active, déménager pour une ville plus grande, censée offrir plus d’opportunités…Et faire l’expérience du cauchemar de la précarité : enchainement de petits boulots, pertes de repères, rêves de carrière qui tardent à se réaliser.  C’est l’histoire que Julia Wertz nous conte dans sa bande dessinée autobiographique délicieusement cynique Whiskey et New-York. Aujourd’hui âgée de 29 ans, elle n’a que 21 ans lorsqu’elle commence son journal intime en BD, sans la moindre ambition d’être un jour publiée. Sur les conseils d’un ami, elle décide de les mettre en ligne et obtient un succès inattendu. En 2011, déjà trois ouvrages édités. Le dernier, Whiskey et New-York, vient d’être traduit en français et est disponible aux éditions Alter Comics.

 

A l’origine de cette BD, son déménagement de San-Francisco à New-York et son ambition de devenir cartoonist à plein temps.  «J’avais à mon actif tout un passé de décisions impulsives et irréfléchies même quand les options étaient clairement définies…alors je mettais ça sur le compte de la très pratique "erreur de jeunesse" ». Le ton est donné. Wertz va tout au long du livre nous entrainer dans sa vie chaotique avec un humour noir libérateur et une capacité d’autodérision proche du masochisme. Cet ouvrage qui ne parle que d’elle traite en réalité de toute une génération de presque trentenaires "qui sont partis loin de chez eux, ont loué une chambre hors de prix dans un appartement minable et ont été ballotés par la vie, allant d’un job à un autre, sans espoir de répit".

 

Les vignettes s’enchaînent et racontent à travers des anecdotes d’une ou deux pages, les déboires de sa première année à New-York : son emménagement dans un appartement minuscule, son hypocondrie, le désert de sa vie sexuelle, son incapacité à garder un job, son expérience de stagiaire (2 jours), son goût un peu trop prononcé pour le Whiskey, ses excès de fainéantise. Bref, les moindres échecs de sa vie y sont passés au crible. Elle dépeint avec franchise et lucidité les angoisses de la jeunesse précaire à savoir, ne pas être heureux dans ce que l’on fait sans pouvoir réellement déterminer ce que l’on veut devenir. A coup de phrases choc, elle décrit crûment ses petits travers qui se révèlent être ceux de tous : "je voulais me goinfrer et le regretter ensuite" ou encore "je suis sûre que si internet n’existait pas j’aurais déjà publié cinq livres".

Dans la page intitulée "cruelle réalité", un de nos comportements des plus bassement humain nous saute au visage : "bizarrement, les échecs des autres me rendent souvent heureuse" raconte la première vignette, avant de poursuivre dans la suivante : "et puis je réalise que je vis dans une pièce sans fenêtre à Brooklin sans perspective d’avenir."

 

Le dessin, lui, demeure simple, presque schématique, "pour aider le lecteur à s’y reconnaître, à s’identifier" explique-t-elle. Elle n’utilise que le noir et blanc et avoue d’un ton désabusé "parce que je ne sais pas utiliser la couleur". Selon elle "l’art ne doit pas prendre le pas sur l’histoire racontée".
Le génie de Wertz réside également dans sa capacité à intégrer dans la chronique de sa première année à New-york, des éléments historiques qui ancrent définitivement son récit dans le quotidien de la jeunesse américaine d’aujourd’hui. Elle y traite aussi bien de l’assurance santé en contant ses péripéties à l’hôpital que de l’élection d’Obama. « J’ai fait ce que j’ai toujours fait quand il est question de politique…me plaindre…et boire ». Et à elle de se portraiturer les bras croisés sur un vieux canapé se plaignant d’avoir manqué l’annonce de l’élection du candidat parce qu’elle « était trop occupée à cracher sa bile ».

 

Pour Julia Wertz l’humour est un échappatoire, « il faut toujours trouver de quoi rire, histoire de se remonter le moral ». Ainsi elle parvient à évoquer la toxicomanie de son frère, son alcoolisme et le cancer de son beau-père sans tomber dans le mélodramatique arrachant même au lecteur des éclats de rire.

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