Critique Libre

Israël Horovitz : le plus frenchy des dramaturges US

« Israël Horovitz est un jeune homme tout gentil, tout charmant. Un tendre voyou américain. Dès qu’on le voit on ne peut pas ne pas l’aimer » disait Ionesco. Et la magie opère dès que l’on rencontre ce grand homme, le plus francophile des écrivains de théâtre américains. Avec plus de 70 pièces à son actif, telles que Quelque part dans cette vie, Le baiser de la veuve ou encore Très chère Mathilde (couronnée de succès au théâtre Marigny en 2009), c’est un des dramaturges américains les plus joués au monde. Il revient en cette fin d’année 2011 avec ses mémoires, Un New-Yorkais à Paris, quelques souvenirs choisis à travers lesquels il explique à la façon qu’on lui connaît, humoristique et poignante, comment « la vie a sauvé sa vie ».
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D’Israël – dit « A’tie » – à Horrovitz

Il est 20 heures à la Dorothy’s Gallery, l’ambiance est feutrée et chaleureuse, la salle de lecture intime. On se sent tout de suite chez soi, et c’est ainsi qu’Horovitz souhaite inviter le public à venir partager certains extraits de ses mémoires. Il est comme on le décrit, le visage éclairé d’un regard malicieux et d’un sourire franc, avec cet air naturel et sympathique qui met tout de suite à l’aise. Et là, la lecture commence, on plonge tout de suite, tantôt souriant, tantôt ému, on a envie d’en savoir plus… 
A travers ses mémoires, Israël Horovitz nous dit (presque) tout : son enfance houleuse, ses aventures d’adolescent, la naissance de son talent, sa famille, ses amis, le théâtre et la France. Du gamin battu à la nomination de commandeur de l’ordre des Arts et des Lettres, l’encre a coulé et certaines de ses anecdotes crèvent… les pages. Elles sont d’ailleurs riches de commentaires sur ses différentes pièces, celles qu’il qualifie être « de son père » (plus dures, dont le décor prend bien souvent place dans le milieu ouvrier) ou celles « de sa mère » (plus douces mais non moins saisissantes). On y croise notamment des personnalités telles que Gérard Depardieu, Jane Birkin, Al Pacino – dont il semble très proche – Diane Keaton, et tous ceux qui l’ont accompagné le long du chemin du succès. Il se réinvente une famille à travers Beckett, son « père de choix », auquel il consacre un chapitre à la fois drôle et émouvant et devient plus tard le fils choisi d’Eugène et Rodica Ionesco. Des pages ponctuées de petits clins d’œil, d’aveux confessés avec une spontanéité touchante : un diplôme inventé, les paroles d’une chanson déplacée, un faux-pas linguistique cocasse mais vexant pour son fils Adam, membre des Beastie Boys. Et surtout, beaucoup de philosophie sur les moments marquants de sa vie, la violence, le racisme, l’amour, le 11-Septembre, la célébrité, l’art d’être parent… et cette furieuse envie de prendre le pas sur le passé. 

 

Ecrire pour devenir

Lire Horovitz, c’est partir pour une balade remplie de surprises, agréables ou plus amères, mais qui ne laissent pas indifférent. On parle souvent de son humour « juif » – le terme figure d’ailleurs sur le quatrième de couverture du livre – mais il confie dans une interview radio ne pas aimer cette expression, arguant qu’on ne parle pas d’humour « catholique » ou « protestant » pour un écrivain français ou anglais. Ce qui est sûr, c’est qu’il manie à la perfection cette écriture fluide et décontractée, petite touche made in America, parfois volontairement familière et qui vient rompre avec le contexte, telle une légère morsure. Malgré un chapitre tumultueux qui bouscule le rythme du livre et par la même occasion l’enfance d’Horovitz – mêlant frénétiquement les premières femmes de sa vie à ses débuts sur la scène new-yorkaise –, l’auteur va droit au but, sans artifices et nous séduit.
Un fan d’Horovitz aura plaisir à découvrir les secrets de fabrication des pièces qu’il a aimées, les étincelles qui ont provoqué tant d’inspiration et les anecdotes pétillantes qui ont décuplé la force des mises en scène. Il sourira alors devant la fermeté d’Horovitz face à Line Renaud, sursautera aux hurlements d’Al Pacino s’adressant à la productrice de L’Indien cherche le Bronx, s’indignera avec l’auteur lorsqu’il évoque les conversations qui ont fait naître Lebensraum, un des écrits qui lui est le plus cher… En revanche un non-initié aura plutôt tendance à vouloir laisser le livre de côté momentanément pour courir acheter les œuvres qu’il ne connaît pas. Finalement, ces mémoires remplissent bien leur rôle : elles sont un moyen efficace et captivant de faire la promotion des pièces précédentes de l’auteur et de celles à venir!
Lorsque nous l'avons interrogé, Israël Horovitz nous a expliqué qu’il avait surtout écrit Un New-Yorkais à Paris dans le but de transmettre ce que la vie lui a inculqué. On recommande avant tout le livre aux adeptes du style horovitzien mais aussi aux artistes débutants qui aspirent à devenir de grands comédiens ou écrivains.
Faire part de son expérience, prouver qu’on peut avoir une enfance douloureuse et finir éminent dramaturge, c’est définitivement l’âme du livre. Faire en sorte que les générations futures surmontent les erreurs inscrites dans le passé pour mieux évoluer, transmettre aux jeunes artistes ce que l’on sait, se choisir des pères de  « vocation » pour évoluer vers ce qui fait notre essence, tels sont les mots d’ordre d’Israël Horovitz : « comme si le passé était un prologue et l’espoir était la somme et la substance de ce dont nous rêvons pour notre avenir. Nous ne pouvons pas vivre la vie à laquelle nous aspirons si nous ne commençons pas par la rêver. Mais si nous nous autorisons à rêver, alors oui, tout est possible ».
C’est l’american dream comme on l’aime, avec le décor frenchy en plus.

En savoir plus

Israël Horovitz, Un New-Yorkais à Paris, traduit de l'anglais par Cécile Dutheil de la RochèreEditions Grasset

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