Conte

Il était une première fois... Henri Gougaud

Tandis que la tendance est à la réécriture du conte (a-t-elle été un jour épuisée ?) – le succès de la Reine des neiges, la nouvelle version Disney de Cendrillon ou celle du Petit Chaperon rouge dans le film Into the woods en sont la preuve – Henri Gougaud, grand connaisseur des contes traditionnels, revient sur leur importance et leur puissance dans Renaître par les contes, Le Rire de la grenouille. Dans un nouveau format publié aux éditions du Relié, l’ouvrage est cette fois accompagné d’un CD audio dans lequel l’auteur lui-même nous évoque ses plus jolies histoires. En effet, que pouvait-il y avoir de plus logique qu’un livre audio pour parler du conte traditionnel ? Cinq contes y sont racontés par l’auteur lui-même ; pour le plus grand plaisir de Manon Guesdon qui vient de découvrir son ouvrage.

 

L’intemporalité et l’universalité des contes traditionnels

« Comment les histoires ont-elles fait pour subsister ? » Telle est la question première que pose Henri Gougaud au début de son ouvrage et à laquelle il répond à un peu plus au fur et à mesure de sa réflexion. Dans une langue simple et poétique, c’est à la première personne qu’il s’exprime. Il « expose son "je" sur les places publiques » même si ce n’est pas son habitude, précise-t-il dans l’introduction. Et c’est tant mieux ! Car ce n’est pas un discours de théoricien dont Henri Gougaud nous fait d’abord part ici, mais avant tout de son ressenti, de ce que les contes lui ont dit « du monde et de la vie », ce qui fait là toute la richesse de son livre. Animé par une pensée derrière lesquelles des récits du monde entier surgissent – et il le dit lui-même qu’« à peine appelés, [les contes] me reviennent, ils se bousculent » – l’ouvrage est traversé de contes qui filent à toute allure. Henri Gougaud oscille entre réflexions et jolies histoires, ce qui ne manque pas dynamiser la lecture. 

 

Entre tradition et modernité

Sur le ton de l’anecdote, il nous livre les histoires avec une parfaite technique de conteur. Si elles sont traditionnelles, il n’hésite cependant pas à emprunter un registre parfois plus moderne, voire loufoque. Ainsi aux prières de Samuel qui prie Dieu depuis toujours pour se plaindre, vient finalement la réponse du Seigneur : « Samuel, tu m’agaces, tu me saoules, tu m’exaspères. Tu ne peux pas, dis à ton âge, me lâcher un peu les baskets ? ». Sur un ton de boutade, le conte rappelle aux lecteurs qu’ils se laissent parfois aller trop facilement aux jérémiades. En abordant des thèmes qui nous sont familiers, par la forme ludique, souvent fine et poétique du conte, l’auteur nous rappelle des valeurs que nous avons tendance à délaisser.

 

Comment « renaître par les contes » ?

Dès lors, si Renaître par les contes est inondé de belles histoires, ce n’est pas – uniquement ? – pour le plaisir d’y intégrer des récits, bien qu’ils soient plus plaisants les uns que les autres. Ils viennent soutenir une idée que Henri Gougaud aborde à chaque nouveau chapitre.

Ainsi, si les contes ont survécu, s’ils continuent de nous toucher, c’est qu’ils nous sont nécessaires. À leur lecture, il est possible d’envisager et d’appréhender des valeurs universelles : la tendresse, le rêve, la peur, la mort, que l’auteur aborde au fur et à mesure des chapitres, contes à l’appui, bien sûr. Parce que nous avons besoin « d’affirmer que nos vies ne sont pas hasardeuses », les contes nous apportent des réponses. Ils nous « enseignent », nous « civilisent ».

 

Vaincre ses angoisses

La peur notamment, est ce qui dévore l’énergie des hommes. Parler de catastrophes futures, ce n’est finalement pas « notre avenir qui nous apparaît, mais le gouffre fumant de nos angoisses ». À ce problème, les contes viennent souligner l’absurdité d’une peur « dévoratrice d’énergie ». Celui de Jean sans peur en est un bel exemple. Avant lui, nulle personne n’avait osé rester dans une demeure hantée par des démons. Tous avaient fui au petit matin. Lors de sa rencontre avec le diable, il le roue de coups de bâton. Ce dernier demande pitié et le conduit à un tas d’or dissimulé dans la cheminée. Conte apparemment simple mais très réel : il suffit d’affronter sa peur pour vaincre finalement.

Il en va de même avec la mort, personnage constant des contes du monde entier. Les personnages peuvent s’en jouer ou simplement accepter son existence. Elle est « quelqu’un » avec qui les hommes acceptent de vivre. Or Henri Gougaud rappelle que pour nous elle n’est personne, elle est angoisse et peur. Le conte permettrait-il de l’accepter ? Il en apporte en tout cas des réponses poétiques.

 

Le besoin éternel des contes

Riche, poétique et passionnant, le livre audio de Henri Gougaud nous rappelle à quel point les contes traditionnels sont intéressants et enrichissants, qu’ils peuvent nous aider à appréhender des enjeux quotidiens par une forme simple. L’ouvrage achevé, le lecteur comprend que tout simplement, « nous avons besoin qu’on nous raconte des histoires ».

Et c’est ce que Henri Gougaud fait ici avec brio.

 

Renaître par les contes, Le Rire de la Grenouille, Henri Gougaud, éditions du Relié, juin 2015.

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[image:2,xs,g] Manon Guesdon est étudiante en dernière année de master d’édition et de communication. Elle a deux passions dans la vie : la musique et les bouquins, d’où son idée de créer un blog de littérature jeunesse qu’elle aime depuis toujours. Elle a co-créé le blog Lisons jeunesse    

 

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