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Capricci: le cinéma à la lettre

La critique cinématographique semble aujourd’hui le lien le plus puissant entre deux arts, la littérature et le cinéma. Réorganisation temporelle, dialogue, mise en scène, découpage : autant de moyens d’exécution à la disposition du réalisateur, mais aussi du littérateur. Des points communs qui furent à l’origine d’un fort rejet du cinéma par quelques auteurs, parmi lesquels Henri de Montherlant, Julien Gracq ou André Malraux, à divers moments de leur carrière. Les éditions Capricci proposent désormais plusieurs collections qui esquissent une approche critique mais apaisée du cinéma, interrogeant ses relations avec le monde des Lettres.

L’exercice littéraire de la pensée cinématographique

Cela fait déjà une décennie que les éditions Capricci ont profondément renouvelé le paysage de la pensée critique du cinéma. « [Capricci] est née de la critique » peut-on lire sur le site internet de la maison d’édition : c’est toute une tradition qu’il faut poursuivre, dynamiser et exprimer, en l’adaptant aux habitudes culturelles du monde moderne. Dès la naissance du cinéma, à la fin du XIXème siècle, les écrivains s’intéressent vivement à ces nouveaux moyens d’expression. Parce qu’elle peut tout aussi bien être média qu’œuvre d’art, et parfois même les deux à la fois, l’expression cinématographique suscite de nombreuses réflexions, quant à son évolution et ses moyens de création. Citons, par exemple, l’Esquisse d’une psychologie du cinéma d’André Malraux, les écrits de Gilles Deleuze, qui s’articulent autour de l’image-mouvement et l’image-temps, ou encore le fameux article Une certaine tendance du cinéma français de François Truffaut, paru dans Les Cahiers du Cinéma, texte toujours considéré comme une référence en matière de boulversement théorique et critique.

 

Questionner le cinéma

Les éditions Capricci ont récemment publié A la fortune du beau, un recueil de 40 années de critiques signées Michel Delahaye, préfacé par Pascale Bodet et Serge Bozon. Un exemple de l’attachement de Capricci pour les grandes plumes théoriciennes de la critique, sans toutefois oublier les auteurs contemporains qui exercent avec brio ce genre pratiquement littéraire, où il s’agit d’user de rhétorique et de finesse. Ainsi, les Piges choisies (de Griffith à Ellroy), nées sous la plume de Luc Moullet, cinéaste qui a publié ses critiques dans une dizaine de magazines consacré au cinéma, sont les preuves de la vitalité de la critique contemporaine. Pourquoi les coiffeurs ? Notes actuelle sur Le Dictateur, essai écrit par Jean Narboni, pose la question suivante : « Encore un essai sur

Le Dictateur ? N’y a-t-il pas, après 70 ans, […] prescription ? » et fournit une réponse convaincante, qui fait de la critique non pas une « réponse » au film, mais un moyen de « déchloroformer », comme disait Robert Bresson, les images du film pour mieux les saisir.

Plusieurs ouvrages de la collection interrogent également la notion, commune à la littérature et au cinéma, de « genre » : Comédie, mode d’emploi, entretiens du réalisateur Judd Apatow avec Emmanuel Burdeau, dresse ainsi les enjeux et les difficultés du cinéma comique, qui peuvent sans aucun doute être rapprochés de ceux que rencontrent la mise en scène et l’écriture théâtrale.

 

Le document écrit, indice d’un cinéma en train de se faire

L’enquête minutieuse des éditions Capricci leur permet de proposer aux lecteurs des textes et des entretiens inédits. Deux scénarios non réalisés ont déjà été publié : le premier est un texte de James Agee, Le Vagabond d’un Nouveau Monde, écrit pour Charlie Chaplin, dans lequel Charlot est le dernier survivant d’un holocauste nucléaire, et le second s’intitule Histoire de Julien et Marguerite. Destiné à François Truffaut, qui en avait fait la demande, le scénario de Jean Gruault, qui s’inspirait d’un fait divers du XVIIème siècle pour évoquer l’amour passionné et incestueux d’un frère et d’une sœur, ne fut jamais porté à l’écran. Les publications de Capricci  constituent souvent de véritables raretés, des documents inédits qui surprendront et séduiront les cinéphiles, à l’image de cet entretien exclusif, le seul disponible en français, avec Werner Herzog, réalisateur d’Aguirre, la colère de Dieu (1972) et de Bad Lieutenant (2009), entre autres.

 

Penser la place du cinéma et son évolution

La série d'ouvrages intitulée Actualité critique, quant à elle, se doit de figurer dans les lectures du parfait cinéphile. Ici, les auteurs s'attachent à commenter le rayonnement d'un auteur, les réactions du public, les avancées technologiques et autres bouleversements qui jallonent l'histoire du cinéma, autant de preuve de mouvements d'idées qui se croisent et s'influencent. Génies de Pixar, d'Hervé Aubron, reprend en détail le parcours du studio et n'hésite pas à imaginer (ce qui donne toute sa force à l'essai) la possibilité d'un cinéma sans humain, qui remettrait en cause tout le schéma habituel de la réalisation. A Werner Schroeter, qui n'avait pas peur de la mort, de Philippe Azoury est une épitaphe en « 74 fragments », pour un cinéaste auteur de 40 films, méconnu mais brillant. La parution prochaine du quatrième ouvrage de la série est significative: le texte est intitulé Réponses à Hadopi. Ecrit par Juan Branco, le livre dresse un diagnostic précis et renseigné du monde de la culture et du cinéma, et propose un regard neuf sur des mesures politiques inadaptées et donc inefficaces. Le regard critique à l'oeuvre, tout simplement.

 

>Accéder au site Internet des éditions Capricci

En savoir plus

Michel Delahaye, A la fortune du beau, Capricci éditions

Luc Moullet, Piges choisies (de Griffith à Ellroy), Capricci éditions

Jean Narboni, Pourquoi les coiffeurs? Notes actuelles sur Le Dictateur, Capricci éditions

Judd Apatow, Entretiens avec Emmanuel Burdeau, Capricci éditions

James Agee, Le Vagabond d'un Nouveau Monde, Capricci éditions

Jean Gruault, Histoire de Julien et Marguerite, Capricci éditions

Werner Herzog, Manuel de survie, Capricci éditions

Juan Branco, Réponses à Hadopi, Capricci éditions


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