«Le dessous des cartes»

Émilie Aubry : «La cartographie représente le monde en mouvement»

Géographique, politique, économique, écologique, culturel... l'enjeu des cartes a de tout temps été multiple. L'Atlas Le Dessous des cartes, le monde mis à nu conçu dans le prolongement de l'émission éponyme par Émilie Aubry et Frank Tétard, est une remarquable synthèse de l'évolution du monde contemporain. Incontournable pour comprendre le monde d'après. Rencontre avec Émilie Aubry, qui nous raconte les coulisses de ces dessous cartographiques.

Géographique, politique, économique, écologique, culturel... l'enjeu des cartes a de tout temps été multiple. Grâce à l'émission Le dessous des cartes, le grand public a découvert à quel point la cartographie est un art de l'immédiat, qui permet de donner une représentation du monde à un moment donné. A l'heure où celui-ci se transforme de manière spectaculaire, le nouvel atlas du Dessous des cartes, conçu par Émilie Aubry et Frank Tétard est une remarquable synthèse de son évolution. Instructif autant que divertissant, car à l'instar de l'émission éponyme, les auteurs savent rendre ces cartes passionnantes. 

Cartes, infographies, photographies, analyses... un atlas très complet et vivant

Dans un format entièrement renouvelé par rapport aux précédentes éditions, cet Atlas mêle cartes, infographies, photographies, regards universitaires et journalistiques. Ses 224 pages décryptent les grandes évolutions de notre époque et nous entraînent, continent par continent, dans 28 destinations qui racontent les bouleversements géopolitiques en cours. Ces 28 destinations fonctionnent comme des clés d'entrée thématiques, dont le choix relève des problématiques essentielles aux enjeux contemporains. Cet Atlas trouve le juste dosage (expert mais pas trop, vivant mais pas trop). Le public le plus large -experts, étudiants, curieux - trouvera ici les informations et décryptages qu'il recherche.

Émilie Aubry répond à nos questions avec la passion qu'elle sait si bien transmettre pendant son émission et qui se retrouve dans cet Atlas. La géographie a décidément trouvé sa meilleure ambassadrice !

Viabooks : Votre Atlas arrive à un tournant historique du monde. Hasard ou coïncidence ?

-Emilie Aubry : Un peu des deux ! Mais on voit bien combien l'approche géopolitique est importante aujourd'hui, si on veut comprendre quelque chose à la nouvelle distribution des cartes, pour faire un jeu de mots ! Nous assistons à la sortie de la pandémie, à la fin de l'ère Trump, à une révolution numérique sans précédent, à un défi écologique, à un déplacement du centre névralgique du monde... Chacun de ces changements intervient dans un contexte de frontières, naturelles ou politiques, qui influe sur leur partition. C'est en cela que l'Atlas en version écrite est un exercice passionnant : il permet de prendre de la hauteur et de comprendre les enjeux en présence. Ceci est plus que jamais essentiel aujourd'hui.

L'Atlas est le prolongement de l'émission Le dessous des cartes produite et diffusée sur Arte dont vous fêtez déjà les 3o ans...

E.A. :  L'émission Le dessous des cartes existe en effet depuis 30 ans. Jusqu'en 2016, cette émission était animée par Jean-Christophe Victor. Je suis arrivée en 2016 et avec mon équipe nous avons fait évoluer l'émission pour lui donner une dimension plus journalistique. Même si notre programme donne toujours la part belle aux cartes, nous nous attachons à définir des thèmes spécifiques, afin de pouvoir nous arrêter sur un angle ou un autre. Nous nous situons ainsi à la lisière entre la géographie et ce que l'on pourrait appeler la géo-actualité. Notre Atlas tient compte de cette évolution avec plus d'illustrations et un élargissement des angles éditoriaux.

La pandémie de Covid 19 aura-t-elle des conséquences géopolitiques ? 

E.A. :  Après cette vitrification du monde, le voici comme mis à nu, comme si chaque État avait vu ses forces et ses faiblesses exacerbées par la pandémie, comme si les tendances en germe – déclin de l'Occident, révolution numérique, tensions entre États démocratiques et États autoritaires – se montraient soudain à découvertAvec Frank Tétart, nous avons voulu porter une réflexion dynamique sur le monde d'avant et tracer la voie de compréhension de celui d'après. Si la pandémie n'a pas créé (pour le moment) de nouveaux axes géopolitiques, elle a exacerbé et amplifié les tendances qui existaient dans le monde d'avant. Le monde se trouve poussé dans ses extrêmes, dans le sens où les forces et faiblesses de chaque Etat sont plus lisibles. A ce moment-là, la dynamique est bouleversée. Et nous pouvons nous attendre à des répercussions géopolitiques.

On a l'impression que l'épidémie a redonné force à la notion de frontières dans un monde qui se vivait comme globalisé ? 

E.A. : En géopolitique, nous sommes obsédés par la géographie ! Il serait illusoire d'oublier que les frontières existent. Certes, nous les avons vues se refermer avec le Covid. En même temps, nous avons réalisé nos interdépendances sanitaires, industrielles et écologiques notamment. Les défis sont donc énormes. Comment concilier cette ligne de différenciation avec les relations et dialogues indispensables ?
J'ai grandi avec les réflexions sur ce qu'on appelait la fin de l'Histoire. Maintenant, on assiste au mouvement inverse. Même si l'économie est mondialisée, la frontière existe bel et bien sur le plan culturel. C'est une ligne psychologique. Et parfois géographique aussi. Lorsqu'une chaîne de montagne enferme un pays, cette frontière définit déjà une ligne de séparation avec son voisin. Que cela plaise ou non. Tout est donc ouvert et fermé. 

Dans votre livre, vous montrez les conséquences d'une décision stratégique comme celle du re-déploiement de la Route de la soie par la Chine...

E.A. : La volonté de redonner vie à l'ancien tracé de la route de la soie a pour conséquence par exemple le dévelopement du ferroviaire. Le train est plus économique et moins polluant que l'avion. Ces nouvelles lignes développent des voies de communication qui vont redessiner les flux d'échanges. La train redevient ainsi un nouvel ejeu géostratégique. Qui l'eût cru ?

Finalement, les cartes représentent un support en perpétuelle mutation ?

E.A. : Les cartes représentent ce que nous voyons. Comme le monde change, les représentations évoluent également. Mais cela va plus loin : ce que nous voyons provient de ce que nous voulons regarder. C'est pourquoi dans une carte, il existe toujours une dimension subjective. Les cartes sont des données en perpétuel mouvement, au grand dam de ceux qui pensent qu'elles ont vocation à figer une image du monde. 

>Le dessous des cartes, Le monde mis à nu par Emilie Aubry et Frank Tétard, Arte-Taillandier, avec plus de 120 cartes et graphiques inédits, 224 pages, 29,90 euros. 

Pour aller plus loin

Visionner une des émissions du Dessous des cartes sur Arte : Géopolitique des réseaux sociaux

En savoir plus

Rencontres avec Emilie Aubry autour du livre
-Jeudi 7 octobre
Rendez-vous de l’Histoire – Blois
Exposition Le Dessous des Cartes
Rencontre Émilie Aubry et Christian Grataloup (géohistorien) suivie de la dédicace de l'atlas sur le stand du libraire qui représente ARTE Editions.

- Mercredi 15 octobre
Première date avec La ligue de l'enseignement dont le dispositif récurrent sera le suivant : Master class d'Émilie Aubry dans un auditorium de la Ligue de l’enseignement en présence de trois ou quatre classes à 15h.
>> Auditorium de la Ligue situé dans le IXe arrondissent au métro Trinité - 130 places 
>> Exposition : "Le monde mis à nu" au sein de l'auditorium du 1er octobre au 6 novembre.

-Début décembre
Avec la Ligue de l'enseignement des Bouches-du-Rhône et en partenariat avec des associations du quartier nord de Marseille dont la Ligue elle-même est partenaire. 

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