Rencontre

Bernard Magnier et les littératures métisses

A l'occasion du festival "Musiques Métisses", Viabooks a rencontré l'une des âmes de cet événement qui fête cette année ses trente neuf printemps: Bernard Magnier.Editeur, journaliste, chroniqueur, il nous livre ses rêves, ses souvenirs et ses projets.


Bernard Magniez, depuis quand suivez vous le festival  "Musiques Métisses"?

Bernard Magnier: Sous l'appellation "littératures métisses" depuis 15 ans. Quant au festival Musiques métisses, il fêtera l'année prochaine ses 40 ans.

Comment définiriez-vous la ligne conductrice de Littératures métisses?

B.M: Nous avons créé Littératures métisses partant de l'hypothèse que sur des milliers de gens qui aiment la musique, il doit bien avoir une proportion de personnes qui est sensible aux livres et aux littératures. Nous souhaitions essayer de convaincre par la littérature.

Parmi vos différentes activités, vous dirigez une collection chez Actes Sud?

B.M: Je dirige depuis dix sept ans la collections Lettres africaines chez Actes Sud. Celle-ci compte une soixantaine d'auteurs d'Afrique sub-saharienne. Parmi ces auteurs, Andrée Brink, Ougola.

 

Quel a été le révélateur qui vous a conduit à vous intéresser à ces littératures et notamment la littérature africaine ?

B.M: Tout simplement les cours à Paris XIII de Maryse Condé qui m'ont fait découvrir Senghor, Césaire, ces écrivains pionniers. C'est à travers ces moments formidables que je suis tombée dans la marmite magique.


Comment faites vous vos choix pour inviter les auteurs à Littératures métisses?

B.M: Depuis quinze ans, j'ai invité 110 auteurs de 60 lieux. Mon choix est avant tout personnel et non dicté par une actualité ou un phénomène.
Il m'importe d'inviter des auteurs qui ont un métissage d'inspiration dont l'oeuvre est portée par des horizons littéraires.
L'élément premier qui me tient à coeur est la qualité de l'oeuvre. Puis, il me semble important de rassembler des auteurs qui ont envie de transmettre par oral. Aussi, je suis sensible aux auteurs qui ont un certain talent pour communiquer, partager, dialoguer.

 

Vos activités vous permettent-elles d'organiser d'autres manifestations au croisement des disciplines?

B.M: Oui, je m'occupe notamment de la programmation du théâtre du Tarmac à Paris. J'organise des rencontres en écho aux auteurs joués. Ainsi, cette saison on peut découvrir Jean Luc Raharimanana, auteur malgache de Rano Rano. Ce spectacle s'inscrit autour de la mémoire de Madagascar en 1947. On pourra voir cette pièce entre le 24 et le 28 juin prochains.

 

Après ces quinze années où vous vous occupez de Littératures Métisses, quelles évolutions constatez-vous? Quels sont vos rêves, vos projets?

B.M: L'évolution majeure me semble être le fait que nous avons réussi à fidéliser un public qui nous fait confiance et qui est dans l'échange. C'est pour moi la plus grande satisfaction. Il me semble que ce qui plaît au public et aux écrivains réside dans les contacts profonds qui se tissent au fur et à mesure des rencontres. Pendant ces trois jours de festival, on vit avec les écrivains, on se retrouve dans un même hôtel. On crée une petite communauté.
A l'issue du festival, il n'est pas rare que les écrivains qui se sont rencontrés s'invitent. Des projets sont nés aux Etats Unis après Angoulême.
En ce qui concerne les rêves que je peux formuler, j'aimerais ne plus avoir à faire la quête, avoir des budgets pérennes et plus de moyens. Les lignes budgétaires du festival s'inscrivent dans le cadre normal des subventions des festivals.

 

En suivant les différentes rencontres, nous avons été frappés par l'art que vous avez à tisser des liens entre les auteurs. C'est un art difficile.

B.M: En effet, j'essaie de créer un patchwork d'écrivains qui prend vie. Si par exemple je me dis que ce serait intéressant et probablement passionnant de faire dialoguer Alain Mabanckou et Maximin sur Aimé Césaire, je veille aussi à faire se rencontrer des auteurs qui ne se sont peut être pas lus mais dont les oeuvres me semblent pouvoir trouver des lieux de correspondances. Prenez par exemple Alain Mabanckou et le colombien Sebastiao Gamboa. Il m'importe de faire un cocktail heureux. Pour le moment après quinze ans de festival, je crois avoir réussi à faire quinze cocktails qui ont fonctionné.
D'autre part, nous tendons toujours à aller à la rencontre des publics. Jeudi, nous sommes allés dans un théâtre. Ce dialogue des disciplines est très important il me semble. Et je suis très heureux de constater que le public est extrêmement mélangé. Un mélange d'une merveilleuse richesse.

 

"Littératures métisses" s'inscrit dans Musiques métisses. Si ces deux disciplines sont deux langages en soi, elles dialoguent en une sorte de magie heureuse. Comment l'expliquez-vous?

B.M: Il me semble que si la littérature et la musique sont deux langages, il n'en demeure pas moins que des passerelles existent. Voyez les interférences entre musique et littérature dans l'oeuvre de Mabanckou. son oeuvre est à approcher en prenant conscience de ce double langage. Voyez comment Black Bazar est un groupe et un roman. De la même manière, voyez comment dans l'oeuvre de Gamboa la musique est présente.

 

Tout au long du festival, une librairie est présente. Quelle est-elle?

B.M: Après avoir été suivis pendant plusieurs années par un libraire d'Angoulême, nous sommes heureux de compter parmi nous la présence d'une librairie indépendante du Gers: la librairie des territoires.

 

Revenons à votre métier d'éditeur, auriez-vous envie de parler d'un livre qui vient ou va sortir chez Actes Sud?

B.M: Avec plaisir. Je parlerai de l'ouvrage de Sefi Atta, auteur de nationalité nigérianne, L'ombre d'une différence et de la sortie cet automne d'un nouveau texte de l'écrivain sud africain Andrée Brink, Philida qui narre l'histoire d'une esclave sud-africaine.

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