Sélection

Nos livres coups de cœur de l'automne

Après notre sélection des «stars» de l'automne et celle plus spécifique des «premiers romans», découvrez notre sélection de nos livres-coups de cœur. Choisis parmi les 490 romans de cette rentrée 2022 (dont 345 livres de littérature française), ils nous ont particulièrement touchés. 

1. Quelque chose à te dire de Carole Fives, Gallimard, 176 pages, 18 euros

Quel sujet ? La toute jeune écrivaine Elsa Feuillet admire l'œuvre de la grande Béatrice Blandy, disparue avant l’heure. Cette femme, dont elle a dévoré tous les ouvrages, incarnait le prestige, la réussite et l'aisance sociale qui lui font défaut. Lorsque Elsa rencontre le veuf de Béatrice, une idylle se noue. Fascinée, elle va peu à peu se glisser dans la vie de sa romancière préférée, et explorer son somptueux appartement parisien - à commencer par le bureau, qui lui est strictement interdit… Jeu de miroirs ou jeu de dupes ?

Pourquoi ce livre ? Carole Fives signe avec Quelque chose à te dire un thriller troublant. L’obsession d’Elsa pour cette femme disparue, et sa quête de retrouvailles, émeut autant qu’elle interroge. Entre la jeune écrivaine manquant d'assurance et la figure de la grande dame des lettres issue de la haute bourgeoisie parisienne, entre la vivante et la morte, Carole Fives écrit un roman sur la fascination et la place de l'imaginaire. Subtil et prenant.

​2. Le soldat désaccordé de Gilles Marchand, Éditions Aux forges de Vulcain, 208 pages, 18 euros

Quel sujet ? Paris, dans les années 20. Un ancien combattant est chargé de retrouver un soldat disparu en 1917. Errant entre les champs de bataille, interrogeant soldats et témoins, il va découvrir au milieu de mille histoires plus incroyables les unes que les autres, la folle histoire d'amour que le jeune homme a vécue au milieu de l'Enfer. Alors que l'enquête progresse, la France se rapproche d'une nouvelle guerre et notre héros se jette à corps perdu dans cette mission désespérée, devenue sa seule source d'espoir dans un monde qui s'effondre.

Pourquoi ce livre ? Avec sa plume toujours sensible, Gilles Marchand conte une histoire émouvante sur la condition humaine face à l’horreur de la guerre. Il poursuit son interrogation sur les blessures de la vie et les "gueules cassées" au sens propre ou au sens figuré. 

 

 

3. L’air était tout en feu de Camille Pascal, Robert Laffont, 352 pages, 22 euros

Quel sujet ? 27 avril 1718. Un incendie ravage le Petit-Pont, menaçant Notre-Dame. Alors qu'à Paris l'air est tout en feu, au château de Sceaux, la duchesse du Maine souffle sur un autre brasier dangereux, celui du complot pour le Régent. Mariée à l'aîné des bâtards de Louis XIV, haute comme trois pommes avec l’orgueil d'une princesse du sang, elle règne sur sa petite cour de beaux esprits comme sur son mari. Soutenue par le prince de Cellamare, ambassadeur du roi d'Espagne, et encouragée par les survivants de la vieille cour du Roi-Soleil, elle va intriguer avec passion. Ainsi, en ce printemps 1718, un vent de fronde se lève sur la France et une véritable course-poursuite pour le pouvoir s'engage entre la duchesse et le Régent.

Pourquoi ce livre ? Une plongée haletante au cœur de la Régence de 1718. À travers les méandres des conspirations politiques, les haines familiales et une galerie de portraits tous plus extravagants les uns que les autres, Camille Pascal fait renaître avec virtuosité le temps enflammé et haletant de la Régence. Son érudition et son habileté à faire revivre ces pages de l'Histoire rendent ce livre aussi passionnant qu'instructif.

4. Ada et Graff de Dany Hericourt, éditions Liana Levi, 288 pages, 21 euros

Quel sujet ? De cette journée, comme de la précédente, Ada n'attend qu'une baignade dans la rivière et un signe de sa fille qui ne viendra pas. Bras et jambe dans le plâtre, Graff n'aurait jamais cru que tout s'interromprait en ces circonstances, qu'il lui faudrait quitter sa famille de cirque en pleine tournée. Pour lui comme pour elle, l'avenir semble être à l'arrêt, et l'horizon barré. La vieille dame anglaise et l'ancien funambule tsigane ignorent que la vie les précipite déjà l'un vers l'autre. Car l'âge n'entame ni l'imagination, ni le désir, ni l'audace. Au jeu des hasards et des retrouvailles, le chambardement approche. Leur aventure, que tous ne voient pas d'un bon œil, pourrait les emporter loin, bousculant au passage bien des existences.

Pourquoi ce livre ? Une rencontre charmante autant qu’improbable, soulignant les hasards  et ouvrant le regard sur la beauté de l’instant présent. Une belle histoire entre deux êtres dont l'âge n'a pas terni l'appétit du monde et la sensualité  de la vie.

5. La vie clandestine de Monica Sabolo, Gallimard, 320 pages, 21 euros

Quel sujet ? "Je tenais mon sujet. Un groupe de jeunes gens assassinent un père de famille pour des raisons idéologiques. J'allais écrire un truc facile et spectaculaire, rien n'était plus éloigné de moi que cette histoire-là. Je le croyais vraiment. Je ne savais pas encore que les années Action directe étaient faites de tout ce qui me constitue : le silence, le secret et l'écho de la violence. "La vie clandestine, c'est celle de Monica Sabolo, élevée dans un milieu bourgeois, à l'ombre d'un père aux activités occultes, disparu sans un mot d'explication. C'est aussi celle des membres du groupe terroriste d'extrême gauche Action directe, objets d'une enquête romanesque qui va conduire la narratrice à revisiter son propre passé.

Pourquoi ce livre ? Comment vivre en ayant commis ou subi l'irréparable ? Que sait-on de ceux que nous croyons connaître ? De l'Italie des Brigades rouges à la France des années 80, où les rêves d'insurrection ont fait place à l’argent et aux paillettes, La vie clandestine explore avec la complexité des êtres, la question de la violence et la possibilité du pardon. Mettre en parallèle la violence du terrorisme et celle de la disparition d'un père est une idée forte.

6. Le dernier des siens, Sybille Grimbert, Anne Carrière, 192 pages, 18,90 euros

Quel sujet ? 11835. Gus, jeune scientifique, est envoyé par le musée d’Histoire naturelle de Lille pour étudier la faune de l’Europe du Nord. Lors de la traversée, il assiste au massacre d’une colonie de grands pingouins et sauve l’un d’eux. Il le ramène chez lui et le nomme Prosp. Sans le savoir, Gus vient de récupérer le dernier spécimen sur Terre de l’espèce. Une relation bouleversante s’instaure entre l’homme et l’oiseau. La curiosité du chercheur et la méfiance du pingouin vont bientôt se muer en un attachement profond.

Pourquoi ce livre ? À l’heure de la sixième extinction, Sibylle Grimbert convoque un duo inoubliable et réussit le tour de force de créer un personnage animal crédible, avec son intériorité, ses émotions, son intelligence, sans verser dans l’anthropomorphisme ou la fable. Le Dernier des siens est hanté par une question aussi intime que métaphysique : que veut dire aimer ce qui ne sera plus jamais ? Un livre qui place la perspective de la condition animale sous l'angle du lien. Ce roman figure dans la 1e sélection du Prix Renaudot.

7. Sous l’aile du lion de Céline Debayle, Arléa, 125 pages, 17 euros

Quel sujet ? Violette a la passion de Venise. Après la perte tragique de sa sœur et la trahison de son grand amour, c'est vers elle qu'elle se tourne pour son secours. Car Blanche est morte. Elle s'est jetée par la fenêtre de son cinquième étage, croyant plonger dans la mer, laissant Violette et sa mère, seules face à l'inimaginable, à l'indicible. Elles sont trois. La mère et ses deux filles, mais on aurait pu dire les deux sœurs et leur mère. Elles ont toutes les trois des prénoms de couleur : Rose, Blanche, Violette. Et ce n'est pas anodin, la couleur est partout. Le noir funéraire des gondoles, le bleu insoutenable d'un ciel pour lequel on peut mourir, le rose décliné dans toutes ses nuances sur les toiles de la Renaissance italienne. Venise et ses palais, ses églises, ses canaux, Venise dans toute sa beauté.

Pourquoi ce livre ? Sous l'aile du lion est un roman incandescent sur le retour à la vie après l'effacement brutal de la lumière et de la joie. Il parle aussi de l'amour entre une mère et ses filles, des deuils, et de la rédemption par la Beauté. Signalons aussi la délicatesse du style de l'auteure.

8. Consolée de Beata Umubyeyi-Mairesse, Autrement, 368 pages, 21 euros

Quel sujet ? 1954. Au Rwanda, sous tutelle belge, Consolée, fille d'un Blanc et d'une Rwandaise, est retirée à sa famille noire et placée dans une institution pour "enfants mulâtres". Soixante-cinq ans plus tard, Ramata, quinquagénaire d'origine sénégalaise, effectue un stage d'art-thérapie dans un ehpad du Sud-Ouest de la France. Elle y rencontre madame Astrida, une vieille femme métisse atteinte d'Alzheimer qui perd l'usage du français et s'exprime dans une langue inconnue. En tentant de reconstituer la vie de cette femme, Ramata va se retrouver confrontée à son propre destin familial et aux difficultés d'être noire aujourd'hui.

Pourquoi ce livre ? Histoire d'une réparation symbolique et d'une langue retrouvée, Consolée est un roman poétique, bouleversant, qui met en résonance le passé colonial et la condition des enfants d'immigrés. Un récit qui pose aussi la question du métissage et de sa compréhension dans chaque société.

9. Jouissance d'Ali Zamir, Éditions Le Tripode, 234 pages, 17 euros

Quel sujet ? C’est l'histoire d'un roman qui raconte sa vie malchanceuse, les déboires qu'il rencontre lecteur après lecteur. Malmené par les travers de ses maîtres, ce roman grand-guignol raconte jusqu'au grotesque la comédie humaine, avec une verve dont on ne voit pas l'équivalent dans la littérature francophone contemporaine. C'est l'histoire d'un roman qui se raconte lui-même, qui n'a pas de chance, d'un roman témoin d’un complice d'une arnaque sur un millionnaire, confesseur d'un fait divers digne du Nouveau Détective, victime collatérale d'un remake improbable de Shining... Accumulant les propriétaires, jeté de poubelle en poubelle, spectateur involontaire des actes les plus hilarants comme des plus cruels, des plus vertueux comme des plus tordus, il nous raconte la malice, le désir et la folie qui habitent chacun de ses lecteurs.

Pourquoi ce livre ? Dans une langue tempétueuse et d'une verve insatiable, Ali Zamir rend ici hommage au Grand Guignol, tradition théâtrale inspirée des faits divers. Un livre réjouissant qui crépite comme un feu d'artifice.

10. Un enfant sans histoire de Minh Tran Huy, 208 pages, 21,50 euros

Quel sujet ? Les formes graves de l’autisme se heurtent en France à l’absence de soins adéquats et à la rareté des structures d’accueil comme à la désinvolture des engagements électoraux. Racontée en écho au parcours de la “miraculée” américaine Temple Grandin, la vie quotidienne de/avec Paul requiert l’énergie d’un combat sans fin.

Pourquoi ce livre ? Récit ? Roman ? Témoignage ? Aucun genre ne saurait définir l’histoire d’un fils qui jamais ne saura la lire. L'auteure écrit un livre qui interroge, regarde, raconte. Quand il n'y a pas de mots, il y a l'écriture. C'est ce que nous livre Minh Tran Huy dans un texte qui fera date sur le sujet. Son livre fait partie de la 1e sélection du Prix Renaudot, dans la catégorie Essais.

  

 

 

 

11. Sous les feux d’artifice de Gwenaële Robert, Le Cherche Midi, 256 pages, 20,90 euros

Quel sujet ? Lorsqu'un navire yankee entre en rade de Cherbourg un matin de juin 1864 pour provoquer l'Alabama, barque confédérée que la guerre de Sécession condamne à errer loin des côtes américaines, les Français n'en croient pas leurs yeux. Au même moment, Charlotte de Habsbourg, fraîchement couronnée impératrice du Mexique, découvre un pays à feu et à sang. Le monde tremble. Mais le bruit des guerres du Nouveau Continent ne doit pas empêcher la France de s'amuser. Encore moins de s'enrichir. Théodore Coupet, journaliste parisien, l'a bien compris. Envoyé à Cherbourg pour couvrir l'inauguration du casino, il rencontre Mathilde des Ramures, dont le mari s'est ruiné au jeu avant de partir combattre au Mexique. Ensemble, ils décident de transformer la bataille navale en un gigantesque pari dont ils seront les bénéficiaires. À condition d'être les seuls à en connaître le vainqueur...

Pourquoi ce livre ? Des feux d'artifice éclatent de chaque côté de l'Atlantique. Dans le ciel de Mexico comme dans celui de Cherbourg, ils couvrent les craquements d'un vieux monde qui se fissure et menace d'engloutir dans sa chute ceux qui l'ont cru éternel. Gwenaëlle Robert écrit avec précision et souffle. Passionnant.

12. Ce que nous désirons le plus de Caroline Laurent, Les Escales, 208 pages, 20 euros

Quel sujet ? « Que désires-tu ? » Écrire est la réponse que je donne à une question qu'on ne me pose pas. Un jour une amie meurt, et en mourant elle me fait naître à moi-même. Ce qui nous unit : un livre. Son dernier roman, mon premier roman, enlacés dans un seul volume. Une si belle histoire. Cinq ans plus tard, le sol se dérobe sous mes pieds à la lecture d'un autre livre, qui brise le silence d'une famille incestueuse. Mon cœur se fige ; je ne respire plus. Ces êtres que j'aimais, et qui m'aimaient, n'étaient donc pas ceux que je croyais ? Je n'étais pas la victime de ce drame. Pourtant une douleur inconnue creusait un trou en moi. Pendant un an, j'ai lutté contre le chagrin et la folie. Je pensais avoir tout perdu : ma joie, mes repères, ma confiance, mon désir. Écrire était impossible. C'était oublier les consolations profondes. Mais la beauté du monde, le corps en mouvement manquent. Alors, s'accrocher vaille que vaille. Un matin, l'écriture reviendra.

Pourquoi ce livre ? Une bouleversante histoire sur une guérison, pas à pas, et la réouverture aux beautés de la vie à travers l’écriture. Un cheminement et une ode à la consolation.

13. Clara lit Proust de Stéphane Carlier, Gallimard, 192 pages, 18,50 euros

Quel sujet ? "Proust. Avant, ce nom mythique était pour elle comme celui de certaines villes - Capri, Saint-Pétersbourg... - où il était entendu qu'elle ne mettrait jamais les pieds." Clara est coiffeuse dans une petite ville de Saône-et-Loire. Son quotidien, c'est une patronne mélancolique, un copain beau comme un prince, un chat qui ne se laisse jamais caresser. Le temps passe au rythme des histoires du salon et des tubes diffusés par Radio Nostalgie, jusqu'au jour où Clara rencontre l'homme qui va changer sa vie : Marcel Proust.

Pourquoi ce livre ? Proust rêvait d'être un romancier de gare. Il est devenu universel. Tendre, ironique et attachant, ce récit d’une émancipation est aussi un formidable hommage au pouvoir des livres. Ainsi qu'un hommage à celui dont les lectures sont infinies. Clara lit Proust est le huitième roman de Stéphane Carlier, auteur notamment du Chien de Madame Halberstadt (le Tripode, 2019).


14. Tibi la blanche d' Hadrien Bels, L'Iconoclaste, 246 pages, 20 euros

Quel sujet ? A Thiaroye, un quartier proche de Dakar, trois amis passent le bac. Issa a toujours l'air de savoir où il va quand il marche. Il a passé les épreuves avec un Bic. Il aime les ragots de quartier et sa machine à coudre. Il sera styliste, c'est sûr. Neurone a le cerveau bien huilé, c'est une bête à concours. Il déteste les costumes-cravates, ceux qui font la sieste dans les hémicycles les mains croisées sur leurs ventres bien remplis. Lui, il n'aime que Tibilé. Tibilé, on l'appelle Tibi la Toubab, Tibi la Blanche ou Tibi la Française, car tout le monde sait qu'elle va partir en France. Elle est la plus intelligente de mes enfants, répète son père. Dans une semaine, les résultats du bac vont les percuter. La vie court trop vite, il faut la croquer.

Pourquoi ce livre ? Hadrien Bels raconte le Dakar d'aujourd'hui, sa seconde ville de cœur, avec son humour, son sens du détail juste et ses mots inspirés par la langue de la rue. Une lecture enthousiasmante.

15. On était des loups de Sandrine Collette, JC Lattès, 208 pages, 19,90 euros

Quel sujet ? Ce soir-là, quand Liam rentre des forêts montagneuses où il est parti chasser, il devine qu’il s’est passé quelque chose. Son petit garçon de cinq ans, Aru, ne l’attend pas devant la maison comme d’habitude. Dans la cour, il découvre les empreintes d’un ours. À côté, sous le corps mort de sa femme, il trouve son fils. Vivant. Au milieu de son existence qui s’effondre, Liam a une certitude. Ce monde sauvage n’est pas fait pour un enfant. Décidé à confier son fils à d’autres pour sa sécurité, il prépare un long voyage à cheval. Mais dans ces profondeurs, nul ne sait ce qui peut advenir. Encore moins un homme fou de rage et de douleur accompagné d’un enfant terrifié.
 

Pourquoi ce livre ? Dans la lignée de Et toujours les Forêts, Sandrine Collette plonge son lecteur au sein d’une nature aussi écrasante qu’indifférente à l’humain. Un livre qui se lit autant qu'il se "regarde" par l'imagination, comme un film. Oui la nature est immense. Oui la vie est cruelle. Avec ce décor sublime en fond, Sandrine Collette interroge l’instinct paternel et le prix d’une possible renaissance.

16. Notre si chère vieille dame auteur de Anne Serre, Mercure de France, 128 pages, 14 euros

Quel sujet ? Une vieille femme écrivain, mourante, laisse un manuscrit inédit et désordonné aux pages manquantes. Venus pour la filmer, un réalisateur, un cameraman et une scripte vont s'acharner à le reconstituer. Mais la vieille dame auteur n'est pas seule : il y a auprès d'elle la jeune femme qu'elle fut, un étrange personnage qui fut son père, un garçon à bonnet rouge qui fut son compagnon d'été, un certain Hans qui ne prononce jamais qu'une seule phrase...

Pourquoi ce livre ? À son habitude, Anne Serre livre ici un roman plein de chausse-trappes, aux allures de conte, sur l'enfance mystérieuse et l'écriture à l'œuvre. Chez elle, comme le disait W.G. Sebald de Robert Walser : "Le narrateur ne sait jamais très bien s'il se trouve au milieu de la rue ou au milieu d'une phrase." Alors, le lecteur virevolte de mots en phrases, de paragraphes en chapitres. Et c'est un vrai bonheur.

17. Le salon de Oscar Lalo, Plon, 145 pages, 18 euros

Quel sujet ? " Vous connaissez une personne, vous, qui a lu La Tentation de saint Antoine ? "
Le malentendu commence devant le bac à un euro d'une librairie de quartier. Le narrateur de cette histoire ne saurait expliquer pourquoi ce livre l'appelle, mais il tend une pièce au libraire pour que Gustave Flaubert ne fasse plus le trottoir. Le malentendu se poursuit chez un styliste visagiste où notre héros, à la faveur d'un mauvais coup de tondeuse, se retrouve dans l'obligation de rembourser une dette colossale. Sans un sou dans le portefeuille, mais persuadé du trésor que contient son livre de poche, il propose de faire salon littéraire dans ledit salon de coiffure.

Pourquoi ce livre ? Le Salon est l'histoire inclassable et enchanteresse d'un éveil à la vie par le biais de la littérature, sur fond de relation triangulaire entre un coiffeur autodidacte, un libraire au grand cœur, et un adolescent... de trente-neuf ans. Un livre qui fait du bien et qui donne envie de lire !

18. La Treizième heure de Emmanuelle Bayamack-Tam, POL, 512 pages, 23 euros

Quel sujet ? Farah a toujours connu L’Église de la Treizième Heure pour la bonne raison que son père en est le fondateur. Elle vit en communauté dans cette Église un peu spéciale : féministe, queer, animaliste. La Treizième Heure, c’est aussi l’heure de la révélation, du triomphe des pauvres, des dominés, des humiliés. Les membres de la communauté l’espèrent, angoissés devant les menaces qui pèsent sur la planète : épidémies, guerres, réchauffement climatique… Quand sonnera la Treizième Heure, qui est aussi l'heure de nous-mêmes, elle nous trouvera bien éveillés, tous nos sens en alerte, absolument prêts pour le triomphe de l'amour.

Pourquoi ce livre ? La Treizième Heure est un roman millénariste ultra-contemporain, inspiré par les grandes peurs actuelles: les bouleversements d’identité et de genre, les angoisses de fin du monde... Espérer un monde meilleur et un ordre social plus juste, penser un autre avenir pour l'Humanité... et si tout prenait sens aujourd'hui ?

19. Vivance de David Lopez, Seuil, 288 pages, 19,50 euros

Quel sujet ? Une mauvaise herbe, entre deux plaques de bitume. Le soleil chauffant le visage. Une voiture brûlée dans un décor intact. Une maison en cours de rénovation. Le lit d’une rivière redessinant ses contours. Viser une cible en plein centre. Viser une cible, à côté. Marcher dans le ruisseau. S’entendre raconter une vie qui n’est pas la sienne. Prendre une photo qui ne parlera qu’à soi. Attendre. Déblayer un chemin. Trouver une clairière. S’asseoir. Choisir sa route. Faire la course. Distinguer les couleurs. Trouver belle une personne. Le lui dire. S’installer près de l’eau. Écouter des histoires. Prendre le visage des autres. Se glisser dans leur peau. 

Pourquoi ce livre ? David Lopez écrit comme coule le torrent. Poétiquement, et énergiquement. Avec son nouveau livre, décollage pour le monde des instants et des contemplations. Il ne faut pas chercher à raisonner mais se laisser porter par les mots.  

20. Nous nous aimions de Kéthévane Davrichewy, Sabine Wespieser, 152 pages, 19 euros

Quel sujet ? Dans les années 1980, tous les étés, la scène se rejoue à l'aéroport de Moscou, escale au retour des vacances en Géorgie : les douanières fouillent les valises, terrorisent les filles et menacent leur mère, Daredjane, de ne pas la laisser repartir à Paris, lui rappelant qu'ici, elle est toujours soviétique. Mais Daredjane tient à ce que Kessané et sa sœur gardent un lien avec leurs grands-parents et avec son pays natal, qu'elle a quitté pour s'installer en France. La mort du père a fait voler en éclats l'harmonie passée, les sœurs, si proches, se sont éloignées l'une de l'autre. Tout était si simple avant, et si romanesque...

Pourquoi ce livre ? Elucidant les raisons de ce désamour à la clarté des souvenirs heureux, la romancière excelle à suggérer les failles, à scruter les dissonances et surtout les silences. Comme autant d'ondes de choc, les drames de leur pays d'origine viennent se mêler au drame intime que vivent ces trois femmes désormais confrontées à leur solitude. Nous nous aimions est un très beau roman sur l'empreinte ineffaçable de l'enfance. Et sur la mémoire.

21.Un miracle de Victoria Mas, Éditions Albin Michel, 224 pages, 19,90 euros

Quel sujet ? Sœur Anne, petite religieuse chez les Filles de la Charité, reçoit d'une de ses condisciples une prophétie : la Vierge va lui apparaître, en Bretagne. Envoyée en mission sur une île du Finistère Nord balayée par les vents, elle y apprend qu'un adolescent affirme avoir eu une vision. Mais lorsqu'il dit « je vois », les autres entendent : « J'ai vu la Vierge. » Face à cet événement que nul ne peut prouver, c'est toute une région qui s'en trouve bouleversée. Les relations entre les êtres sont chamboulées et chacun est contraint de revoir profondément son rapport au monde, tandis que sur l'île, les tempêtes, les marées, la végétation brûlée par le sel et le soleil semblent annoncer un drame inévitable.

 Pourquoi ce livre ? Une prophétie. Une île du Finistère Nord. Les visions d'un adolescent fragile. Et, au-delà de tout, jusqu'à la folie, le désir de croire en l'invisible. Victoria Mas qui avait été remarquée avec Le bal des folles, explore encore le monde de l'invisible avec son talent d'écrire à petite touches et de décrire une émotion ou un lieu comme si elle l'effleurait. 

22. Quand tu écouteras cette chanson de Lola Lafon, Stock, 180 pages, 19,50 euros

Quel sujet ?  Lola Lafon explque elle-même le thème de son livre : « Le 18 août 2021, j’ai passé la nuit au Musée Anne Frank, dans l’Annexe. Anne Frank, que tout le monde connaît tellement qu’il n’en sait pas grand-chose. Comment l’appeler, son célèbre journal, que tous les écoliers ont lu et dont aucun adulte ne se souvient vraiment. Est-ce un témoignage, un testament, une œuvre ? Celle d’une jeune fille, qui n’aura pour tout voyage qu’un escalier à monter et à descendre, moins d’une quarantaine de mètres carrés à arpenter, sept cent soixante jours durant. La nuit, je l’imaginais semblable à un recueillement, à un silence. J’imaginais la nuit propice à accueillir l’absence d’Anne Frank. Mais je me suis trompée. La nuit s’est habitée, éclairée de reflets ; au cœur de l’Annexe, une urgence se tenait tapie encore, à retrouver » 

Pourquoi ce livre ? Hommage émouvant à la jeune Anne Frank, Quand tu écouteras cette chanson captive autant qu’il instruit. Un livre marquant qui trouve un ton juste, non seulement pour évoquer le destin tragique de cette jeune fille, mais aussi pour prendre la mesure de son "héritage". Anne Franck est encore bien vivante parmi nous. Lola Lafon nous en persuade.

23. La printanière de Michel Quint, Serge Safran éditeur, 208 pages, 18,90 euros

Quel sujet ? Lille. Juin 2019. Lors d'une manifestation de gilets jaunes, Étienne Vancauwenberghe, célibataire, la cinquantaine, prof en rupture de l'Éducation nationale donnant des cours à domicile, est agressé par un cagoulé, mais une jeune femme très habile de ses poings le sauve. Avant qu'il ait pu la remercier, elle a disparu. À sa dextérité et ses chaussures de ring, Étienne a bien vu qu'elle était boxeuse. Il décide ainsi de retrouver celle qu'il appelle désormais sa Printanière dans les clubs de Lille et de la région. Au Ring lillois, il rencontre Simone, mère adoptive de Mado, cette Printanière. Jeune femme boxeuse en effet, mais tourmentée par l'ignorance de sa mère biologique et de sa naissance. Dès lors, avec Simone, Étienne part à la recherche de Mado, et va aller ainsi au-devant d'une aventure qui le renvoie vers son passé.

Pourquoi ce livre ? Un roman plein de nostalgie et tendresse, tout en délicatesse et poésie. Une jolie promenade sur fond de région du Nord par l'auteur d'Effroyables jardins. Le livre fait partie de la 1e sélection du prix Renaudot.

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