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Les stars de la rentrée littéraire

Virginie Despentes a ouvert le bal de cette rentrée littéraire 2022 avec son livre au titre provocateur : Cher connard (Grasset). Amélie Nothomb, toujours fidèle au rendez-vous de septembre, poursuit son exploration familiale avec son livre des sœurs (Albin Michel). Laurent Gaudé, Alain Mabanckou, Gaëlle Josse, Olivier Adam, Simon Liberati, Muriel Barbery... tous  font partie des beaux rendez-vous de cet automne. Famille, exils, mémoire, identité, dépaysement, destins de femmes sont des thèmes forts, retrouvés dans plusieurs récits. Découvrez les livres des "stars" qui seront sous les feux des librairies.

Les stars de la rentrée Les stars de la rentrée

1. Virginie Despentes, Cher connard, Grasset, 352 pages, 22 euros

Quel sujet ? Dans ce roman épistolaire, Oscar, un écrivain à succès échange avec Rebecca, une actrice célèbre qui l’accuse de harcèlement envers Zoé, la victime. Cette correspondance aux débuts impulsifs et torrentiels met scène un réel débat autour des thèmes du féminisme, du patriarcat, des réseaux sociaux et de leurs impacts. Malgré l'apaisement de la communication entre l’actrice et l’écrivain et les nombreuses excuses d’Oscar, ce harcèlement reste une grande peine pour Zoé qui choisit aussi de s'exprimer à travers l’écriture de lettres.

Pourquoi ce livre marque la rentrée ? Un livre mordant, qui bouscule les idées reçues. Comme à son habitude Virginie Despentes déconstruit les normes avec pertinence et impertinence. On retrouve son sens de la provocation, mais aussi sa volonté de "dire" la réalité. Les grands thèmes actuels sont abordés, en résonance avec l'actualité. Certains trouveront peut-être que la forme épistolaire rend le texte un peu dogmatique, mais nul ne pourra rester indifférent.

2. Ismail Kadaré, L’hiver de la grande solitude, Zulma, 720 pages, 12,50 euros

Quel sujet ? Besnik est journaliste à Tirana, et va se marier bientôt avec Zana. À l’approche de la conférence internationale des partis communistes, la délégation albanaise fait appel à lui comme interprète et l’embarque pour Moscou. Sur place, une incroyable rumeur laisse filtrer que l’Albanie, pour faire face à la pénurie qui s’annonce, aurait passé une commande de blé exorbitante à la France – et non à l’URSS, le grand frère habituellement protecteur. Khrouchtchev leur couperait les vivres, juste avant l’hiver ? Tenu au secret, Besnik s’enferme à son retour dans un mutisme et un silence ravageurs. Pourtant la vie continue autour de lui, pour les cadres du parti, pour Nurihan la bourgeoise dépossédée de ses biens, pour Ben le balayeur de rue, pour Zana qui ne le comprend plus. Les voix se mêlent pour raconter ce long hiver, face à la solitude impénétrable de Besnik. Comme si avoir flirté avec le pouvoir et la raison d’État lui interdisait désormais toute existence. Jusqu’à renoncer à son amour pour Zana ?

Pourquoi ce livre marque la rentrée ? Réaliste, passionné et saisissant, L’Hiver de la grande solitude est le grand roman de la rupture entre le géant soviétique et la dictature albanaise qui osa émettre une voix discordante. Ismail Kadaré dont les ouvrages sont traduits dans plus de quarante langues et qui est considéré comme l’un des plus grands écrivains européens contemporains, compose une véritable symphonie mêlant aux trajectoires individuelles le vent de la grande Histoire. La triste actualité de la guerre russo-ukrainienne apporte une densité particulière à ce grand roman.

3. Laurent Gaudé, Chien 51, Actes Sud, 304 pages, 22 euros

Quel sujet ? C’est dans une salle sombre, au troisième étage d’une boîte de nuit fréquentée du quartier RedQ, que Zem Sparak passe la plupart de ses nuits. Là, grâce aux visions que lui procure la technologie Okios, aussi addictive que l’opium, il peut enfin retrouver l’Athènes de sa jeunesse. Mais il y a bien longtemps que son pays n’existe plus. Désormais expatrié, Zem n’est plus qu’un vulgaire “chien”, un policier déclassé fouillant la zone 3 de Magnapole sous les pluies acides et la chaleur écrasante.
Un matin, dans ce quartier abandonné à sa misère, un corps retrouvé ouvert le long du sternum va rompre le renoncement dans lequel Zem s’est depuis longtemps retranché. Placé sous la tutelle d’une ambitieuse inspectrice de la zone 2, il se lance dans une longue investi­gation. Quelque part, il le sait, une vérité subsiste. Mais partout, chez GoldTex, puissant consortium qui assujettit les pays en faillite, règnent le cynisme et la violence. Pourtant, bien avant que tout ne meure, Zem a connu en Grèce l’urgence de la révolte et l’espérance d’un avenir sans compromis. Il a aimé. Et trahit.
Sous les cieux en furie d’une mégalopole privatisée, Chien 51 se fait l’écho de notre monde inquiétant, à la fois menaçant et menacé. Mais ce roman abrite aussi le souvenir ardent de ce qui fut, à transmettre pour demain, comme un dernier rempart à notre postmodernité.

Pourquoi ce livre marque la rentrée ? Un mélange de science-fiction et de roman policier, dans les décors d’une véritable dystopie, l’œuvre de Laurent Gaudé emporte ses lecteurs dans un monde inquiétant. On y retrouve les préoccupations du monde actuel : lutte des classes, urgence climatique, société capitaliste… Un livre puissant qui fait réfléchir sur l’avenir de la société telle que nous la connaissons.

4. Alain Mabanckou, Le commerce des allongés, Seuil, 304 pages, 19,50 euros

Quel sujet ? Liwa Ekimakingaï a vécu toute sa vie chez sa grand-mère, Mâ Lembé, car sa mère, Albertine, est morte en lui donnant la vie. Il est employé comme cuisinier à l’hôtel Victory Palace de Pointe-Noire. Et il attend de rencontrer l’amour. Un soir de 15 août où l’on fête l’indépendance du pays, il réunit ses plus beaux atours pour aller en boîte. Au bord de la piste de danse, la belle Adeline semble inatteignable. Pourtant, elle accepte ses avances, sans toutefois se compromettre. Elle signera sa fin… Le roman est une remontée dans la vie et les dernières heures du jeune homme, qui assiste à sa propre veillée funèbre de quatre jours et à son enterrement. Aussitôt enseveli, il ressort de sa tombe. Pour se venger ?

Pourquoi ce livre marque la rentrée ? Dans ce grand roman social, politique et visionnaire, la lutte des classes se poursuit jusque dans le royaume des morts, où ceux-ci sont d’ailleurs étrangement vivants. La langue d'Alain Mabanckou se fait toujours aussi envoûtante... et trépidante !

5. Amélie Nothomb, Le livre des sœurs, Albin Michel, 198 pages, 18,90 euros

Quel sujet ? Tristane naît de l’amour fusionnel de ses deux parents. Toutefois, cet amour ne laisserait pas de place pour Tristane dans la famille, car ses parents privilégient l’amour de leur couple, plutôt que celui maternel ou paternel. Durant son enfance, Tristane reste discrète, seule et effacée. C’est par la naissance de sa sœur, Laetitia, qu’elle va pouvoir créer un véritable lien familial. Elle sera comme une mère pour Laetitia. Une union très forte va unir ces deux sœurs.

Pourquoi ce livre marque la rentrée ? Fidèle à son rendez-vous de rentrée, Amélie Nothomb nous livre une œuvre écrite sous forme de conte qui évoque des thèmes qui lui sont chers : l’enfance et l’amour fraternel. Après avoir évoqué son père, c'est à sa sœur, que l'auteure se consacre. Elle scrute les mystères de ce lien si fort et si mystérieux. Un lien de l'enfance et de l'éternité.  Le roman d'Amélie Nothomb est rempli de tendresse et d'émotion. 
 

6. Hubert Haddad, L’invention du diable, Zulma, 320 pages, 21,70 euros

Quel sujet ? Papillon de Lasphrise s’est retiré dans sa tour d’ivoire angevine. Après une existence dédiée à l’amour et à la guerre, le voilà tout entier habité par le démon de l’écriture. Au soir de sa vie, il pactise avec le diable : tant que ses Poésies n’auront pas accédé à la postérité, il ne connaîtra pas le repos éternel. L’immortalité sera sa malédiction. Emporté dans une aventure aux multiples péripéties, Papillon traverse les époques, se fourvoie chez les Précieuses ridicules, est embastillé avec le Marquis de Sade, croise Napoléon au pied de sa propre statue, survit à la Commune, et échappe de peu à la Gestapo. Voyant disparaître l’une après l’autre ses compagnes comme autant de feux follets, il se découvre amoureux d’une seule et même femme, idéale, avec l’espoir toujours de la retrouver.

Pourquoi ce livre marque la rentrée ? Ce livre d’Hubbert Haddad, en plus d’être un véritable voyage dans le temps et dans la littérature, nous transporte aussi dans un univers fantastique : immortalité, pacte avec le diable… Un livre très enrichissant pour les plus érudits, par sa richesse lexicale et le savoir qu’il contient sur l’histoire littéraire française. Et enchanteur pour les néophytes qui découvriront le bonheur des Lettres.

7. Gaëlle Josse, La nuit des pères, Notabilia, 192 pages, 16 euros

Quel sujet ? Appelée par son frère Olivier, Isabelle rejoint le village des Alpes où ils sont nés. La santé de leur père, ancien guide de montagne, décline, il entre dans les brumes de l’oubli. Après de longues années d'absence, elle appréhende ce retour. C’est l'ultime possibilité, peut-être, de comprendre qui était ce père si destructeur, si difficile à aimer. Entre eux trois, pendant quelques jours, l'histoire familiale va se nouer et se dénouer. Sur eux, comme le vol des aigles au-dessus des sommets que ce père aimait par-dessus tout, plane l’ombre de la grande Histoire, du poison qu’elle infuse dans le sang par-delà les générations murées dans le silence. Les voix de cette famille meurtrie se succèdent pour dire l’ambivalence des sentiments filiaux et les violences invisibles, ces déchirures qui poursuivent un homme jusqu'à son crépuscule.

Pourquoi ce livre marque la rentrée ? Avec ce texte à vif, Gaëlle Josse nous livre un roman d'une grande intensité, qui interroge nos choix, nos fragilités, et le cours de nos vies. Elle dresse un magnifique portrait de ce père qu'elle n'a jamais compris. Petit à petit, au sein de la nuit de l'oubli qui emporte cet homme, la narratrice retrouve, elle, sa propre lumière. 

8. Olivier Adam, Dessous les roses, Flammarion, 224 pages, 21 euros

Quel sujet ? Claire et Antoine, frère et sœur, se retrouvent dans la maison familiale pour l'enterrement de leur père. Paul, l'aîné de la fratrie, réalisateur et dramaturge, se fait attendre. Ses relations avec la famille ne sont pas au mieux. Il était fâché depuis quelques années avec son père, qui lui reprochait, comme Antoine, d'utiliser et de falsifier l'histoire familiale, pour nourrir ses films ou ses pièces…

Pourquoi ce livre marque la rentrée ? Avec ce nouveau roman, Olivier Adam revient sur ses thèmes de prédilection : la banlieue, la classe moyenne, la vie en pavillon, le deuil, l'ambition, le cinéma, la honte des origines, et surtout, la famille. Il aborde ici la question sous l'angle du récit familial, qui diverge d'un membre à l'autre, selon les perceptions de chacun, en fonction de sa place dans la fratrie, souvent très singulière. Une mise en abyme des fictions intimes de chacun. Et des dissonances entre ceux dont les "versions" divergent.

 

9. Leonora Miano, Stardust, Grasset, 220 pages, 18,50 euros

Quel sujet ? «Lasse de l’errance en couple, elle avait préféré se débrouiller seule. Impossible de rester auprès d’un garçon qui ne parvenait pas à devenir un homme. En une fraction de seconde, elle avait décidé de sauter sans filet. C’était le seul moyen d’empêcher la haine de s’installer là où il n’y avait déjà plus de respect. Elle avait emmené Bliss, serrant contre son cœur la plus belle part de lui. Alors qu’un soleil pâle s’apprêtait à trouer les nuages, Louise avait dit  : Je pars avec la petite. Pas un mot de plus.» 
Écrit il y a plus de vingt ans, ce roman relate la période au cours de laquelle, Léonora Miano, jeune mère de 23 ans sans domicile ni titre de séjour, fut accueillie avec sa fille dans un centre de réinsertion et d’hébergement  d’urgence du 19e arrondissement de Paris. C’est en fréquentant la rudesse de ses marges qu’elle a le plus intimement connu la France…

Pourquoi ce livre marque la rentrée ? Un livre poignant et bouleversant qui témoigne de manière romancée du passage de Léonora Miano dans les centre de réinsertion et d’hébergement d’urgence. Ce roman révèle le quotidien de ces nombreuses mères en situation d’extrême précarité. Mais aussi annonce la puissance de l'écriture et la maîtrise d'une langue chantée avec poésie même quand le monde se fait brutal.
>Lire l'interview de Léonora Miano dans Viabooks

10. Jean Rolin, La traversée de Bondoufle, POL, 199 pages, 19 euros

Quel sujet ? « Lorsque Dieu a créé le lapin, s'attendait-il à ce qu'on le retrouve si nombreux, de nos jours, à Aulnay-sous-Bois ». Première phrase de ce roman d'exploration et d'observation du monde. Il y a donc encore, en périphérie de nos villes, une vie sauvage et champêtre. Zone floue entre urbanisme, cultures agricoles et espaces sauvages ou à l'abandon. C'est une odyssée secrète, celle d'un monde invisible entre les rocades, les chantiers, les zones pavillonnaires et industrielles. Avec des bois, des chemins creux, des champs, des cours d'eau. Tout peut devenir épreuve, comme rejoindre à pied et à travers champs la Patte d'Oie de Gonesse, au sortir de la « zone d'activités » de Paris-Nord 2. L'absurdité de cet univers contemporain prend des allures comiques et désespérées. On parcourt des espaces fracassés, on pénètre dans « le monde d'à côté », que nous ne voyons plus depuis des décennies. L'humanité elle-même semble disparaître dans l'incertitude de ces paysages défaits.

Pourquoi ce livre marque la rentrée ? On retrouve dans ce livre la parfaite combinaison entre le sens d’observation du monde de Jean Rolin et son maniement de la plume. Une fois encore, l’auteur nous fait voyager et sait donner à cette France oubliée l’éclat qu’elle mérite. Une traversée si loin, si proche.

11. Simon Liberati , Performance, Grasset, 252 pages, 20 euros

Quel sujet ? Victime d’un AVC, un romancier de 71 ans est en panne, tétanisé, incapable d’écrire une ligne. La commande d’une mini-série sur les Rolling Stones par des producteurs en vue est un miracle inespéré. Il accepte sans hésiter, lui qui méprise les biopics, le milieu du cinéma et les inusables clichés sur les années pop. Voilà l’apprenti scénariste lancé dans un projet sur la première époque des Stones, entre l’arrestation de Keith Richards et Mick Jagger pour usage de stupéfiants, en 1967, et la mort stupéfiante de Brian Jones, en 1969. Apaisé, le septuagénaire peut poursuivre la passion scandaleuse qu’il partage avec Esther, sa ravissante belle-fille de 23 ans. Mais tous deux le savent, leur amour sera éphémère. Il ne durera que ce que durera chez elle la beauté du diable, tandis que ses forces à lui déclinent tout aussi diaboliquement. L’écrivain de nouveau inspiré se prend au jeu. Parfois burlesque, souvent bouleversante, addictive, effrénée, Performance raconte la plus belle aventure d’un écrivain saisissant au vol les dernières bribes que la vie lui accorde.

Pourquoi ce livre marque la rentrée ? Ce nouveau roman de Simon Liberati oscille entre l’histoire célèbre groupe de Rock et le thème de la vieillesse. C’est une narration très visuelle et cinématographique adaptée au sujet du roman. Mais c’est aussi une histoire d’une fin de vie, marquée par l’amour, qui échappe au personnage principal. Un roman aux sonorités sombres et intenses du rock and roll.

12. Marie Nimier, Petite sœur, Gallimard, 240 pages, 19 euros

Quel sujet ? "Quand je partais dans les nuages, Mika me secouait gentiment. T'es où, petite sœur ? En Argentine ? En Équateur ? J'adorais la façon dont il prononçait ces mots. T'es où, petite sœur ? J'aimerais écrire une chanson avec ça, un refrain que chacun aurait sur les lèvres, voilà ce que je me dis en arrivant quai Malo. Un arbre lance ses branches vers le fleuve, des branches nues, tortueuses. L'escalier B est indiqué par une flèche en angle. Ça sent l'immeuble bien tenu, habité par des gens qui payent régulièrement leurs charges. Je pense en montant les étages : neuf semaines, je vais habiter chez Gabriel Tournon pendant neuf semaines, le temps de voir l'arbre se couvrir de feuilles. Ici, personne ne sait ce qui m'est arrivé." Alice, la trentaine, s'installe dans une ville inconnue pour consigner les souvenirs liés à son frère Mika, récemment disparu. Ensemble, ils ont grandi dans une famille de comédiens, et fait les quatre cents coups. Pourquoi n'a-t-elle pas revu depuis sept ans ce garçon auquel elle était si attachée ?

Pourquoi ce livre marque la rentrée ? Insolite et bouleversant, ce roman explore l'ambiguïté des relations fraternelles et le pouvoir des mots. Marie Nimier sait parler de l'absence, du vide, de l'horizon, des vies qui basculent.

13. Yasmina Khadra, Les vertueux, Mialet-Barrault Editeurs, 544 pages, 21 euros

Quel sujet ? Algérie, 1914. Yacine Chéraga n’avait jamais quitté son douar lorsqu’il est envoyé en France se battre contre les « Boches ». De retour au pays après la guerre, d’autres aventures incroyables l’attendent. Traqué, malmené par le sort, il n’aura, pour faire face à l’adversité, que la pureté de son amour et son indéfectible humanité.

Pourquoi ce livre marque la rentrée ? Un roman majeur dans l’œuvre de Yasmina Khadra et une plongée surprenante dans l’Algérie de l’entre-deux-guerres. Un éclairage fort sur une période des relations franco-algériennes qui n'a pas été beaucoup documentée.

 

 

 

 

14. Alice Zeniter, Toute une moitié du monde, Flammarion, 240 pages, 21 euros

Quel sujet ? Avec Toute une moitié du monde, Alice Zeniter écrit un livre hautement stimulant, fondé sur ses expériences personnelles de lectrice avant tout, mais d'écrivaine aussi, un livre qui nous invite à repenser nos façons de lire les histoires qu'on nous raconte. C'est aux lecteurs que nous sommes qu'il s'adresse, c'est avec eux qu'il converse, avec autant de sérieux que d'allégresse, autant d'humour que d'érudition. Ce livre est tout simplement l'histoire d'une femme qui aimerait qu'on ouvre en grand les fenêtres de la fiction.

Pourquoi ce livre marque la rentrée ? Ce roman est une rencontre avec Alice Zeniter, la lectrice, mais il montre aussi la relation entre l’auteur et le lecteur, les coulisses de l’écriture. Un joli texte qui montre qu'Alice Zeniter est une grande plume. 

 

 

15. Miguel Bonnefoy, L’inventeur, Rivages, 208 pages, 19,50 euros

Quel sujet ? Voici l'extraordinaire destin d’Augustin Mouchot, fils de serrurier, professeur de mathématiques, qui, au milieu du XIXe siècle, découvre l'énergie solaire. La machine qu’il construit, surnommée Octave, finit par séduire Napoléon III. Présentée plus tard à l’Exposition universelle de Paris en 1878, elle parviendra pour la première fois, entre autres prodiges, à fabriquer un bloc de glace par la seule force du soleil. Mais l’avènement de l’ère du charbon ruine le projet de Mouchot que l’on juge trop coûteux. Dans un ultime élan, il tentera de faire revivre le feu de son invention en faisant "fleurir le désert" sous le soleil d’Algérie.

Pourquoi ce livre marque la rentrée ? Avec la verve savoureuse qu'on lui connaît, Miguel Bonnefoy livre dans ce roman l'éblouissant portrait d’un génie oublié. Derrière le contexte historique, un texte qui parle des ruses du destin et de la passion de l'invention.

 

16. Lionel Duroy, Disparaître, Mialet-Barrault Editeurs, 279 pages, 20 euros

Quel sujet ? À l’âge où il est d’usage d’envisager un repos bien mérité, Lionel Duroy a choisi d’enfourcher son vélo et de s’en aller vers ces endroits qui l’ont toujours fasciné : la Roumanie, la Moldavie, la Transnistrie… et peut-être Stalingrad. Il avait l’idée de rouler sans autre projet que de jouir du plaisir d’exister, jusqu’à s’épuiser, pour finalement passer seul et sans cérémonie de l’autre côté. Disparaître. Il l’a tenté, mais la vie est un roman qu’il a fini par écrire.

Pourquoi ce livre marque la rentrée ? C’est fidèle à son vélo Singer, qu’il évoque souvent dans ses ouvrages, que Lionel Duroy part et nous embarque dans ce voyages palpitant ravivant la mélancolie et les souvenirs. Un livre qui remet son lecteur en selle !

 

 

 

17. Félicité Herzog, Une brève libération, Stock, 350 pages, 20,90 euros

Quel sujet ? C'est une histoire française. Elle se passe à Paris pendant l'Occupation, puis dans le maquis du Vercors où les résistants se battent dans la neige, jusqu'au dernier. C'est une histoire qui oppose deux France. Celle des Cossé-Brissac, le côté maternel de l'auteure, dont la grand-mère May, aussi libre de son corps en privé qu'attentive aux conventions en public, reçoit le Tout-Paris de l'Occupation, de Paul Morand à Pierre Drieu La Rochelle, de Josée Laval à Coco Chanel. Une jeune fille grandit là, promise à un mariage de l'entre-soi, bientôt elle sera rebelle. Elle se nomme Marie-Pierre de Cossé-Brissac. L'autre France, c'est celle de la résistance par les idées et par les armes. Un grand médecin juif parisien envoie son fils en province. L'intellectuel rompu aux joutes de l'esprit rejoint le maquis. Il se nomme Simon Nora, rebaptisé « Kim » dans son réseau. À la fin de la guerre, le survivant du Vercors rencontre l'aristocrate en rupture avec sa famille. Les héritiers des deux France s'aiment comme s'ils n'en formaient qu'une. Mais auront-ils le droit à la liberté ?

Pourquoi ce livre marque la rentrée ? Une brève libération  déploie le romanesque de la vérité des sentiments, de l’amour impossible, de l’union des contraires. Une fresque dans la veine du roman réaliste français qui rappelle le poids des conventions que l'auteure a bien connues.

18. Scholastique Mukasonga , Sister Deborah, Gallimard, 160 pages, 19 euros

Quel sujet ? Les années 1930 voient, dans toute l'Afrique de l'Est, un vaste mouvement de conversion au christianisme. Une vague de réveils évangéliques parcourt l'Ouganda et le Kenya. Au Rwanda, les pères blancs célèbrent la "tornade du Saint-Esprit". Des Afro-Américains y fondent une mission évangélique. Le révérend Marcus prêche la venue imminente d'un sauveur noir. Mais Sister Deborah, prophétesse et thaumaturge, proclame que le Messie sera une Femme noire : "Mille ans de bonheur pour les femmes après des milliers d'années de malheur !"Les femmes entrent en grève, les troubles se répandent, vite réprimés par les troupes coloniales. Sister Deborah disparaît, des légendes naissent, on la croit morte et réincarnée. Ikirezi, une enfant malingre qu'elle a autrefois guérie, devenue miss Jewels, une brillante universitaire, part sur ses traces. Elle la retrouve à Nairobi sous le nom de Mama Nganga. Hélas, Mama Nganga sera peu après brûlée vive au cours d'émeutes anti-sorcellerie. Miss Jewels se lance dans une nouvelle enquête sur les circonstances de cette mort, qui va la mettre en péril. Va-t-elle suivre de mystérieuses matrones et accepter de mettre au monde la Messie attendue ? Ou préférer accoucher d'un livre pour annoncer le renouveau des mouvements féministes radicaux ?

Pourquoi ce livre marque la rentrée ? Où vont les femmes ? Un livre qui mélange enquête et relance du mouvement féministe. Scholastique Mukasonga déconstruit les normes à travers ce livre captivant.

19. Yann Queffélec, D’où vient l’amour, Calman-Levy, 288 pages, 21,50 euros

Quel sujet ? "Sûr qu’il m’a tapé dans l’oeil, se disait Maud en attendant l’autocar du volcan .Sûr qu’on s’aime et qu’il sera content, lui aussi, drôlement content...". «Lui», c’est Samuel Poujol, vingt-deux ans, fils unique du puissant patron des Ateliers Poujol, une fabrique de sous-vêtements de luxe au début des années quarante, dans le Gard. Est-ce qu’il sera content? Maud, dix-sept ans, travaille aux Ateliers depuis quelques mois. Ça ne se voit pas qu’elle est enceinte, une grossesse de poupée. Le fruit d’un grand amour secret. Ça ne se voit pas non plus que Samuel a pour ambition d’égaler son père – ce chef de l’Armée des ombres, cet ami des Juifs pourchassés. Va-t-il épouser Maud le moment venu ? Gâcher son avenir par un scandale? Maud se pose la question dans l’autocar qui la ramène chez ses parents, la pose à l’enfant qui va naître d’un moment à l’autre: Est-ce qu’il sera content ? On se donne à l’amour trop jeune et la fatalité vous tend les bras. Et que devient la quête du bonheur ?

Pourquoi ce livre marque la rentrée ? Ce roman apparaît comme une promesse de réponse à la question que son titre pose, D’où vient l’amour. Va-t-on découvrir cette réponse à travers ce roman poignant plongé dans une atmosphère particulière : la guerre ? Raison et sentiments sur fond d'Occupation...

20. Olivia Rosenthal, Un singe à ma fenêtre, Verticales, Gallimard, 176 pages, 17 euros

Quel sujet ? Tokyo, 1995. Des attentats au gaz sarin. Vingt-cinq ans plus tard, une enquête. Des témoins. Des scolopendres. Des veuves noires. Des oublis. Des murmures. Des non-dits. La narratrice peine à déchiffrer les signes équivoques qui lui parviennent. De rencontre en rencontre, elle se laisse traverser par ce que le pays cache et révèle. 

Pourquoi ce livre marque la rentrée ? Olivia Rosenthal signe un roman sombre dans lequel elle décortique les attentats au gaz sarin de Tokyo. Derrière l'histoire collective se dessinent les traumatismes individuels. Un livre qui lève le voile sur certains secrets et non-dits dans le Japon contemporain. Et qui renvoie à la question de la vérité et de son immersion dans le réel.

 

 

21. Emmanuel Carrère, V13- Chronique judicaire, POL, 368 pages, 22 euros

Quel sujet ?  Le procès des attentats du 13 Novembre 2015 (130 morts et 350 blessés) s’est tenu entre septembre 2021 et juin 2022. Plus de 300 témoins ont été entendus, dont des rescapés de cette nuit d’horreur. Les 20 accusés ont été jugés, dont Salah Abdeslam, le seul survivant des commandos de l’organisation du groupe État islamique. Emmanuel Carrère a assisté à l’intégralité du procès et tenu une chronique hebdomadaire, publiée dans 4 grands journaux européens, L’Obs en France, El País en Espagne, La Repubblica en Italie, Le Temps en Suisse. V13 (pour vendredi 13 novembre) rassemble l’intégralité de ces chroniques, mais relues et augmentées pour cette édition. C’est une descente aux enfers dans laquelle l’écrivain parvient à saisir l’humanité des uns et des autres, qu’elle soit bouleversante, admirable, ou abjecte. Il saisit l’ironie terrible des propos, des situations. Il livre son écoute magnifique des paroles et des silences de ce procès. Il en fait notre histoire. Il donne à cet écheveau complexe d’horreur, d’idéologie, de folie et de détresse, une dimension universelle, profondément humaine, qui atteint chacun d’entre nous.
Pourquoi ce livre marque la rentrée ? Parce que  ce livre est celui des attentats du 13 novembre. Parce que l'auteur qui a suivi chaque épisode du procès par ses chroniques successives a fait oeuvre ici tant de romancier que de journaliste. Parce que la réalité cruelle est aussi celle de la résilience et de la solidarité. Cette "banalité du mal" n'a pas détruit la beauté  des âmes. Parce qu'Emmanuel Carrère.

22. Tatiana de Rosnay, Nous irons mieux demain, Robert Laffont, 360 pages, 21,90 euros

Quel sujet ? Quand l'amitié devient emprise. Mère célibataire de vingt-huit ans, ébranlée par le décès récent de son père, Candice Louradour mène une vie sans saveur. Un soir d'hiver pluvieux, à Paris, elle est témoin d'un accident de la circulation. Une femme est renversée et grièvement blessée. Bouleversée, Candice lui porte assistance, puis se rend à son chevet à l'hôpital. Petit à petit, la jeune ingénieure du son et la convalescente se lient d'amitié. Jusqu'au jour où Dominique demande à Candice de pénétrer dans son appartement pour y récupérer quelques affaires. Dès lors, tout va basculer...
Pourquoi Candice a-t-elle envie de fouiller l'intimité d'une existence dont elle ne sait finalement rien ? Et qui est cette Dominique Marquisan, la cinquantaine élégante, si solitaire et énigmatique ?

Pourquoi ce livre marque la rentrée ? Nous irons mieux demain retrace le chemin d'une femme fragile vers l'acceptation de soi, vers sa liberté. Dans ce roman poignant, les destins de deux inconnues se croisent, permettant ainsi aux blessures de guérir. Tatiana de Rosnay retrouve son goût pour les incursions de l'extraordinaire dans l'ordinaire de la vie.

23. Muriel Barbery, Une heure de ferveur, Actes Sud, 256 pages, 20,80 euros

Quel sujet ? En regardant la neige se poser sur les pierres d’un tor­rent, le jeune Haru Ueno pressent que sa vie va s’inscrire sous le signe de l’harmonie : rechercher, capter, servir et honorer la beauté des formes. Il quitte ses montagnes natales de Takayama, se passionne pour l’art, s’impose comme un marchand renommé. Aussi chaleureux qu’indépendant, toujours entouré d’amitié, Haru s’adonne pleinement au bonheur des rencontres, des fêtes au lendemain desquelles il est de retour dans sa maison dont le cœur abrite un érable et qu’entourent temples et jardins de Kyōto. De ce lieu rare, il a fait un havre. Il veut y pas­ser une vie lumineuse, ignore combien elle sera empreinte de drames où, à la douleur du Japon, se mêle sa quête fervente des métamorphoses de la beauté. Haru a une trentaine d’années quand son destin lui en offre la plus belle manifestation – et à jamais l’en prive. Car quelque part en France, fruit d’une liaison éphé­mère, une petite fille est venue au monde. Elle s’appelle Rose. Il lui est interdit de l’approcher, bien qu’elle incarne désormais le secret, la vérité et probablement toute l’âme de son existence.

Pourquoi ce livre marque la rentrée ? Deux ans après son roman Une rose seule, Muriel Barbery décide de nous livrer l’histoire du père de Rose, Haru. On y retrouve la culture nippone, l’écriture douce de l’auteure et on y découvre un nouveau thème touchant, celui de la paternité. L'auteure de L'élégance du hérisson se trouve décidément très bien au pays des haïkus.

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