Notre sélection

Littérature étrangère : les livres à ne pas manquer

En ce début d'année 2023, de nombreuses publications font la part belle à la littérature étrangère. On retrouve quelques poids lourds comme les derniers livres de feu Javier Marias, de Colson Whitehead, de Joyce Carol Oates ou encore la réédition d'un texte majeur de Vassili Grossman. Ces géants côtoient quelques premiers romans dont les auteurs sont à découvrir sans tarder : ainsi de la jeune iranienne Nassim Marashi, de l'américain Ash Davidson, ou encore de l'américaine d'origine philippine Daphné Palasi Andreades. Découvrez notre sélection.

Tomás Nevinson de Javier Marias, Gallimard, 736 pages, 26,50 euros 

Quelle histoire ? 1997. Après avoir passé quelques années à l'écart pour se faire oublier, loin de Londres, Tomás Nevinson accepte une nouvelle mission et redevient un agent des services secrets britanniques. Il doit se rendre dans une ville du nord-ouest de l'Espagne pour identifier et neutraliser une femme originaire d'Irlande du Nord qui s'y cacherait sous les traits de trois personnes différentes. On sait qu'elle est rusée et dangereuse ; on sait que son nom est associé à des attentats sanglants de l'IRA et de l'ETA, et qu'elle pourrait, elle aussi, reprendre du service à tout moment si l'une des organisations terroristes le lui demandait. Tomás Nevinson va devoir la confondre, mais la tâche ne sera pas aisée, car s'immiscer dans la vie d'autrui n'est pas sans risques, surtout quand on ignore jusqu'où cela peut nous entraîner.

Pourquoi ce livre ? Derrière ce jeu de masques, qui se double d'un jeu de séduction, Javier Marías, qui est mort récemment, nous offre une réflexion passionnante sur ce qui peut être fait au nom du bien commun et sur la difficulté à déterminer ce qu'est le mal et comment l'on peut ou l'on doit le combattre. "Tu ne tueras point sauf si..." : voilà l'impératif moral qui hante les jours et les nuits du protagoniste, un héros aux mille visages. Comme les grands comédiens, il croyait avoir déjà tout vécu et apparemment, plus rien ne pouvait lui arriver...   Avec ce livre labyrinthique,  c'est un peu comme si Javier Marias avait croisé l'esprit de John Le Carré. Magistral.

Vie et destin de Vassili Grossman, Calmann- Levy, 1175 pages, 12,70 euros

Quelle histoire ? Au-delà des confins de l’Europe, des destins souvent tragiques, nous interrogent sur la terrifiante convergence des systèmes nazi et communiste alors même qu’ils s’affrontent sans merci. Radicalement iconoclaste en son temps – le manuscrit fut confisqué par le KGB, tandis qu’une copie parvenait clandestinement en Occident –, ce livre pose sur l’Histoire du XXème siècle une question que philosophes et historiens n’ont cessé d’explorer depuis lors. Il le fait sous la forme d’une grande œuvre littéraire, imprégnée de vie et d’humanité, qui transcende le documentaire et la polémique pour atteindre à une vision puissante, métaphysique, de la lutte éternelle du bien contre le mal.

Pourquoi ce livre ? Dans ce roman-fresque, composé dans les années 1950, à la façon de Guerre et paix, Vassili Grossman (1905-1964) fait revivre l’URSS en guerre à travers le destin d’une famille, dont les membres nous conduisent tour à tour dans Stalingrad assiégée, dans les laboratoires de recherche scientifique, dans la vie ordinaire du peuple russe, et jusqu’à Treblinka sur les pas de l’Armée rouge. Une oeuvre remarquable, parmi les plus grands romans du XXe siècle, à lire avec d'autant plus d'attention au vu des événements actuels.

Harlem Shuffle, de Colson Whitehead, Albin Michel, 432 pages, 22,90 euros

Quelle histoire ? Époux aimant, père de famille attentionné et fils d'un homme de main lié à la pègre locale, Ray Carney, vendeur de meubles et d'électroménager à New York sur la 125e Rue, « n'est pas un voyou, tout juste un peu filou ». Jusqu'à ce que son cousin lui propose de cambrioler le célèbre Hôtel Theresa, surnommé le Waldorf de Harlem... Chink Montague, habile à manier le coupe-chou, Pepper, vétéran de la Seconde Guerre mondiale, Miami Joe, gangster tout de violet vêtu, et autres flics véreux composent le paysage de ce roman féroce et drôle. Mais le personnage principal de ce livre reste Harlem, haut lieu de la lutte pour les droits civiques, où la mort d'un adolescent noir, abattu par un policier blanc, déclencha en 1964 des émeutes préfigurant celles qui ont eu lieu à la mort de George Floyd.

Pourquoi ce livre ? Petites arnaques, embrouilles et lutte des classes... une fresque irrésistible du Harlem des années 1960. Avec Harlem Shuffle, Colson Whitehead, qui a reçu à deux reprises le Prix Pulitzer et qui revendique l'héritage de Chester Himes et Donald Westlake, se réinvente une fois encore, en détournant les codes du roman noir. Un texte qui virevolte, choque, bouge, sort du cadre et confirme non seulement le formidable talent de conteur de Colson Whitehead, mais aussi sa réelle contribution à l'histoire de la communauté afro-américaine.

La petite fille de Bernhard Schlink, Gallimard, 352 pages, 23 euros

Quelle histoire ? À la mort de son épouse Birgit, Kaspar découvre un pan de sa vie qu'il avait toujours ignoré : avant de quitter la RDA pour passer à l'Ouest en 1965, Birgit avait abandonné un bébé à la naissance. Intrigué, Kaspar ferme sa librairie à Berlin et part à la recherche de cette belle-fille inconnue. Son enquête le conduit jusqu'à Svenja, qui mène une toute autre vie que lui : restée en Allemagne de l'Est, elle a épousé un néo-nazi et élevé dans cette doctrine une fille nommée Sigrun. Kaspar serait prêt à voir en elles les membres d'une nouvelle famille. Mais leurs différences idéologiques font obstacle : comment comprendre qu'une adolescente, par ailleurs intelligente, puisse soutenir des théories complotistes et racistes ? Comment une relation peut-elle naître dans ce climat de méfiance et de haine ?

Pourquoi ce livre ? Cette rencontre contrariée entre un grand-père et sa petite-fille nous entraîne dans un passionnant voyage politique à travers l'Histoire et les territoires allemands. Plus de vingt-cinq ans après Le liseur, Bernhard Schlink offre de nouveau un grand roman sur l'Allemagne qui sonde la place du passé dans le présent, et nous interroge sur ce qui peut unir ou séparer les êtres. Avec au centre la quête de ce qui définit une culture.

Nuit, néon de Joyce Carol Oates, Philippe Rey, 361 pages, 22 euros

Quelle histoire ? Un simple néon bleu aperçu dans la vitrine d'un café, et l'esprit de Juliana se trouve brusquement cloué par d'incessants flash-backs. Les lettres clignotantes et disloquées ramènent la jeune femme tout juste enceinte, et visiblement heureuse, à ces nombreux hommes, dans ces nombreux bars, qui ont jadis croisé sa route. Neuf autres nouvelles composent ce recueil d'histoires mystérieuses à suspense. Quelle est la plus surprenante pour ne pas dire perturbante ? On trouve en vrac : un entretien en huis-clos entre une enseignante et un étudiant, prétendu vétéran de guerre, enragé par les appréciations de la professeur, un écrivain en mal d'inspiration, soudainement pris d'une fascination morbide pour une fragile caissière de supermarché, un adolescent chargé de s'occuper d'une mère malade qui se réfugie dans les délices de la cigarette électronique....

Pourquoi ce livre ?  Ces neuf nouvelles écrites au scalpel composent une fresque poignante d'individus ordinaires confrontés à des situations extraordinaires, aux dénouements souvent désastreux. Joyce Carol Oates n'a pas son pareil pour révéler la folie, le harcèlement, la fuite ou l'enfermement. L'autrice de Blonde met en scène des femmes souvent prises au piège, physiquement ou symboliquement. En restant toujours à la lisière de ce qui est acceptable. Contes cruels d'une modernité déshumanisée qui piquent le lecteur au vif sans en avoir l'air.

Le roi et l’horloger d’Arnaldur Indridason, Métailié, 315 pages, 22,50 euros

Quelle histoire ? Au XVIIIe siècle, l’Islande est une colonie danoise, gérée par les représentants de la Couronne qui souvent usent de leur autorité pour s’approprier des biens, en profitant en particulier des lois qui condamnent les adultères à la peine de mort. Le roi Christian VII, considéré comme fou et écarté du pouvoir, traîne sa mélancolie à travers son palais jusqu’au jour où il rencontre un horloger islandais auquel a été confié un travail délicat. Une amitié insolite va naître entre les deux hommes. À travers la terrible histoire du père de l’horloger, le souverain va découvrir la réalité islandaise et se sentir remis en cause par la cruauté qui s’exerce en son nom. Des ateliers du palais aux intrigues de la Cour et aux bas-fonds des bordels de Copenhague, nous accompagnons ces héros dans leur recherche tragique et vitale.

Pourquoi ce livre ? Arnaldur Indridason se découvre dans un nouveau genre. Le célébrissime auteur de romans noirs "aux 18 millions de lecteurs dans le monde", comme l'annonce la couverture,  n'a pas à prouver sa maîtrise de l’intrigue, du découpage, du rythme de l’action et du suspense. Il met cette fois-ci son talent au service d’un grand roman historique et d’une œuvre aux accents littéraires sur la paternité, la transmission, et sur les non-dits des relations. Cela donne un roman très page turner qui fait revivre un pan de l'Histoire islandaise et danoise. 

Oh, William! de Elizabeth Strout, Fayard, 260 pages, 21,50 euros

Quelle histoire ? Pour Lucy Barton, le cœur de William, son ex-mari, a toujours été un mystère. Pourtant, malgré les années, ils sont restés intimement liés. Lucy n’est donc pas étonnée lorsque William lui demande de l’accompagner pour enquêter sur un secret de famille. En route vers le Maine, les anciens amants évoquent leurs souvenirs et dressent le bilan d’une existence partagée, de l’université jusqu’à la vie avec de nouveaux conjoints, en passant par la naissance de leurs filles.
 
Pourquoi ce livre ? Elizabeth Strout, lauréate du prix Pulitzer pour Olive Kitteridge dépeint de sa plume aiguisée les peurs et les incertitudes, tout comme les joies simples et les gestes tendres de ses personnages. Oh, William ! signe le retour de son héroïne fétiche, Lucy Barton, pour une méditation sur la famille et les liens mystérieux qui se tissent malgré les secrets et les séparations. Un ouvrage qui révèle la petite musique des jours et des années. Et la clé de ce qui façonne les vies de chacun.

L’automne est la dernière saison de Nasim Marashi, Zulma, 272 pages, 22 euros

Quelle histoire ? Dans le brouhaha des rues agitées de Téhéran, Leyla, Shabaneh et Roja sont à l’heure des choix. Trois jeunes femmes diplômées, tiraillées entre les traditions, leur modernité et leurs désirs. Leyla rêve de journalisme ou de devenir libraire. Son mari, pourtant aimant et attentionné, a émigré sans elle. A-t-elle eu raison de ne pas le suivre et de rester ? Shabaneh est courtisée par son collègue, qui voit en elle une épouse parfaite. Comment démêler si elle l’aime, si elle peut se résoudre à abandonner son frère handicapé, alors qu’elle en est l’unique protection ? Roja, la plus ambitieuse, travaille dans un cabinet d’architectes, et s’est inscrite en doctorat à Toulouse – il ne manque plus que son visa, passeport pour la liberté. Vraiment ? La solution est-elle toujours de partir ? En un été et un automne, elles vont devoir décider. D’espoirs en incertitudes, de compromis en déconvenues, elles affrontent leurs contradictions entre rires et larmes, soudées par un lien indéfectible mais qui soudain vacille, tant leurs rêves sont différents.

Pourquoi ce livre ? L’automne est la dernière saison est une histoire d’amour et d’amitié, profondément ancrée dans la société iranienne d’aujourd’hui. On est étonnés de découvrir une communauté en pleine effervescence, dotée d'une liberté dans le ton et les relations ( le livre a été écrit bien entendu avant les événements récents). On réalise que, malgré l'éloignement, les jeunes iraniennes sont tiraillées dans leurs aspirations, mais jamais coupées du monde. Notre monde l'est-il davantage du leur? Certainement. Le roman de Nasim Marashi contribue à lever le voile sur l'Iran contemporain. Pour nous, comme pour elles, ces héroïnes tellement attachantes. Ce premier roman est une révélation.

Oiseaux de passage de Fernando Aramburu, Actes sud, 624 pages, 26 euros

Quelle histoire ? Pendant 365 jours, le protagoniste d’Oiseaux de passage consigne invariablement et sans filtre, les faits saillants de son existence : les rêves débridés et les petites misères d’un homme un peu dépassé par la marche du monde mais à la mauvaise foi inébranlable !

Pourquoi ce livre ? Dotant un professeur de philo d’un stoïcisme joyeux, Fernando Aramburu donne à voir les vicissitudes d’un homme, apparemment sans qualités, qui entend mettre un terme à cette comédie tragique qu’est la vie. Un drôle de livre qui se promène dans l'infiniment intime pour refléter l'immense vacuité du monde. Comme un envol d'oiseaux dont les ailes se déploient simplement avant de rejoindre le ciel. Un livre plein de ces reflets, avec une pointe d'ironie. Politesse du désespoir ? Ou énergie du mouvement vital ? Il faut  lire le livre pour se faire son opinion...

 

 

 

Bouche-à-bouche, Antoine Wilson, Gallimard, 256 pages, 20 euros

Quelle histoire ? Deux anciens camarades d'université se croisent par hasard à l'aéroport de New York : un écrivain raté et un magnat de l'art contemporain, Jeff. Leur vol est terriblement retardé, et Jeff propose à son ancien comparse de le suivre dans son lounge première classe pour tuer le temps ensemble. Mais cette invitation est loin d'être désintéressée. Jeff se révèle aussitôt être un homme qui a besoin de parler, de vider son sac, et surtout de dévoiler un secret de jeunesse qu'il n'avait encore jamais confié. Un secret qui a changé le cours de son existence. Alors que les heures défilent, ainsi que les cocktails, se déploie une fascinante histoire d'obsession et de manipulation qui a permis à Jeff d'atteindre les sommets du monde de l'art alors que rien ne l'y destinait. Tout aurait commencé un matin d'hiver, sur une plage californienne, vingt ans plus tôt...

Pourquoi ce livre ? Bouche-à-bouche est un roman dont la construction ingénieuse promet de déboussoler. Entre faux-semblants et paranoïa, glamour californien et huis clos, le lecteur plonge dans un intrigant puzzle littéraire. Au fur et à mesure de la confession, le lecteur ne sait jamais si Jeff raconte la vérité ou met en scène une énième version de sa vie. Un récit sur le fil, avec les jeux de miroir d'une réussite en eaux troubles.

Jaguarman de Raoul de Jong, Buchet Chastel, 288 pages, 22 euros

Quelle histoire ? Né d’une mère néerlandaise et d’un père surinamais qu’il a très peu connu, Raoul est âgé d’à peine trente ans quand il reçoit un mystérieux courriel de son père naturel. De cette rencontre tardive avec son père naissent de nombreux espoirs, parfois déçus, et autant de questions. Parmi les bribes dévoilées par son géniteur, une rapide mention d’un ancêtre homme-jaguar retient l’attention du jeune homme. Alors que son père refuse d’en dire davantage, Raoul se lance à la recherche de cet ancêtre énigmatique qui l’emmènera dans les rues étouffantes de Paramaribo, au coeur de la jungle surinamaise ou dans la maison d’une prêtresse.

Pourquoi ce livre ? Un voyage familial et mystique dans les jungles du Suriname. Avec cette recherche de l’animal, le jeune écrivain part à la recherche de sa propre humanité, signant un livre d’aventures, de magie et de résistance. Un roman porté par la force de cette quête à tiroirs. Sur fond de découverte d'un pays et de sa culture, un récit qui donne envie de traverser le monde.

Éteindre la lune de William Boyle, Gallmeister, 416 pages, 16,80 euros

Quelle histoire ? Bobby, quatorze ans, s'amuse à lancer des pierres sur des voitures. L'une d'elles touche une conductrice, qui perd le contrôle de son véhicule et meurt dans l'accident. Elle avait dix-huit ans et était la fille de Jack, un redresseur de torts mandaté par les gens modestes de son quartier pour intimider les escrocs et autres sales types. Quelques années plus tard, Jack s'inscrit à un atelier d'écriture dans l'espoir d'exorciser sa douleur, et noue avec la jeune femme qui l'anime, Lily, une relation quasi filiale. Mais il se trouve que le hasard des familles recomposées fait d'elle, l'ex-belle-soeur de ce  Bobby qui n'a rien perdu de sa capacité à s'attirer des ennuis.

Pourquoi ce livre ? Les personnages de William Boyle, tous reliés les uns aux autres par un destin aveugle, dessinent à la manière d'un Balzac américain le portrait de Brooklyn. L'auteur s'amuse à tisser la toile de ses protagonistes aux prises avec leur destin. Et réussit à mener le lecteur dans les méandres mystérieuses de leur vie...

À prendre ou à laisser de Lionel Shriver, Belfond, 288 pages, 22 euros

Quelle histoire ? Pendant dix ans, Kay a assisté son père atteint de la maladie d'Alzheimer. À la mort de ce dernier, le soulagement l'emporte sur la tristesse et une question surgit : comment gérer sa propre fin de vie ? Une discussion avec son mari Cyril, quelques verres de vin et les voici qui en viennent à nouer un pacte. Certes, ils n'ont que cinquante ans, sont en bonne santé et comptent bien profiter encore de leurs proches, mais pas question de faire peser sur ceux-ci et sur la société leur inéluctable déliquescence. C'est décidé, le jour de leurs quatre-vingts ans, Kay et Cyril partiront ensemble. Le temps passe et voici qu'arrive la date fatidique. Une date, douze possibilités et une conclusion : dans la vie, tout est à prendre ou à laisser...

Pourquoi ce livre ? Lionel Shriver une fois encore a le chic pour s'attaquer à une question de société : ici il s'agit du vieillissement. Dans une époque qui revendique la pleine santé et la liberté des nantis-en-bonne-santé, mais laisse sur le bas-côté ceux qui ne font plus jolis sur la photo, l'autrice utilise toute son ironie, pour mettre en scène ce questionnement sur le sens de sa vie. Le texte n'a rien de mélancolique. Au contraire, il fait rire. Il montre l'absurde conscience de sa propre mort, sur fond d'un pacte tendre de couple, qui ressemble à ces serments d'adolescents souvent jamais tenus. Lorsque les échéances arrivent, que reste-t-il de ce désir de vivre ? Ou de partir ? Ensemble ou seul ? 
>>Lire aussi notre article-interview de Lionel Shriver, à propos d'un de ses précédents livres, Big Brother, où elle s'attaquait à la question du poids. 

Les Jardins de Basra de Mansoura Ez-Eldin ed. Sindbad, Actes sud, 224 pages, 22,80 euros

Quelle histoire ? Hishâm est passionné par les manuscrits anciens et a fait de leur commerce son métier. Il est habité par un rêve étrange dans lequel il voit des anges cueillir tout le jasmin de Basra. Or ce rêve est répertorié et interprété dans un très vieux livre qu'il affectionne : ce serait le signe prémonitoire de la disparition de tous les penseurs de la ville. En proie aux fantasmes, il ne cesse de naviguer entre deux mondes : Le Caire contemporain où il vit et la Basra de la fin du VIIIe siècle, ville fascinante où la pensée islamique est en gestation. Dans ce monde parallèle, Hishâm rencontre un personnage en qui il reconnaît son double, un dénommé Yazîd, qui fréquente le cercle des théologiens rationalistes, durement combattus plus tard par l'orthodoxie. Une solide amitié le lie aussitôt avec l'un de leurs disciples, et leur histoire - faite de terribles trahisons - devient alors le pivot du roman.

Pourquoi ce livre ? L'autrice fait alterner les tableaux, les époques et les monologues intérieurs. Elle manie avec maestria les niveaux de langue, donnant à son récit une dimension polyphonique. Elle parvient au passage à aborder finement certaines questions théologiques débattues à l'époque, notamment la création par Dieu des actes humains. Un message, peut-être, se dégage ici, en résonance avec le rêve de Hishâm : s'il n'y a plus de jasmin dans les jardins de Basra, c'est qu'avec la clôture des textes sacrés sur eux-mêmes, la pensée religieuse musulmane s'est peu à peu sclérosée. Une fleur de plus dans la réflexion fine sur le sens d'une religion à l'épreuve du temps. Des temps.

Partir quand même de Yiyun Li, Belfond, 368 pages, 22 euros

Quelle histoire ? À quatre-vingt-un ans, Lilia a enterré trois maris, élevé cinq enfants et vu naître dix-sept petits-enfants. L'heure est venue de vivre un peu pour elle. Et de se plonger dans un livre qui l'intrigue : le journal d'un certain Roland Bouley, un auteur resté obscur mais qui occupe une place particulière dans son existence. Et pour cause, Lilia l'a connu en 1945, quand Roland était vaguement en poste aux Nations unies. Quand ce séducteur invétéré papillonnait de l'une à l'autre en promettant le mariage à toutes. Quand Lilia vivait dans une ferme avec son père veuf et ses nombreux frères et sœurs. Elle avait seize ans, elle était vive et délurée. Elle voulait échapper à sa vie, et Roland est arrivé. Aujourd'hui, Lilia est curieuse de découvrir le journal de celui qu'elle n'a jamais oublié. De découvrir aussi ce que ce journal dit de sa vie à elle, de la vie qu'ils auraient pu avoir et de la vie qu'elle a menée, malgré tout...

Pourquoi ce livre ? Un roman d'une grande honnêteté sur une femme au crépuscule de sa vie, prête à en faire le bilan. Yiyun Li écrit sans complaisance ce qui ne signifie pas sans grâce. Ni sans style,  car l'écriture est toujours portée par un souffle à la lisière du poétique. Son livre résonne avec celui qui l'a fait connaître, Plus doux que la solitude, où se trouvait déjà ce mélange de force, d'acceptation et de douce mélancolie. Celle que Salman Rushdie considère comme "une des plus grandes autrices de notre temps " est définitivement une plume remarquable, qui nous livre encore un texte aux accents universels. 
>>Lire aussi notre article-interview de Yiyun Li, à propos d'un de ses précédents livres : Plus doux que la solitude

Le Maître de Markyan Kamysh, Arthaud, 336 pages, 23 euros

Quelle histoire ? « Mon but n'est pas de "sauver la forêt", "venger les animaux" ou "continuer avec ce travail tant que le cours du bitcoin ne sera pas remonté". J'ai compris qu'en réalité ce qui me motive est mon désir de casser les projets des truands, de ces alphas ayant perdu toute raison parce qu'ils se croient tout permis, parce qu'ils croient dur comme fer en leur impunité. Pourrir la vie à ceux qui, autour d'eux, ne voient pas la forêt, mais une simple ressource ; pas des animaux, mais des cibles ; pas des amis, mais des larbins. » Le maître montre un visage de la société ukrainienne elle aussi soumise aux spéculations mafieuses et aux recherches avides. 

Pourquoi ce livre ? Markiyan Kamysh, qui se bat aujourd'hui pour libérer son pays, nous livre avec Le Maître une odyssée ukrainienne : celle de Vadim, jeune hipster paumé, engagé presque malgré lui au coeur des forêts de Polésie, menacées de destruction par les mafieux.
Ce roman de combat prophétique résonne comme un appel humaniste à la résistance et à la lutte contre la violence et la cupidité. A lire avec d'autant plus d'acuité que l'Ukraine est plongée dans une guerre dont nul ne voit l'issue aujourd'hui.

Les derniers géants de Ash Davidson, Actes sud, 528 pages, 24,50 euros

Quelle histoire ? 1977. Californie du Nord. Rich est de ces bûcherons qui travaillent au sommet des arbres. C’est un métier dangereux, dont son père et son grand-père sont morts. Il veut une vie meilleure pour sa femme Colleen et son fils Chub. Pour cela, il a investi en secret toutes leurs économies dans un lot de séquoias pluricentenaires. Mais lorsque Colleen, qui veut avoir un deuxième enfant, malgré de précédentes fausses couches, se met à dénoncer la compagnie d’abattage pour l’usage d’herbicides responsable selon elle, de nombreuses malformations chez les enfants, le conflit s'invite au coeur de leur couple.

Pourquoi ce livre ? Un premier roman qui prend à bras le corps la question écologique face à la nécessité économique. Le propos du livre n'est pas moralisateur. Il nous entraîne dans une réalité. Nous sommes plongés avec les personnages dans leur vie rude, et nous comprenons leurs aspirations, comme leur quotidien. Mais peut-être plus que tout, Ash Davidson nous parle des arbres, de ces séquoias, les derniers géants que le monde moderne est en train d'attaquer. Ces arbres qui sont comme de véritables personnes, qui donnent la vie. Et la reprennent aussi. Combat d'hommes et d'arbres, donc. Au corps à corps. Au corps à coeur. 

The Paradox Hotel de Rob Har, Belfond, 400 pages, 22 euros

Quelle histoire ? Vous rêvez de vous extraire de la réalité ? De côtoyer Mozart, Cléopâtre ou les dinosaures du jurassique ? Vous rêvez de voyager dans le temps ? Bienvenue au Paradox Hotel.
Responsable de la sécurité de ce lieu unique au luxe inouï, January Cole est une femme de caractère qui sait répondre aux moindres désirs des ultra-VIP pressés de faire l'expérience. Et January sait aussi que voyager dans le temps a un coût qui n'est pas que financier. Chaque passage altère le cerveau ; elle-même en fait les frais. Désormais, sa conscience est capable de dériver vers l'avenir et de voir, par exemple, le cadavre de cet homme qui sera bientôt assassiné. Mais une menace plus terrifiante encore plane sur le Paradox Hotel : l'appétit de certains milliardaires, prêts à tout pour acquérir cette nouvelle manne du tourisme spatio-temporel. Et réécrire l'Histoire...

Pourquoi ce livre ? Une fois n'est pas coutume, nous retenons dans notre sélection un roman d'anticipation. Paradox Hotel livre une critique acerbe de nos sociétés, où le progrès ne sert qu'aux plus fortunés, et agite la menace tristement crédible d'un monde devenu le jouet de savants fous aux dents longues. Quand on voit la surenchère pour ceux qui veulent se lancer dans le tourisme spatial, on se dit qu'encore une fois, la science fiction est annonciatrice de réalité et que ce Paradox Hotel sonne l'alarme sur le sens de toutes ces surenchères.

Cette autre vie de Hannes Köhler, Actes sud, 384 pages, 23,50 euros

Quelle histoire ? L'histoire du voyage aux États-Unis d’un jeune homme, Martin et de son grand-père, Franz, tous deux allemands ; un retour dans le passé d’un homme qui s’est retrouvé dans un camp de travail au Texas pendant la Seconde Guerre mondiale, l’exploration de ce qu’aurait pu être sa vie s’il était resté en Amérique, plutôt que de retourner en Allemagne au moment de la guerre.... Sous le soleil brûlant du Texas, parmi les ruines des camps et à travers des rencontres avec des témoins du passé, s’animent différentes images dans l’esprit de Franz, des instants de vie paradoxalement heureux. Et à chaque souvenir, à chaque conversation, Martin se rapproche un peu plus de son grand-père. Petit à petit, il commence à comprendre les fractures qui ont provoqué les distances entre les membres de sa famille, se rend compte à quel point le passé a façonné leur existence et se penche sur la sienne sous un nouveau jour.

Pourquoi ce livre ? Un livre qui tisse finement la beauté d'un échange entre un petit-fils et son grand père, sur fond de révélations sur le passé. Hannes Köhler ouvre une parenthèse peu explorée en littérature, celle du sort des Allemands faits prisonniers sur le sol américain où Franz, son personnage, plutôt que de rentrer dans un pays ravagé par la guerre et le nazisme aurait pu trouver une nouvelle patrie. Hannes Köhler est né en 1982 à Hambourg. Il vit à Berlin. Cette autre vie a reçu le prix du Roman familial en 2018. Il s'agit de son premier roman traduit en France. Une vraie découverte.

Le Tribunal des oiseaux de Agnes Ravatn, Actes sud, 240 pages, 22 euros

Quelle histoire ? La présentatrice télé Allis Hagtorn quitte son conjoint et son travail pour partir en exil dans un fjord isolé. Son nouveau travail de femme de chambre et jardinière ne correspond vraiment pas à ce qu'elle s'imaginait, et son employeur - Sigurd Bagge, 44 ans - n'est pas non plus la personne qu'elle s'attendait à rencontrer. Alors qu'ils attendent tous les deux le retour de la femme de Sigurd, leurs rencontres silencieuse et gênées se transforment en une relation glaçante et obsédante. Réparer les erreurs du passé ne sera sûrement pas suffisant.

Pourquoi ce livre ? Une histoire forte et dérangeante sur fond de nature extrême. D’une grande intensité,  Le Tribunal des oiseaux est un huis-clos envoûtant dans lequel le lecteur – à l’instar des personnages – se tient en équilibre fragile entre crainte et obsession. Sans oublier le décor magnifique de cette nature norvégienne, belle, sauvage et dangereuse à souhait. Décidément les représentants de la littérature dite nordique possèdent un savoir faire où les mots tissent un voile sur les silences et les secrets.

 

 

Mercy Street de Jennifer Haigh, Gallmeister, 432 pages, 25 euros

Quelle histoire ? Dans la ville de Boston, la clinique de Mercy Street offre un nouveau départ aux femmes désireuses d’avorter. C’est là que Claudia travaille depuis des années. Chaque jour, elle affronte la peur et la détresse de nombreuses patientes aux destinées bouleversées. À cela s’ajoute la détermination des militants anti-avortement dont la présence quotidienne aux alentours de la clinique rend l’ambiance tendue, sinon dangereuse. Pour faire face à cette pression constante, Claudia fréquente un sympathique dealer d’herbe, Timmy, qui compte parmi ses clients un jeune homme introverti et solitaire. Sur une plateforme en ligne, ce dernier se met au service d’un gourou pro-vie qui commence peu à peu à développer une fixation sur Claudia.

Pourquoi ce livre ? Alors que la France vient d'ajouter dans sa Constitution le droit à l'avortement, celui-ci est remis en cause dans de nombreux Etats américains. Et dans les autres, la pratique médicale des IVG  devient de plus en plus difficile. Une régression historique dont le roman de Jennifer Haigh montre de l'intérieur toute l'ampleur. Et la détresse. 

Les filles comme nous de Daphné Palasi Andreades, Les Escales, 224 pages, 22 euros

Quelle histoire ? Dans le quartier hétéroclite et vibrant du Queens, à New York, des jeunes femmes tentent de conjuguer leurs origines métissées avec la culture américaine dans laquelle elles ont grandi. C'est ici qu'elles se jurent d'être meilleures amies pour la vie. Débordantes d'énergie, ces filles arpentent New York, chantent Mariah Carey à tue-tête, s'éprennent de garçons désintéressés et brisent des coeurs tout en essayant d'honorer l'image lisse de filles obéissantes que leur imposent leurs mères. Mais en grandissant, un fossé se creuse : là où certaines restent fidèles à leurs racines, d'autres s'évertuent à toucher les étoiles.

Pourquoi ce livre ? Premier roman embrasé par un chœur de voix attachantes, Les Filles comme nous raconte la découverte de l'âge adulte, l'amitié féminine et la quête poignante de femmes qui tentent de se forger une place dans le monde d'aujourd'hui. Un roman choral qui raconte la vie des filles à la peau brune du Queens, de leur naissance à leur mort. Un texte qui emporte et qu'on lit autant qu'on l'entend. Car la musique est partout. Celle qui appelle à la vie malgré les obstacles.

La femme silencieuse de Janet Malcolm, Editions du Sous-Sol, 240 pages, 22 euros

Quelle histoire ? Au travers de la relation du couple Ted Hughes et Sylvia Plath, et des tentatives biographiques dont ils ont fait l’objet, Janeth Malcolm décrypte les vies racontées de la poétesse afin d’écrire non pas sur la vie tragique de l'artiste, mais plutôt sur le devenir posthume de son œuvre, et la façon dont se raconte son histoire. Elle examine la relation ambiguë entre Sylvia Plath et son mari, le poète Ted Hughes qui, en tant qu’exécuteur testamentaire, a tenté de servir deux causes : l’art de son ancienne épouse et son propre besoin d’intimité, et comment il poussa sa propre sœur, Olwyn Hughes à devenir l’agent littéraire de la défunte pour se protéger en limitant l’accès à l’œuvre de Plath. Cas d'école, questionnant l’invisibilisation ou l’appropriation dont font l’objet les œuvres littéraires, a fortiori lorsqu’elles sont signées par une femme. Alors même que Janet Malcolm se montre sceptique quant aux prétentions habituelles des biographies à présenter la vérité sur une vie, se dessine au fil des pages un autre visage de Sylvia Plath, dissipant de fait l’innocence avec laquelle le lecteur aborde une œuvre autobiographique.
Pourquoi ce livre ? Janet Malcolm, figure emblématique de la littérature du réel, propose dans La Femme silencieuse une méditation sur l’art de la biographie. Elle explore la ligne étroite qui sépare la réalité de la fiction. Le but n’étant pas de savoir qui a raison ou qui a tort, mais de mettre en parallèle toute la complexité des rapports humains en réaction au voyeurisme que laisse sous-entendre le pacte d’un biographe dit impartial. Sa relecture du sort réservé à l'héritage artistique de la poétesse Sylvia Plath nous montre à quel point une oeuvre est source d'infinité. Tant de représentations, que d'interprétations. 

La famille Han de Min Jin Lee, Charleston, Traduction Laura Bourgeois, 832 pages, 23,90 euros

Quelle histoire ? Min Jin Lee s'inspire de son enfance américaine sur fond d'origine coréenne. Son héroïne Casey Han ressemble à certaines de ses congénères, prises en tenaille entre l'ambition de leurs parents et leurs envies propres. Fille aînée d’immigrés coréens, Casey a été élevée dans le Queens dans le respect des traditions et des valeurs de ses parents. Ils ont travaillé dur toute leur vie pour assurer à leurs enfants un bel avenir, mais à vingt deux ans, Casey, tout juste diplômée de Princeton, n’a aucune véritable ambition professionnelle et ne rêve que d’une chose : faire partie de la haute société new-yorkaise. Au grand désespoir de son père, elle refuse son admission en droit à Columbia et se retrouve sans travail ni argent à Manhattan. Casey est prête à tous les sacrifices pour pénétrer dans ce monde étincelant de privilèges, de pouvoir et de richesse, mais à quel prix ? La famille Han est une grande fresque réaliste où le Bûcher des Vanités aurait croisé Les oiseaux se cachent pour mourir.

Pourquoi ce livre ? S’inspirant des grands romans victoriens, Min Jin Lee offre le portrait d’une jeune femme cherchant à s’affranchir de sa communauté coréenne, miroir d’une génération tiraillée entre le désir d’intégration et le poids des traditions. Alors que Pachinko succès mondial, en réalité le second roman de Min Jin Lee, l'entraînait sur les racines de sa famille en Corée et au Japon, La famille Han, son premier roman, dresse un portrait contemporain de ce croisement culturel aux Etats-Unis. Min Jin Lee est sans nul doute une grande conteuse qui aime écrire sur la flamme des sentiments et des aspirations. Le New York Times a salué «Un premier roman ambitieux et remarquable.» Ambitieux sans nul doute. Remarquable ? Oui par l'ampleur du propos. Mais un peu long (832 pages quand même ), et peut-être possédant la fougue maladroite d'un premier texte qui veut tout dire, tout prouver... Etre peut-être cette bonne élève tant voulue par ses parents ? Il est intéressant de constater que dans Pachinko, l'autrice trouve davantage ses marques en privilégiant l'équilibre du récit. Mais La famille Han, outre une genèse intéressante pour comprendre le travail de lautrice, se lit aisément, comme on regarderait une saga à la télévision. Peut-être un jour une nouvelle adaptation verra-t-elle le jour comme pour Pachinko ?
>>Lire aussi notre article sur Pachinko de Min Jin Lee

Sugar street de Jonathan Dee, Les Escales, 208 pages, 22 euros

Quelle histoire ? Sans nom ni visage, un homme fuit son passé avec 168 548 dollars cachés dans sa voiture. Son but : une vie plus simple, loin de tous les privilèges qui ont construit son identité.
Arrivé dans une ville inconnue, il loue un studio auprès d'Autumn, une femme étrange. Chacune de leurs rencontres est marquée par une méfiance mutuelle. Petit à petit, l'argent, comme un sablier qui s'égrène, se tarit.

Pourquoi ce livre ? Effacer toute sa vie, jusqu'à son nom, pour tout recommencer. Un sujet éminemment littéraire. Ici, cet homme fuit son passé pour vivre au plus près de sa vérité. Sugar Street est une réflexion sur le monde moderne et ses dérives. Une recherche d'une autre vie. Et si cela était possible ? Sugar Street se situe dans la continuité de Walden ou la Vie dans le bois de Thoreau, version urbaine. Intriguant et questionnant.

 

 

Memphis de Tara M. Stringfellow, Charleston, 368 pages, 22,90 euros

Quelle histoire ? Dans la chaleur étouffante de l’été 1995, après un énième débordement de colère de son père, Joan North trouve refuge avec sa mère et sa jeune soeur dans la majestueuse maison qui a vu les femmes de sa famille grandir. Tapissé de lierre et de chèvrefeuille où nichent colibris, abeilles et papillons, ce verdoyant havre de paix semble raconter sa propre histoire. En poussant la gigantesque porte de bois, Joan sait qu’elle va découvrir d’innombrables fantômes. Celui de son grand-père, lynché après être devenu le premier inspecteur noir de la ville. Celui de sa grand-mère qui, guidée par une rage incandescente, transforma son salon en lieu de rassemblement du mouvement révolutionnaire noir de Memphis. Et sa propre terreur, qui la submerge en même temps que ses souvenirs lorsqu’elle passe le seuil de la véranda. Confrontée aux tragédies des générations qui l’ont précédée dans cette demeure, Joan devine intimement, du haut de ses dix ans, que la violence n’est jamais loin...

Pourquoi ce livre ? Un portrait puissant de trois générations de femmes noires, qui célèbre la complexité de ce qui se transmet au sein d’une famille, d’une communauté et d’une nation tout entière. Le livre soulève la question profondément ancrée de l'identité afro-américaine et de la manière dont les jeunes générations veulent sortir des représentations dans lesquelles les anciennes restaient soumises. Au-delà, le livre est un message d'espoir et de résilience.

Là où sont tes racines d'Ellen Marie Wiseman, Traduction Typhaine Ducellier, Faubourg Marigny, 400 pages, 22 euros

Quelle histoire ? « Fleuris là où tu es plantée. », c’est le conseil que Christine Bolz reçoit de sa grand-mère, sa bien-aimée Oma. Mais Christine, 17 ans, domestique, sait que le monde entier l’attend au-delà de son petit village allemand. Un monde qu’elle a commencé à apercevoir grâce à la musique, aux livres et à Isaac Bauerman, le fils cultivé de la riche famille juive pour laquelle elle travaille. Pourtant, l’avenir qu’elle et Isaac rêvent de partager fait face à de plus grands défis que leur différence de niveau social. À partir de l’automne 1938, l’Allemagne se transforme rapidement sous le régime hitlérien. Des affiches anti-juives pullulent, les rébellions sont réduites au silence et une nouvelle loi interdit à Christine de reprendre son travail chez les Bauerman et d’avoir une relation avec Isaac. Durant les mois et les années qui vont suivre, Christine va affronter la colère de la Gestapo et les horreurs de Dachau, désespérée d’être avec l’homme qu’elle aime, de survivre et de s’exprimer.

Pourquoi ce livre ? Ce livre a été classé best-seller par le New York Times. L'autrice qui est d'origine allemande est née aux Etats-Unis. Là où sont tes racines est son premier roman. Le travail de mémoire, qu'Ellen Marie Wiseman a mené au nom de tous les siens avec ce roman, révèle l'Allemagne nazie du point de vue allemand au sein d'un petit village. Dans The New York Journal of Books, le critique littéraire n'hésite pas à situer ce livre entre deux ouvrages phares :  « Là où sont tes racines trouvera une bonne place sur vos étagères, aux côtés de Elle s’appelait Sarah de Tatiana de Rosnay et de La Nuit d’Elie Wiesel. » Un livre qui est indéniablement porté par la force de son récit et l'importance de la transmission intergénérationnelle. Le lire permet de comprendre la longue et nécessaire marche de la mémoire... 
>Sortie le 9 mars 2023

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