« Bonjour Vieillesse……
J'aurais pu dire :
Vieillir, c'est désolant, c'est insupportable,
C'est douloureux, c'est horrible,
C'est déprimant, c'est mortel.
Mais j'ai préféré «chiant»
Parce que c'est un adjectif vigoureux
Qui ne fait pas triste.
Vieillir, c'est chiant parce qu'on ne sait pas quand ça a commencé et l'on sait encore moins quand ça finira.
Non, ce n'est pas vrai qu'on vieillit dès notre naissance.
On a été longtemps si frais, si jeune, si appétissant.
On était bien dans sa peau.
On se sentait conquérant. Invulnérable.
La vie devant soi. Même à cinquante ans, c'était encore très bien….Même à soixante.
Si, si, je vous assure, j'étais encore plein de muscles, de projets, de désirs, de flamme.
Je le...
A. irait jusqu'à soutenir que les événements d'un vie peuvent aussi rimer entre eux. Un jeune homme loue une chambre à Paris et puis découvre que son père s'est caché dans la même chambre pendant la guerre. Si l'on considère séparément ces deux faits, il n'y a pas grand chose à en dire. Mais la rime qu'ils produisent quand on les voit ensemble modifie la réalité de chacun d'eux. De même que deux objets matériels, si on les...
Extrait 2. Non, tu ne veux pas mourir, et alors même que tu t'approches de l'âge qu'avait ton père quand sa vie a pris fin, tu n'as pas pris contact avec tel ou tel cimetière pour t'occuper de ta concession funéraire, tu n'as donné aucun des livres que tu es certain de ne jamais relire et tu n'as pas commencé à t'éclaircir la gorge pour faire tes adieux.
Néanmoins, il y a treize ans de cela, juste un mois après ton cinquantième...
Extrait 1. Encore de la neige aujourd'hui, et quand tu sors du lit et t'approches de la fenêtre, les branches de l'arbre, dans le jardin de derrière, sont en train de devenir blanches. Tu as soixante-trois ans. Il te vient à l'esprit que, dans le long voyage qui t'a mené de l'enfance à aujourd'hui, rares ont été les moments où tu n'as pas été amoureux. Trente ans de mariage, oui, mais dans les trente années qui ont précédé,...
Les levers de soleil sont un accompagnement des longs voyages en chemin de fer, comme les œufs durs, les journaux illustrés, les jeux de cartes, les rivières où des barques s'évertuent sans avancer.
A un moment où je dénombrais les pensées qui avaient rempli mon esprit pendant les minutes précédentes, pour me rendre compte si je venais ou non de dormir (et où l'incertitude même qui me faisait me poser la question, était en train de...
J'ai longtemps pensé que j'étais le seul au monde à connaître Albert Camus, à le comprendre, et qu'il n'écrivait que pour moi. Camus, c'est mon père, mon frère, mon professeur, mon ami. Il me console des chagrins de l'existence. Avec lui, je ne me sens jamais seul. Je le comprends mieux que quiconque. Nul n'avait vécu ce que lui et moi avions vécu : la pauvreté, le vertigineux écart social entre notre milieu d'origine et celui...
Après la terrible affaire du Château, si glorieusement terminée par la victoire de Bouzigue, la joie s'installa dans la petite Bastide-Neuve, et les grandes vacances commencèrent.
Cependant, la première journée ne fut pas celle que j'avais vécue par avance avec tant de frémissante joie : Lili ne vint pas m'appeler à l'aube, comme il me l'avait promis, et je dormis profondément jusqu'à huit heures.
Ce fut le tendre crissement d'un...
Lili savait tout; le temps qu'il ferait, les sources cachées, les ravins où l'on trouve des champignons, des salades sauvages, des pins-amandiers, des prunelles, des arbousiers; il connaissait, au fond d'un hallier, quelques pieds de vigne qui avaient échappé au phylloxéra, et qui mûrissaient dans la solitude des grappes aigrelettes, mais délicieuses. Avec un roseau il faisait une flûte à trois trous. Il prenait une branche bien sèche...
Les bartavelles
Oui, c'était bien un vallon, qui se creusait à mesure que je m'approchais. Peut-être était-ce celui du matin ?
Les deux mains en avant, j'écartais les térébinthes, et les genêts, qui étaient aussi grands que moi… J'étais encore à cinquante pas du bord de la barre, lorsqu'une détonation retentit, puis, deux secondes plus tard, une autre ! Le son venait d'en bas : je m'élançai, bouleversé de joie, lorsqu'un vol de...
J'ouvre les yeux. Je me dis que cette journée est belle puisque nous allons nous voir ce soir. Je souris à l'idée de ce rendez-vous et sens, dès le matin, cette boule dans le ventre qui dit que je t'aime peut-être plus que je ne le pensais. Une longue attente s'étale devant moi jusqu'à te voir. Aurons-nous le temps de nous aimer ? Je me pré‑ pare. Je veux que tu tombes à la renverse en me voyant et tu tomberas. Je m'habille. Je ne...