"Fendre l'armure"

Il est comment le dernier Anna Gavalda?

Anna Gavalda est de retour ! Trois ans après son dernier livre, La vie en mieux, elle revient à son premier amour, la nouvelle, avec Fendre l’armure. Bien que ce soit rarement le genre littéraire préféré du public, elle relève une nouvelle fois le pari, en produisant une œuvre émouvante et sincère. Comme à son habitude, elle laisse la parole à des personnages solitaires et écorchés par la vie. Pour son retour Anna Gavalda fend vraiment l’armure.

Fendre l’armure, de quoi ça parle ?

« On me demande d'écrire quelques mots pour présenter mon nouveau livre aux libraires et aux critiques et, comme à chaque fois, ce sont ces quelques mots qui sont les plus difficiles à trouver. Je pourrais dire que c'est un recueil de nouvelles, que ce sont des histoires, qu'il y en a sept en tout et qu'elles commencent toutes à la première personne du singulier mais je ne le vois pas ainsi. Pour moi, ce ne sont pas des histoires et encore moins des personnages, ce sont des gens. De vrais gens. Pardon, de vraies gens. C'est une faute que j'avais laissée dans mon manuscrit, "la vraie vie des vrais gens", avant que Camille Cazaubon, la fée du Dilettante, ne me corrige : l'adjectif placé immédiatement avant ce nom se met au féminin. Quelles gens ? Certaines gens. De bonnes gens. Cette règle apprise, je suis allée rechercher tous mes "gens" pour vérifier que tous s'accordaient bien et j'ai réalisé que c'était l'un des mots qui comptait le plus grand nombre d’occurrences. Il y a beaucoup de "gens" dans ce nouveau livre qui ne parle que de solitude. Il y a Ludmila, il y a Paul, il y a Jean (!) et les autres n'ont pas de nom. Ils disent simplement "je". Presque tous parlent dans la nuit, pendant la nuit, et à un moment de leur vie où ils ne différencient plus très bien la nuit du jour justement. Ils parlent pour essayer d'y voir clair, ils se dévoilent, ils se confient, ils fendent l'armure. Tous n'y parviennent pas mais de les regarder essayer, déjà, cela m'a émue. C'est prétentieux de parler de ses propres personnages en avouant qu'ils vous ont émue mais je vous le répète : pour moi ce ne sont pas des personnages, ce sont des gens, de réelles gens, de nouvelles gens et c'est eux que je vous confie aujourd'hui. » Anna Gavalda

Pourquoi on aime ?

Dix-huit ans après son premier recueil, Je voudrais que quelqu'un m'attende quelque part, Anna Gavalda revient avec sept nouvelles, sept personnages. Renouant avec le genre qui a lancé sa carrière, elle nous dévoile la vie de deux femmes et de cinq hommes, le temps d’un instant, le temps d’une rencontre qui sera pour ces personnages l’occasion de fendre l’armure et de lâcher prise. Chaque nouvelle est très différente mais toutes parviennent à nous transporter et à nous émouvoir, notamment à cause de leur sincérité. Il faut dire que l’auteur manie l'humour, la poésie et l'émotion comme personne, chaque nouvelle se compose par petites touches de ces trois critères et forme ainsi le style si particulier d’Anna Gavalda. En effet, elle parvient à incarner chacun de ses personnages avec une justesse incroyable. On y découvre des personnages comme vous et moi, qui pendant quelques pages nous font part de leur histoire et de leur vie, tout simplement. Que ce soit un avocat du 16ème arrondissement, une femme alcoolique ou bien une jeune fille, le lecteur y croit. Les personnages sont attachants et on ressent beaucoup de tendresse à leurs égards puisqu’il est très facile de s’identifier à eux. L’écriture particulière d’Anna Gavalda s’adapte très bien à la forme courte. Toujours précise et incisive son style change et s’adapte en fonction de l’histoire. Dans de nombreuses nouvelles l’auteure joue avec la langue et l'argot, pour notre plus grand plaisir. Fendre l'armure est donc un recueil qui expose adroitement les petits détails de la vie de tous. 

Quelques extraits

« Et je souriais. Et c'était nouveau. Et c'était bon. Je n'avais pas souri comme ça depuis si longtemps. Je souriais et je me suis mise à pleurer à chaudes larmes. De sourire enfin me permettait de pleurer enfin. Pas de la petite larmichette amère comme à l'instant d'avant ou au café le matin même, mais de bonnes grosses larmes bien grosses, bien grasses, bien rondes et bien chaudes. Du corps qui lâche. De la dureté qui cède. Du chagrin qui fond. C'était la première fois que je pleurais devant quelqu'un. »

« Il y avait deux filles en face de moi. Une moche qui a aussitôt baissé la tête en se marrant et une canon qui m’a torpillé du regard avant de renquiller ses écouteurs dans un soupir excédé. Le con. La moche, je m’en foutais, mais la jolie ça me tuait. J’ai gratté encore un peu de somnolence histoire de me recomposer une gueule de killer à peu près décente et je suis revenu dans la partie, mon carré bien en main. Je me suis redressé, je me suis rajusté, j’ai rentré ma chemise dans mon pantalon, j’ai arrangé mon col, je me suis recoiffé (gel à la bave de zombi, tenue garantie), j’ai lissé mes sourcils, j’ai passé ma langue sur mes lèvres desséchées par l’alcool et les embruns et je me suis remis en mode chasse et cueillette. Mains qui rabattent, soupçon de dédain pour marquer l’arrêt, regard qui tient en joue et sourire qui embroche. Je parle de l’avion de chasse évidemment. L’autre, y avait rien à braconner, elle était déjà embusquée dans un livre. »

Anna Gavalda, une femme discrète

Née en 1970 à Boulogne-Billancourt, Anna Gavalda est envoyée en pension à l'âge de quatorze ans. Son parcours scolaire est assez classique. D’abord étudiante en hypokhâgne elle poursuit ses études supérieures avec une maîtrise de lettres modernes à la Sorbonne. Durant son cursus scolaire c’est une élève qui aime lire et écrire. Par la suite elle exerce divers petits boulots avant d’envoyer sa candidature à Madame Figaro. Elle cumule ensuite les métiers de chroniqueuse pour le Journal du Dimanche, de professeur de français et d'assistante-vétérinaire. Son aventure avec la littérature débute en 1992, année où elle devient lauréate France Inter pour "La Plus Belle Lettre d’amour." Bien qu’elle fait l’unanimité dans de nombreux concours de nouvelles et d’essais, elle ne parvient pas à se faire publier. Après de nombreuses demandes c’est finalement la maison d’édition Le Dilettante qui lui offre sa chance. "Je voudrais que quelqu’un m’attende quelque part", son premier recueil, obtient le Grand Prix RTL-Lire en 2000. Il sera réimprimé douze fois et traduit dans 27 pays. En 2002 paraîtra son premier roman, "Je l'aimais", adapté au cinéma par Zabou Breitman en 2009. Suivront un roman pour adolescents en 2002 et son grand succès, "Ensemble, c'est tout" en 2004, adapté au cinéma par Claude Berri. Au printemps 2008, son éditeur historique annonce la sortie d'un nouveau roman, forcément très attendu suite au succès des précédents, "La Consolante". Le livre narre l'histoire d'un architecte qui décide de changer totalement de vie après la mort d'une femme qu'il a connue enfant. Au même moment Anna Gavalda a annoncé qu'elle se refuserait à toute tournée promotionnel, contrairement aux sorties de ses précédents ouvrages pour lesquels elle avait donné beaucoup de son temps et sacrifié en partie sa vie personnelle. Entre 2004 et 2008, l'auteur a ainsi généré plus de 32 millions d'euros de chiffre d'affaires d'après une étude GfK5. En 2013, elle sort son nouveau roman intitulé "Billie". Aujourd'hui, divorcée avec deux enfants, Anna Gavalda vit à Melun, où elle est documentaliste à mi-temps dans un collège. Elle tient également une chronique pour le magazine Elle.

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