On relit nos classiques

Dickens, le chant du réel

Charles Dickens (1812-1870) était l’un des écrivains les plus populaires de son temps et demeure aujourd’hui l’un des auteurs anglais les plus lus et appréciés. Issu d’une famille modeste, il est mort en homme riche et célèbre. Son génie constitue une source d’inspiration intarissable, avec notamment  des adaptations récentes à l’écran pour un public averti, mais également pour les plus jeunes (on pense par exemple à l’adaptation de Disney), qui témoignent bien du caractère universel de la voix littéraire de cet auteur visionnaire.

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Le réalisme et Dickens

Charles Dickens apparaît comme l’un des plus grands romanciers de l’époque victorienne, et comme l’un des piliers du réalisme anglais. Ces récits relèvent en effet de l’esthétique réaliste, qui s’est développé dans la littérature et les arts en Europe et aux Etats-Unis, dans le courant du XIXe siècle. De fait, les œuvres de Dickens se caractérisent par un ancrage fort dans la réalité qui l’entoure, la société victorienne, qu’il s’attache à dépeindre avec précision, pour bien souvent en faire la critique. Il s’est notamment intéressé à travers ses ouvrages à l’émergence de la société industrielle, certainement l’un des plus grands bouleversements de son temps, et son impact néfaste sur les travailleurs et les populations. Ainsi, les romans de Dickens nous ont offert quelques unes des figures les plus marquantes de la littérature anglaise, avec notamment Oliver Twist, Ebenezer Scrooge, David Copperfield ou encore Uriah Heep, personnages emblématiques  de la dénonciation sociale, qu’elles tendent vers le Bien ou vers le Mal. En effet,  les romans de Dickens sont souvent marqués par une forte polarisation, qui dénote un  goût certain pour le mélodrame. Ce genre ou registre, c’est selon, permet la mise en œuvre de rebondissements réguliers,  propre à l’écriture des romans feuilletons de l’époque. Il faut le rappeler, les romans de Dickens, comme ceux de son confrère réaliste français Balzac, étaient publiés en différentes parties dans des périodiques. Ainsi, le recours aux coups de théâtres et autres rebondissements – pas toujours très réalistes, paradoxalement - étaient nécessaires pour entretenir le suspense et engager le lecteur à lire la partie suivante à la prochaine parution du journal. La polarisation, en créant des personnages très mauvais et de très bons, favorisait la mise en place de ces rebondissements, mais servait également un but plus noble, celui de la dénonciation sociale, qui s’opérait par la monstration de cas extrêmes.

 

David Copperfield : entre roman autobiographique et dénonciation sociale 

David Copperfield (1850) raconte les années d'enfance du personnage éponyme, son obligation de travailler dès son plus jeune âge, son retour vers l’éducation et sa carrière dans le droit, ainsi que son élan final vers l’écriture. C’est en s’inspirant de sa propre expérience que Dickens écrit David Copperfield, et ces étapes sont celles par lesquelles Dickens lui-même est passé. L’auteur a dû en effet travailler pendant son enfance pour subvenir aux besoins de sa famille alors que son père était emprisonné à cause de ses dettes. A la sortie de prison de son père, il a pu reprendre ses études, pour devenir clerc, jusqu’à ce que le choix de l’écriture s’impose à lui. On trouve d’ailleurs dans le roman une caricature du père de Dickens à travers le personnage de Wilkins Micawber, qui se caractérise par son charme mais également par sa grande irresponsabilité. Mais c’est là que s’arrête la veine  autobiographique, qui n’est exploitée ici que comme terreau pour bâtir la dénonciation sociale. En effet, c’est justement parce qu’il s’agit d’un environnement qu’il connaît très bien que l’auteur peut évoquer la difficulté et l’injustice du travail des enfants, mais également l’atmosphère austère des prisons, ainsi que la détresse ressentie par les familles des prisonniers. "Revenu annuel: vingt livres; dépenses annuelles: dix-neuf livres, dix-neuf shillings, six pence; résultat: le bonheur. Revenu annuel: vingt livres; dépenses annuelles: vingt livres, zéro shilling, six pence; résultat: la misère.“ nous dit le narrateur. David Copperfield est l’occasion pour l’auteur de révéler la cruauté d’une société qui n’hésite pas à exploiter l’innocence même, à travers la figure de l’enfant. Une société industrielle fondée sur l’exploitation et la corruption d’où les valeurs sont souvent absentes.

 

Un roman d’apprentissage

David Copperfield appartient à la catégorie des Bildungsroman,  c'est-à-dire des romans d’apprentissage, il ouvre la voie et sera une source d’inspiration pour des romans tels que Jane Eyre de Charlotte Brönte ou encore Jude l’obscur de Thomas Hardy. Le roman initiatique met en scène le cheminement du héros, généralement jeune, vers l’accès à l’âge adulte et la découverte de soi et du monde qu’il implique. David Copperfield témoigne de l’évolution du personnage principal par le regard rétrospectif que porte le narrateur sur lui-même, alors qu’il nous conte son apprentissage littéral, à travers son expérience du travail et son chemin vers l’écriture, mais aussi métaphorique, à travers son apprentissage de la vie. L’importance de l’éducation est clairement mise en œuvre dans le texte,  les figures de la maternité y détiennent une place centrale. La conviction de Dickens était que la mère détient un rôle prépondérant dans la construction de l’individu, il établit donc un parallèle, les mauvaises mères engendrent de mauvais enfants, c’est le cas de Mrs Heel, alors que les figures maternelles fortes créent des enfants bons, c’est le cas de David et de sa tante Miss Betsey. Et n’oublions pas le lien qui unit l’auteur à sa création, Dickens lui-même a qualifié David Copperfield d’« enfant préféré ».

 

Une morale imagée

Dickens écrit Un chant de Noël (1843) avec l’intention d’attirer l’attention de ses lecteurs sur le sort des miséreux en Angleterre, dans la veine de la critique sociale caractéristique de son œuvre. Ebenezer Scrooge, le personnage principal du conte, antipathique et pingre, qui ouvre son cœur après avoir reçu la visite de trois esprits, demeure l’une des créations les plus célèbres de Dickens.  Le conte déploie alternativement une description indirecte des labeurs des populations pauvres et un tableau magnifié de la saison des fêtes de Noël. Bien que le récit soit construit sur une allégorie assez simple, la profondeur de l’histoire, sa narration subtile et la vivacité de ses personnages en ont fait l’un des contes de Noël les plus populaires, et l’un des récits les plus appréciés de Dickens, témoignant de la variété et de l’extrême sensibilité de la création littéraire de l’auteur.

En savoir plus

Charles Dickens, David Copperfield, Le Livre de Poche

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