"Nil Célius"

Alix Verne : "L'onirisme de l'enfance donne les clés d'un autre monde"

Alix Verne a longtemps rêvé de sortir du monde qui l'enfermait. Son "autre côté du miroir" est peuplé de créatures imaginaires. Il parle de personnages changeants, d'un temps qui ne se décompte plus et d'une narration énigmatique. Vous l'aurez compris, son premier récit Nil Célius est un Objet non identifié qui se promène entre deux galaxies. Un nouveau talent découvert parmi les rares pépites de l'autoédition. Rencontre avec un auteur qui rend hommage à tous les héros des Comics américains et qui n'a pas fini de nous surprendre.

Légende : Détail de la couverture de "Nil Célius" d'Alix Verne

Viabooks : Aux marges de la Science fiction, et du policier, le style de votre roman est inclassable. Où le situez-vous ?

-Alix Verne : Tout d’abord, j’aime l’idée qu’il soit inclassable. Justement. Ce qui ne veut pas dire effrayant ou rebutant. Le style nait souvent de ce que l’on refuse. Jouissif, pour un créateur. Mais avec simplicité, j’ai voulu penser mon travail au carrefour de la littérature, du cinéma et de la BD. Presque à parts égales. C’est là ma première clé d’or.

C’est une littérature de l’image et qui simultanément sonne classique avec une langue soignée et des références ?

-A.V. : Le fruit d’une époque. On construit dès lors de façon visuelle, où jadis, à mon sens, nous étions… descriptifs. Alors que faire de son savoir ? Un lien. Il faut être sot pour ne pas se nourrir de l’idée, prétentieuse pour certains, de l’excellence française. Pourquoi s’en priver, je n’ai guère à me forcer ? Je lui dois tant.

On sent que Marvel, la BD fantastique hante le récit… est-ce la fascination des comics américains, un procédé, ou un univers dont vous êtes captifs ?

-A.V. : L’emprisonnement onirique de l’enfance, voyons !  Des peintres, des poètes, des savants de renom, et d’impressionnants vieillards, n’ont eu de cesse de loger l’austérité dans le cœur frais de leur prime jeunesse. Chuut ! Conserver à vie ce goût de l’émerveillement, quoi d’autre ? Vous comprendrez d’ailleurs pourquoi je n’intellectualiserai pas…

La structure du roman est pour le moins surprenante, pouvez-vous expliquer ses fondements et son mouvement…

-A.V. : J’ai toujours détesté les « pensa-t-il », les « remarqua-t-il » ou autres « marmonnaient-ils » et « répéta-t-elle » dans un récit. Cela tombait bien. Le personnage principal est un morphique (un être qui change d’apparence), sa constitution lui permet de percevoir au-delà de nos insignifiances sensorielles. Pourquoi ne pas rentrer ainsi dans sa tête ? Et devenir mutant, spécifique à notre tour ?!

C’est un livre à clefs, on sent bien que c’est une invitation mais qu’il faut connaître certaines règles et s’y conformer. Lesquelles ?

-A.V. : Ma ponctuation emprunte parfois aux codes de la BD, à savoir plus marquée. Les cinq premières pages sont des saynètes, qui ont sens dans le récit et servent d’installation, comme au cinéma, avant le grand saut. L’auteur, interviewé, dans son propre livre, décrit clairement le contexte. Un générique, après quelques dizaines de pages, précise les noms des personnages et leurs fonctions, on s’y réfère à temps. Ainsi, insoumis pour le style, je n’oublie jamais le lecteur…

Quelles sont vos ambitions : quelle histoire pour quelle morale ?

-A.V. : Le roman avant tout au monde, le cinéma, les séries, la BD, les jeux vidéo et les produits dérivés. C’est immodeste. Mais pourquoi mentir ? Je veux m’octroyer le luxe de créer librement et de continuer à rêver. Je ne sais faire que cela. Pire, j’en suis heureux. Ah ! Pour la morale de mes héros, comme pour le Trône de fer et bien d’autres œuvres de genre, les humains sont ce qu’ils sont, hélas.

Le procédé narratif surprend, c’est une espèce de dialogue intérieur, à la fois très bavard et intériorisé. Pouvez-vous nous en dire plus ?

-A.V. : Le personnage se révèle puissamment analytique. Dans une ère où les mutants minoritaires s’affirment. Ce spécifique ne peut échapper à sa nature. Penser. Il s’agit d’ailleurs du premier cas pour cette nouvelle police. D’autres suivront avec leurs différences.

L’écriture est dense, tendue… elle exige une valeur d’attention supérieure n’avez vous pas peur de perdre des lecteurs au passage ?

-A.V. : Je m’adresse à des lecteurs qui aiment une fois dans l’année se recueillir et rêver totalement. Je nous offre une autre vie.

Ce livre s’inscrit-il dans une ambition plus large de saga ou de trilogie ou autres, car on a le sentiment que c’est un univers qui se met en place… ?

-A.V. : C’est en effet une œuvre « crescendo ». Ce livre installe les protagonistes, les puissances en lice, et la nature fantastique de cette ère qui balaiera tout. Viendront les temps des grandes batailles !

Le mot de la fin…

-A.V. : « Pousser la porte. »…

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Légende : Composition graphique d'Alix Verne à l'image de son univers littéraire

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>Lire un extrait de Nil Célius

"Parfois, je palpais une mélancolie, que suscitait la dissolution du tumulte, qui n’offrait plus que des teintes douces. Suivez mon déroulement. J’étais un peu, aussi, à ma manière, un policier. Pour comprendre le Magnifique, il me semblait d’ailleurs utile de décortiquer ses motifs. Cet ennemi avait bien un point faible. Je réadaptais sans discontinuer mon système sensoriel. Je devais couvrir ainsi de plus vastes étendues. Je percevais l’arrivée de ce sarcophage qui se construisait dans notre galaxie, car à défaut de saisir cet alien, les Astrongs enfermeraient un pan de l’espace. Usons d’un autre minuteur. De plus en plus d’animaux, quelques centaines environ, à portée de récepteurs, avaient le regard orienté vers ce champ de force, comme dérangés par les cieux. Entendaient-ils Axgram et son maître, avec cette flopée d’égicopteurs ? Le berceau numérique de cette tour résistait assez bien, mais des structures, partout dans la ville, commencèrent à céder. Les Dômes avaient pris de court ses concurrents, pour la solidification des grands bâtiments parisiens, beaucoup donc manquaient à l’appel, dans leurs prévenances. Trois ou quatre mois eurent été nécessaires pour la clôture de ce coûteux chantier. J’imagine que vous aviez eu la détestable et naïve impression d’une éternité ! Plusieurs pouvoirs s’étaient infiltrés dans ce désordre pour rythmer la danse. Ces humains, et leur adaptation imprévisible, il naissait ainsi dans ces récents langages gestuels, communautaires, qui permettaient pour un temps de se soustraire à leur espionnage télévisuel… des messages intéressants, pour nous. Quelque chose de nouveau se manifestait. Une ruée soudaine s’exerçait sur vos dwitchs. Par facétie, Kélios Akoune avait revêtu une toge. Un clavecin restituait, sous les doigts d’un virtuose, le climat d’une cour d’antan. Il se devinait quelques trouées dans cette tissure temporelle. Une désynchronisation dans les retours des voix. Des dysfonctionnements patents. N’oubliez pas que je savais aisément me soustraire. Mon seuil d’endurance devenait plus robuste que vous ne le supposiez. La Terre déployait nombre de défenses. Poursuivons ma gloutonnerie sonore. Mes gadgets ?

Dis, ça n’a pas lésiné avec leurs cow-boys, cette nuit. Le monstre a écharpé à qui mieux. Trente-trois victimes, dont nul ne distingue plus les peaux, et le squelette ! Un charivari de tordus. Ceci pour une couronne de Messian. Les abords avaient des relents parfumés, d’un genre saturé, mais toxique, apparemment. Leur aventure circule dans la ville. Tu y crois. Un repaire de brigands dans le plus huppé de leurs secteurs. Fallait oser ! Le Corsaire aurait été aperçu. Hors de lui, et bourré. Ainsi qu’une charogne, tant elle était putride. Tu imagines, des coups de bec dentelé. Un indic qu’on aurait un peu trop questionné. Enfin, soyons vigilants. Le show va démarrer. On reçoit toute cette haute société. Si ça se trouve, notre sujet a pénétré la place. Ouvrons l’œil. Nous demeurons aux commandes pour cette entrée, et la presse déjà n’arrête pas de gesticuler. Donne-moi une ou deux pastilles que j’augmente ma lucidité. Nous ne pouvons, je sais, en prendre au-delà. Prescription oblige. Mais je préfère briller à mon summum, la sécurité du Rivage commence ici. J’ai des palpitations !

Plutôt sévère, tu as raison, comme choc. J’avais pourtant été prévenu. Nous brumisons sur l’esplanade. Afin d’éviter les malaises en cascade. Cette fête, je l’espère, nous aidera un tantinet à oublier les drames… Et l’approche de ce craignos de Magnifique. Les infos cheminent infernales grâce à ce site pirate Hac’héros. Nous ne resterons pas sans riposter. Nos hangars libèrent notre flotte aérienne. Des pactes seront signés, je ne conçois pas qu’il puisse en être autrement. Paris au peigne fin, une situation qui promet. Nous avions besoin de calme, et tous s’entredéchirent. Au fait, leur ministre de l’Intérieur se pointe, avec ce commissaire promu, Morzensky. Nous avons des consignes, procédons avec subtilité, mais fermeté. Bonjour. Puis-je vérifier votre sac ? Merci, excellente retraite… Euh, l’affaire retentira. Nous protégerons leur ville. Nous y avons mis les moyens. Ma Dame devra absolument taire les rivalités. Nos existences en dépendront. Mon pays Dartois ne se reconnaît plus depuis. Que nous arrive-t-il ? À quelle sauce serons-nous mangés ?! L’or gluk n’y changera rien, compère."

>Ecouter deux créations musicales d'Alix Verne en cliquant sur ce lien

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