«Sous l'aile du lion»

Revivre à Venise avec Céline Debayle

Sous l'aile du lion (Arléa) est un texte porté par une écriture sensuelle et gourmande. Toute en émotion contenue, Céline Debayle y écrit le retour à la vie d'une narratrice qui vient de subir deuils et séparation. Elle trouve à Venise l'enivrement de la Beauté. Et nous emporte sur les ailes de son désir.

Portrait de Céline Debayle © Jean-Claude Cintas pour Arléa Portrait de Céline Debayle © Jean-Claude Cintas pour Arléa

Céline Debayle aime les voyages, l'art et les paysages. Elle goûte la poésie, autant que la beauté sous toutes ses formes. Son principal lieu d'ancrage est Venise, qu'elle évoque magnifiquement dans son dernier livre, Sous l'aile du lion (Arléa). Même si la Sérénissime n'en est pas le sujet principal, elle compose le contrepoint d'un texte qui réussit en peu de pages à évoquer deux deuils et une séparation, tout en convoquant la magie sensuelle de la ville. 

 « À Venise, peindre avec les yeux »

Une ville, ou plutôt un monde, un reflet de l'infini et de l'éternité. Une ville, dont les canaux nourrissent Violette, la narratrice, comme une éternelle eau consolante, miroitante, renaissante. Un lion ailé est l'emblème de ce lieu qui ne va nulle part. C'est un lion qui peut aussi exprimer la peine de quelques jours funestes. Que c'est triste Venise, parfois...

  • « À Venise, dit Violette, j’aime peindre avec les yeux… C’était à l’église Dei Frari, devant le mausolée du sculpteur Antonio Canova… un grand lion ailé incarnant Venise abattue de chagrin. En le voyant, Violette étouffa et trembla, et, près du félin terrassé, elle aussi faillit s’effondrer. Ce jour-là, elle sut que le beau pénètre autant l’esprit que le corps, qu’il peut ressusciter autant qu’assassiner...» (page 63)

La perte et le refuge

Lorsque Violette perd sa sœur, Blanche, un peu trop fragile pour un monde sans merci, elle sait que Venise sera le lieu de son salut. Elle y est accueillie par la bien nommée Santa-Maria della Salute. La lente disparition de sa mère, Rose, qui finira par rejoindre sa fille Blanche, vient encore vider la narratrice de ses derniers éclats. La fleur perd sa sève. Mais peut-être pas sa vie ? Le texte de Céline Debayle, rempli de lumière, porte d'abord celle noire du «deuil et de la mélancolie».

  • «Quand la Mort revient narguer Violette, voûtant sa fluette silhouette, elle la fuit jusqu’à La Fenice. Elle entre au bar du Théâtre, et là, dans les effluves lactés de cappuccino, elle se redresse. Et elle la brave.» (page 113)

Alors, pour Violette la narratrice, Venise est un refuge, une source vitale. La magie des ruelles et des églises qui regorgent de trésors, les surprises qui se mêlent aux histoires, les réminiscences d'un passé heureux. Eros et Thanatos. Il est beaucoup question de désir et de volupté. Céline Debayle personnifie « sa» ville en la qualifiant de multiples attributs. Elle écrit avec un phrasé poétique qui scande la promenade, nourrit le lecteur de multiples saveurs.

Renaître par la jouissance sensuelle de la beauté

Le Beau serait-il aphrodisiaque ? Possèderait-il une âme ? On peut se le demander en lisant Sous l'aile du lion. La narratrice sait qu'à Venise, on tourne, on se regarde, on s'envisage, on s'évade. On se complaît voire même on se perd avec jubilation. Les effleurements mêlés aux senteurs sont autant de moments à l'érotisation suggérée. Pour le lecteur, ce texte fonctionne comme une madeleine qui fait remonter ses propres souvenirs sensuels et sensoriels.

  • «Il reste les lieux vénitiens de délices. Les hôtels sensuels aux étoffes Fortuny et les lustres de pâte de verre. Le théâtre de La Fenice, les églises et les musée aux admirations artistiques électrisantes, frisant le frisson érotique. Les tavernes aux plaisirs de bruschetta et de mascarpone, aux serments plus liquoreux que le maraschino à l'arôme de cerise. » (page 87)

Un peu à contre-courant d'une époque qui aime les accroches provocatrices et les témoignages victimaires, ce texte plein d'énergie et de douceur se découvre surtout par ce qu'il ne dit pas. Comment écrire un chagrin qui ne peut se nommer si ce n'est par un détour ? Parfois, face à l'impossible apaisement, seule la beauté visible permet de se reconnecter à l'invisible. Céline Debayle nous montre un beau chemin de consolation par la jubilation et la renaissance par l'ivresse de la vie. 

>Céline Debayle, Sous l'aile du lion, Arléa, 140 pages, 17 euros >>pour acheter le livre, cliquer sur ce lien

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