Rentrée littéraire 2023

Premiers romans : les talents à découvrir

En cette rentrée littéraire resserrée, 74 premiers romans se dévoilent. Et quelques nouvelles plumes sortent déjà du paysage : Victor Dumiot, Julie Héraclès, Alice Renard, Bruno Markov, Moktar Amoudi, Thibaud Gaudry... Tous ces auteurs signent ici leur premier texte, porteur de grandes promesses. Notre sélection de ces talents à découvrir.

1. La colère et l’envie d’Alice Renard , Ed. Héloïse d’Ormesson, 160 pages, 18 euros

Quelle histoire ? Isor n'est pas comme les autres. Une existence en huis clos s'est construite autour de cette petite fille mutique rejetant les normes. Puis un jour, elle rencontre Lucien, un voisin septuagénaire. Entre ces âmes farouches, l'alchimie opère immédiatement. Quelques années plus tard, lorsqu'un accident vient bouleverser la vie qu'ils s'étaient inventée, Isor s'enfuit. En chemin, elle va enfin rencontrer un monde assez vaste pour elle.

Pourquoi on aime ? La Colère et l'Envie est le portrait d'une enfant qui n'entre pas dans les cases. C'est une histoire d'amour  d'émancipation et de réparation, qui a séduit le jury du prix Méduse. Alice Renard impose une voix d'une incroyable maturité ; sa plume maîtrisée sculpte le silence et éblouit le lecteur. Son éditrice la présente comme un prodige. L'avenir dira si cette jeune auteure confirme cette première impression. 

 

2. Vous ne connaissez rien de moi de Julie Héraclès, JC Lattès, 384 pages, 20,90 euros

Quelle histoire ? « Aujourd’hui, vous m’avez rasé le crâne, vous m’avez marquée au fer rouge et maintenant vous m’insultez comme une chienne. Mais vous ne me détruirez pas. Vous n’aurez pas cette étincelle qui me pousse à continuer, envers et contre tout. Car, aujourd’hui, encore plus qu’hier, je suis forte d’un trésor inestimable. Un trésor que beaucoup d’entre vous passerez toute une vie à chercher et n’obtiendrez jamais. J’ai aimé. Et j’ai été aimée. »
Le 16 août 1944, à Chartres, le photographe Robert Capa a immortalisé une femme, tondue, le visage incliné vers son nourrisson, conspuée par la foule. Ce premier roman est son histoire.
Pourquoi on aime ? Dans ce roman qui part du cliché de Robert Capa, Julie Héraclès ne fait pas que retracer la vie de Simone Touseau, surnommé La Tondue de Chartres. Elle montre le destin d'une femme qui a essayé de changer de destin en plongeant dans une tragique histoire d'amour. Elle montre surtout, derrière les ombres de l'Histoire, toutes les ambiguïtés de cette époque. Une réussite.
>Lire notre chronique détaillée du livre de Julie Héraclès

3. Acide de Victor Dumiot, Bouquins ( prix Maison rouge), 288 pages, 20 euros

Quelle histoire ? Camille voit sa vie basculer un jeudi soir dans le métro. Lorsqu'elle se réveille à l'hôpital quelques mois plus tard, elle n'a plus de visage. Son agresseur a disparu sans laisser de traces. Julien vit enfermé dans son appartement. Solitaire, il passe l'essentiel de son temps à consommer des images pornographiques et à surfer sur le darknet. Un soir, il télécharge par hasard une vidéo de l'agression. Alors qu'il s'enfonce peu à peu dans une spirale de violence et d'autodestruction, il ne pense plus qu'à une chose : retrouver la jeune femme.

Pourquoi on aime ? Radioscopie radicale de notre époque, fiction sur l'identité et la reconstruction de soi dans notre société de l'image, exploration de l'addiction sexuelle dans les bas-fonds d'Internet... Acide plonge son lecteur au coeur d'une véritable descente aux enfers. Un premier roman d'une rare puissance qui donne le vertige et révèle un talent prometteur. Le roman a reçu le prix Maison rouge. Vous n'avez pas fini d'entendre parler de Victor Dumiot qui entre avec fracas et brio dans la famille des écrivains.

3. La maison vénéneuse de Raphaël Zamochnikoff, Belfond, 389 pages, 22 euros

Quelle histoire ? Arty, un enfant de 11 ans, est convaincu que sa maison a essayé de l'étrangler. Il ne prend pas cette menace à la légère : sa famille est peut-être elle aussi en danger. C'est Paul, le père d'Arthur, qui a tracé les plans de cette bâtisse, la première du lotissement. Et si ça avait bouleversé l'ordre naturel ? Sa mère, Catherine, est antiquaire, experte dans le nettoyage des objets anciens : se doute-t-elle de quelque chose ?

Pourquoi on aime ? Avec l'aide de son VTT, de ses copains, de ses cassettes vidéo et de la magnétique Anna, Arty va chercher des réponses à ses questions et vivre l'aventure de sa vie. Au risque de perdre à jamais son insouciance. Un premier roman impressionnant de maîtrise. Sur le passage de l'enfance vers l'adolescence. Sur la conscience du monde. Sur la peur aussi. Un livre qui parle avant tout d'imaginaire, annonciateur d'écriture. 

 

4. Le Dernier étage du monde de Bruno Markov, Editions Anne Carrière, 443 pages, 22 euros

Quelle histoire ? L’art de la guerre consiste à soumettre son adversaire sans le combattre. C’est ainsi que le père de Victor Laplace s’est fait détruire. C’est ainsi que le jeune Victor espère venger sa mémoire, en s’infiltrant au cœur même du système qui l’a brisé. Sa stratégie est claire : se faire embaucher dans le prestigieux cabinet de conseil que dirige son ennemi, l’approcher pas à pas, l’écouter patiemment dévoiler la recette de ses triomphes, l’accompagner dans son ascension en attendant l’ouverture, la brèche où il pourra s’engouffrer. Une partie d’échecs pour laquelle l'apprenti possède une arme décisive : sa maîtrise des algorithmes et de l’intelligence artificielle. Car à l’heure où le succès ne répond plus au mérite ou à l’intelligence, mais à d’autres règles sociales qu’on peut traduire en équations, celui qui sait les déchiffrer peut à tout moment renverser le jeu en sa faveur. Mais à quoi devra renoncer Victor Laplace pour parvenir au dernier étage du monde ?

Pourquoi on aime ? Dans une variation sur le thème des Illusions perdues, teintée d’un esthétisme à la Tom Wolfe, Bruno Markov réinvente le mythe de la réussite individuelle à l’heure des nouvelles technologies. Captivant, émouvant et subversif, Le Dernier Étage du monde offre un grand huit romanesque qui s’empare des questions éthiques les plus brûlantes autour de l’intelligence artificielle et de l’économie de l’attention. Un roman qui monte haut dans les tours.

5. Le corps de l’écrivain de Constance Courson, Editions La Part commune, 158 pages, 17,50 euros

Quelle histoire ?  Un récit autobiographique tantôt urbain tantôt rural, toujours un peu «déglingué», qui superpose des époques dans le paysage, une pérégrination en liberté. Le tout avec un ton qui claque, à fleur de peau.

Pourquoi on aime ? Le monde dans lequel Constance nous invite ne manque pas d’épaisseur. Ce premier roman est écrit et pensé avec beaucoup de finesse. Dans ce récit, l'auteure part sur les traces des origines bretonnes de Jack Kerouac. A partir de ce postulat entre voyage et écriture, Constance Courson raconte ses rencontres amicales, intellectuelles et sexuelles. Et tout en cherchant Jack Kerouac, trouve son chemin personnel sur la route. Nous aussi.

 

 

 

6. Hors saison de Basile Mulciba, Gallimard, 192 pages, 19,50 euros

Quelle histoire ? De nos jours, dans une station de ski en hiver. Tout le monde attend la neige qui tarde à tomber. Yann, un jeune homme d'une vingtaine d'années, interrompt ses études de médecine pour venir travailler comme saisonnier. Il a été recruté par Hans, qui dirige le vieil hôtel hérité de son père et qui commence à subir comme les autres les conséquences de l'absence de neige. Tandis que peu à peu la station se vide, les deux hommes décident de rester.

Pourquoi on aime ? Roman d'apprentissage poétique et intime, Hors saison restitue avec justesse le sentiment du temps suspendu dans la station déserte et les incertitudes du désir. Les personnages entretiennent un rapport sensible aux paysages et aux autres, alors que la nature entre peut-être dans un cycle de dérèglements inéluctables. Le dérèglement climatique inspire les écrivains. Pour le meilleur des livres, même si pour le pire de la planète.

 

7. L’indésir de Joséphine Tassy, L’Iconoclaste, 381 pages, 20,90 euros

Quelle histoire ? Ce matin, Nuria s'est réveillée avec une impression d'hier. Dans la nuit, son téléphone a sonné : sa mère est morte. Elle ne ressent rien, aucun chagrin pour cette étrangère qu'elle n'a pas vue depuis huit ans. Avec Abel, un garçon croisé en boîte, elle part à la rencontre des drôles d'individus qui ont connu sa mère.

Pourquoi on aime ? Nuria cherche des réponses sans poser de questions. Sauf une, qu'elle garde pour elle. Le souvenir de cette femme qui n'a jamais voulu d'elle la renvoie à l'indésir qui lui colle à la peau. Joséphine Tassy trace un récit fort sur la questions de l'attachement. Sur la paralysie des sentiments quand la seule protection possible est la négation de ceux-ci. Lorsque le désir ne peut se conjuguer qu'avec son contraire. Un roman qui prend le coeur à rebours. Mais pas le lecteur.

 

8. Les conditions idéales de Moktar Amoudi, Gallimard, 256 pages, 21 euros

Quelle histoire ? « En quelques trimestres, j'avais tourné casaque. Les Français m'évitaient, avertis par leurs parents des risques de mauvaise influence qu'ils couraient à me fréquenter. Pire, mes bulletins scolaires, ombre bien obscure, me qualifiaient de décadent et d'insolent. Devenu inapte à représenter ma classe, je laissai les professeurs m'achever lors du dernier conseil de l'année. On comparait mon apogée scolaire à la Renaissance ; un bon souvenir qui ne reviendrait jamais. »Placé à l'Aide sociale à l'enfance dès son plus jeune âge, Skander est un garçon curieux de tout, passionné par la lecture. Mais son destin bascule lorsqu'il atterrit à Courseine, en banlieue parisienne, chez la redoutable Madame Khadija. Au collège, il est entraîné malgré lui par les jeunes du Grand Quartier, qui abolissent sa boussole morale. La rue devient son royaume, et l'éloigne chaque jour davantage de ses rêves d'enfant...

Pourquoi on aime ? Avec Les conditions idéales, Mokhtar Amoudi signe un roman d'apprentissage qui parle d'enfance, de jeunesse qui se perd et de rêves qui s'éloignent. Un livre qui provoque une forte émotion et qui révèle une plume bien trempée.

9. Le diplôme d’Amaury Barthet, Albin Michel, 224 pages, 19,90 euros

Quelle histoire ? Jeune, intelligente, Nadia a toutes les compétences pour réussir. Il ne lui manque qu'un diplôme pour en attester et lui ouvrir les portes d'un avenir meilleur. Conquête pour certains, droit inné pour d'autres, ce sésame agit ici comme le révélateur d'un vaste mensonge érigé en système. Guillaume, prof de banlieue désabusé, va lui en offrir les clés. Mais si le mérite se monnaie au même titre que le sexe, le pouvoir et les idéaux, quel est le prix à payer?

Pourquoi on aime ? Amaury Barthet orchestre le récit d'une revanche à double tranchant, mêlant critique sociale et fable philosophique. Un premier roman dérangeant, cruel et drôle qui dénonce les faux-semblants de la société. Révélateur comme une expérience chimique. Miroir sans concession d'une société contractuelle en perte de sens.

 

 

10. Ce que je sais de toi d’Eric Charcour , Philippe Rey, 301 pages, 22 euros

Quelle histoire ? Le Caire, années 1980. La vie bien rangée de Tarek est devenue un carcan. Jeune médecin ayant repris le cabinet médical de son père, il partage son existence entre un métier prenant et le quotidien familial où se côtoient une discrète femme aimante, une matriarche autoritaire follement éprise de la France, une sœur confidente et la domestique, gardienne des secrets familiaux. L'ouverture par Tarek d'un dispensaire dans le quartier défavorisé du Moqattam est une bouffée d'oxygène, une reconnexion nécessaire au sens de son travail. Jusqu'au jour où une surprenante amitié naît entre lui et un habitant du lieu, Ali, qu'il va prendre sous son aile. Comment celui qui n'a rien peut-il apporter autant à celui qui semble déjà tout avoir ? Un vent de liberté ne tarde pas à ébranler les certitudes de Tarek et bouleverse sa vie.

Pourquoi on aime ? Un premier roman servi par une écriture ciselée, empreint d'humour, de sensualité et de délicatesse. Ce que je sais de toi entraîne le lecteur dans la communauté levantine d'un Caire bouillonnant, depuis le règne de Nasser jusqu'aux années 2000. Au fil de dévoilements successifs distillés avec brio, ce premier roman décrit un clan déchiré, une société en pleine transformation, et le destin émouvant d'un homme en quête de sa vérité. Un voyage dans tous les sens du terme.

11. Par-delà l’oubli d’Aurélien Cressely, Gallimard, 151 pages, 18,50 euros

Quelle histoire ? Décembre 1941. René Blum est arrêté à son domicile parisien avec le concours de la police française, au cours d’une vaste rafle de notables de confession juive. Il est déplacé des camps d’internement français à celui d’Auschwitz, où il perd la vie.
Frère cadet de Léon Blum, la grande figure du Front populaire, René Blum est un homme de son temps, au service des arts. Tour à tour journaliste et critique à la Revue blanche et à Gil Blas, il fut aussi directeur artistique de casinos et du théâtre de Monte-Carlo — où il succéda à Diaghilev à la direction des Ballets russes. Il fréquenta aussi bien les écrivains que les peintres et les musiciens avant-gardistes. Profondément humaniste et courageux, il mena pourtant une vie de famille chaotique.
Pourquoi on aime ? Un premier roman riche, passionnant, qui nous fait découvrir les multiples facettes de ce personnage historique méconnu dont l’engagement pour son pays fut considérable. Une fresque aussi sur une époque. Il était temps de placer la lumière sur cet homme, dont le souvenir a été occulté par celui de son illustre frère. Ce livre lui fait honneur.

12. Combien de lunes de Laura El Makki, Les Escales, 136 pages, 20 euros

Quelle histoire ? Un matin comme un autre, le soleil ne se lève pas. Les bêtes disparaissent. Les voitures et les téléphones cessent de fonctionner. Et c'est tout un village – le monde, peut-être – qui est plongé dans le noir.
La jeune Anna, qui vient de connaître l'amour, Ethel, qui a perdu depuis longtemps le fil de sa vie, Josselin, qu'un accident a rendu aussi monstrueux qu'hostile, et le petit Gautier, à l'imagination admirable, cherchent à vivre dans cette nuit souveraine. Une femme étrange, vivant en retrait du village, est vite soupçonnée d'avoir jeté un sort au ciel et devient l'objet de toutes les obsessions.

Pourquoi on aime ? Colossale, éblouissante, la lune seule les éclaire tous, désarmés et tâtonnants. Elle les guide et peu à peu les transforme, remettant tout en jeu : leurs choix passés et leurs désirs enfouis. Et si, loin d'être la fin d'un monde, cette nuit était le début d'un autre ? Un texte inspiré entre étrangeté et réalisme. Une fable contemporaine.

 

13. Orchidéiste de Vidya Narine, Les Avrils, 127 pages, 18 euros

Quelle histoire ? Sylvain est orchidéiste. Chaque jour, il prend soin de ses fleurs pour une clientèle exigeante. Des orchidées, il sait tout : la symbolique, l'aventure de leur découverte et les ravages sur la nature de leur commercialisation massive. Aujourd'hui, il aimerait céder sa boutique. Mais dans sa famille, une dynastie d'industriels lorrains, on n'a pas su comment transmettre. Alors, pour mieux habiter l'avenir, Sylvain répare les racines abîmées du passé.

Pourquoi on aime ? Un premier roman qui nous entraîne dans l'univers des fleurs qui fascinent et dont la rareté qui faisait leur valeur a fait place à une surproduction destructrice. Une belle histoire qui parle aussi de transmission et de transformation à travers les époques. Une fois ce livre lu, vous ne regarderez plus jamais les orchidées de la même manière. 

 

 

14. Le roman de Jeanne et Nathan de Clément Camar-Mercier, Actes Sud, 364 pages, 22,50 euros


Quelle histoire ? L’histoire de Jeanne et Nathan est celle d’un réel que l’addiction met à distance, qu’elle rend supportable ou transcende en le falsifiant. Réunis, ils s’inventent un monde, une destination, un rêve de bonheur. Leur romantisme, c’est l’amour fou de Tristan et Iseut ; leur échappatoire celle des enfants perdus de Peter Pan. Et leur vérité ?

Pourquoi on aime ? Ce livre est un choc, une violence faite au corps que l’époque terrasse. Un roman entre tragédie et conte d’amour, porté par une langue acérée, une dramaturgie épique, un rythme cinématographique, des personnages puissants. Ce roman de Jeanne et Nathan ressemble à un texte mythique passé à la moulinette du monde contemporain et de son désir de jeunesse éternelle.

 

 

 

 

15. La Vénus au parapluie de Thibaud Gaudry, Buchet Chastel, 108 pages, 18,50 euros

Quelle histoire ? Il pleut. Elle a un parapluie, il n'en a pas. Un dimanche soir, devant l'enseigne d'un cinéma d'art et d'essai de la capitale, elle l'invite à s'abriter. Et c'est la foudre, soudain, qui s'abat sur lui...

Pourquoi on aime ? Premier roman trépidant, baroque, La Vénus au parapluie entraîne le lecteur dans une cavalcade amoureuse. Thibaud Gaudry mêle langue poétique et fantaisie. Avec, en toile de fond, un amour profond pour Paris et les vieilles comédies américaines. Et un charme fou... Pour un peu on croiserait Audrey Hepburn ou Cary Grant au détour d'une page.

 

 

 

 

16. Demain et pour toujours d’Ermal Meta, JC Lattès, 432 pages, 22,50 euros

Quelle histoire ? Hiver 1943 : Dans le petit village de Ragam, au nord de l’Albanie, Kajan, sept ans, observe le monde changer à la hauteur de ses yeux d’enfant. Ses parents, partisans communistes, sont partis dans les montagnes combattre les nazis.
Kajan vit dans une ferme avec son grand-père Betim, à l'abri des atrocités de la guerre, jusqu'au jour où un déserteur allemand nommé Cornelius frappe à leur porte, cherchant refuge. Le soldat est un pianiste émérite et, fasciné, le petit garçon décide d’apprendre à jouer de cet instrument. Il se révèle bientôt un élève discipliné et talentueux, et se lie d’une amitié indéfectible avec Cornélius.
Quelques années plus tard, Kajan, devenu professeur de musique grâce à son don prodigieux, semble promis à un avenir radieux. Mais dans une Albanie dominée par la dictature communiste au cœur d’une Europe fracturée par la guerre froide, la guerre que Kajan croyait terminée est sur le point de recommencer, sous une nouvelle forme.

Pourquoi on aime ?  À chaque coin de rue se cachent des ombres et des dangers qui vont inéluctablement pousser le jeune homme hors d’une voie qu’il pensait tracée. Derrière ce livre, un récit qui lève le voile sur l'histoire récente de l'Albanie.

 

17. Paradise, Nevada de Dario Diofedi, Albin Michel, 636 pages, 23,90 euros

Quelle histoire ? « Tel est le premier paradoxe de Las Vegas : l’hôtel-casino de luxe Positano était le cœur battant de l’euphorie du vendredi soir, et c’était notre aussi notre chez-nous. Érigé en plein centre du Strip, la ville s’enroulait tout autour en une spirale concentrique où se côtoyaient la magie et la banalité, boîtes de strip-tease et résidences d’étudiants, stands de tir et magasins Walmart, pistes d’atterrissage pour jets privés et arrêts de bus menant à de lointaines banlieues plongées dans le silence et le désespoir. Impossible pour nous d’expliquer ce qui s’est passé le soir de l’incendie sans poser d’abord ce fait établi, à savoir qu’une ville peut être à la fois fiction et réalité, paradis et vrai lieu de vie. Nous tous ici devons en prendre la mesure, tôt ou tard. » C'est ainsi que Dario Diofebi présente lui-même son livre.

Pourquoi on aime ? À la croisée des univers de Tom Wolfe, de David Foster Wallace et de Jonathan Franzen, Dario Diofebi compose un grand roman américain. Un récit hors norme, ainsi qu'une plongée au cœur de Las Vegas à la rencontre de l’Amérique, ses rêves les plus fous et ses revers de fortune. Cet ancien joueur montre qu'il manie les mots aussi bien que le blackjack. 

18. Un empêchement de Jérôme Aumont, Christian Bourgois, 240 pages, 20 euros

Quelle histoire ? Marie et Mathieu sont mariés depuis une vingtaine d’années, leur fille Jeanne vient de quitter la maison. Leur vie professionnelle prend toute la place que leur relation ne remplit plus tout à fait. Mais aucun des deux ne se doute que la réception rue Royale à laquelle Marie emmène son mari un soir de printemps va changer leur destin. Une conversation anodine et quelques échanges de regards avec Xavier, un des convives, suffisent pourtant à troubler Mathieu, et à lui donner envie de revoir cet inconnu. Le hasard lui en offrira l’occasion quelques semaines plus tard. Un bonheur intense doublé du sentiment d’un fragile équilibre va alors gouverner la vie des deux hommes. Jusqu’à cet accident de voiture en Normandie…

Pourquoi on aime ? Jérôme Aumont, dans son premier roman, fait le récit d’un amour impossible – et peut-être bien qu’il s’agit de plusieurs amours dont il esquisse les contours.
Avec subtilité, dans une prose au plus près des doutes et des déchirements amoureux, Un empêchement éclaire la manière dont cheminent nos sentiments, entre petits arrangements avec la vérité et complexités de la vie.  Parfois le destin s'en mêle et place une personne à la croisée des chemins. A la croisée des choix. Ou des abandons.

19. Pour mourir, le monde de Yan Lespoux, Agullo Éditions, 432 pages, 23,50 euros

Quelle histoire ? Quand les empires sombrent, quand les sociétés se délitent, des brèches se créent qui permettent de s'immiscer dans les interstices de l'Histoire.
1627, sur la route des Indes, dans la fureur d'une ville assiégée, dans le dédale des marais et des dunes battues par le vent, l'aventure est en marche et trois héros ordinaires verront leur destins réunis par une tempête dantesque...
Il y a Marie sur la côte landaise. Pour échapper aux autorités qui la recherchent, elle s'est réfugiée dans une communauté de pilleurs d'épaves sous la coupe d'un homme brutal. La jeune fille à peine sortie de l'adolescence refuse pourtant de baisser la tête.
Au Brésil, il y a Diogo, orphelin engagé dans la guérilla portugaise qui tente de reprendre Salvador de Bahia aux Hollandais.
Et à Goa, il y a Fernando, engagé de force dans l'armée portugaise, qui met tout en oeuvre pour échapper à sa condition.

Pourquoi on aime ? Un roman d'aventure-monde foisonnant. Avec des personnages ballotés par l'Histoire dans des décors grandioses. Yan Lespoux nous entraîne à la recherche de la lumière dans le tumulte du monde. Ambitieux et un peu trop riche peut-être, mais choral et symphonique, comme la vie.

20. Les faiseurs d'anges de Martine Van Woerkens, Sabine Wespieser, 223 pages, 21 euros

Quelle histoire ? Quatre ans après un avortement clandestin, Jeanne Blade se décide enfin à consulter. L’opération est devenue inévitable. Malgré cela, rien ne lui échappe des manières paternalistes du professeur d’obstétrique. Jeanne n’a pas le caractère d’une victime. À sa sortie de l’hôpital, le chirurgien lui annonce pourtant que sa stérilité serait bientôt irréversible.
La narration ne nous dira rien de sa réaction. On la retrouvera, bien plus tard, en grande conversation avec la Mêle-Brin, un esprit picard désinvolte et sourcilleux, avec qui elle entretient des relations mouvementées, épisodiques et imaginaires. Elle lui raconte son retour en France après une longue absence et son engagement dans les luttes féministes des années 1970. Et aussi sa rencontre avec un juriste algérien exilé, avec qui elle forme le projet d’avoir un enfant.

Pourquoi on aime ? : Le ton est donné de ce premier roman, ironique et distancé. Jamais victimaire, ce texte dresse le portrait pudique d’une femme libre, dont l'histoire résonne avec l’esprit, les élans et les drames d’une époque – la question de la procréation, le silence régnant sur la guerre d’Algérie – que Jeanne scrute avec attention. Sans se départir de son appétit de vie. Ces faiseurs d'anges nous emportent loin. Ainsi soient-ils.

21. L‘accusation d’Aïcha Béchir, JC Lattès, 208 pages, 19 euros

Quelle histoire ? Peu après les attentats de Charlie Hebdo, alors que la paranoïa s’empare des esprits, Inès est accusée d’apologie du terrorisme et suspendue par sa hiérarchie. Que s’est-il passé ? Qui a dénoncé cette professeure de philosophie d’origine maghrébine qui s’est toujours identifiée aux valeurs de la République ? En quête de justice et de vérité, la jeune femme va rencontrer une galaxie de personnages et redécouvrir sa mémoire enfouie : l’arrivée de son père en France, l’usine, l’abandon des traditions, le racisme, et ce déracinement qui n’en finit plus de briser les êtres.


Pourquoi on aime ? Fresque sociale et récit initiatique, ce premier roman d’Aïcha Béchir dissèque une société contemporaine fracturée par ses contradictions. Un texte qui n’épargne personne, réparateur pour l'auteure. Interrogateur pour le lecteur. Plus que jamais d'actualité.

 

22. Le Bada de Bernard Stora, Denoël, 391 pages, 21 euros

Quelle histoire ? Automne 1943, Bendejun, petite bourgade sur les hauteurs de Nice. Jean Costa, couturier prodigieux d’origine juive, se terre dans la ferme familiale de son amant, Aldo Borzone : alors que les autres Costa ont fui Nice dès l’arrivée des troupes allemandes en septembre 1943, Jean est contraint d’attendre le bada, une somme d’argent qui lui est due après la vente de sa maison de couture. Un matin d’octobre, Jean apprend que son débiteur, grand ponte de l’industrie du vêtement à la solde de Vichy, lui propose de le rejoindre pour lui restituer la somme. Jean peut-il lui faire confiance ?
En parallèle de sa réflexion, qui s’étend sur une seule journée d’octobre, se tisse une toile sophistiquée de flash-backs qui nous font voyager à travers l’Europe entre 1890 et 1940 sur les traces de trois familles, dont les racines essaiment entre l’Algérie, l’Italie, la Pologne et le sud de la France et convergent vers Nice. On apprend ainsi à connaître Jean, jeune homme à la personnalité aussi secrète qu’indécise, se laissant porter par les événements, mû par sa seule passion pour la couture et par la foi inébranlable en sa baraka.

Pourquoi on aime ? À la faveur de ces trajectoires entrecroisées, ce roman aborde l’histoire de la France de la première moitié du XXe siècle, des grandes migrations et des identités en souffrance. Grâce à un cadre narratif tiré au cordeau et à une langue très pétillante, destins et caractères humains se profilent avec ampleur, jusqu’au dénouement. Tragique forcément. Mais passionnant.

23. Tout part à la nuit de Louis Cabaret, Liana Levi, 224 pages, 19 euros

Quelle histoire ? Par appréhension ou par habitude, peut-être par confort, elle n’a jamais quitté la petite ville où elle est née. Pourtant, le quotidien de Tiffanie ne tient qu’à un fil. Deux enfants à charge, un ex-mari en prison, la fatigue qui s’accumule dans son corps d’aide-soignante. Et la violence, sourde, latente, qui explose parfois quand Chris, son fils de quinze ans, perd le contrôle ou quand les copains ont un peu trop bu. Il suffit d’une rencontre avec un nouveau venu le soir du 14 Juillet pour inverser la tendance. En Marvin, Tiffanie trouve un compagnon capable de l’épauler et de gérer ses fils. Un compagnon parfait, sauf aux yeux du cadet, Joris, qui n’arrive pas à lui faire confiance. Mais qui croirait un enfant de sept ans?

Pourquoi on aime ? Premier roman incisif et vibrant, Tout part à la nuit raconte le déchirement d’une famille prise dans un jeu qui la dépasse. Louis Cabaret qui a travaillé des années avec des enfants souffrant de troubles du comportement, s’inspire de son expérience dans ce premier roman au réalisme édifiant. Un livre coup de poing.

24. Dès que sa bouche fut pleine de Juliette Oury, Flammarion, 272 pages, 19 euros

Quelle histoire ? « Ce geste ne disait rien du désir de Bertrand, dont elle ne savait pas grand-chose, mais il parlait du jeune homme consciencieux qu'il était, de ceux qui avaient bien noté que les experts considéraient le rapport matinier, en ce qu'il rompait la chasteté de la nuit, comme le meilleur pour le métabolisme. Laetitia voyait que son amoureux mettait un point d'honneur à suivre les recommandations officielles et qu'il baisait donc équilibré, ne s'autorisant que peu d'écarts. » Juliette Oury annonce tout de suite la couleur : dans ce monde où la place du sexe et celle de la nourriture sont inversées, le sexe rythme les journées de tous, tandis que la nourriture est une affaire de l'intime, d'amants, qu'il faut taire et qui fait rougir.

Pourquoi on aime ? Véritable expérience de lecture, Dès que sa bouche fut pleine est aussi un premier roman initiatique, l'histoire d'une jeune femme entraînée malgré elle par son désir, un désir défendu qu'elle va transformer en une force intime capable de la protéger contre toutes les formes d'aliénation. D'ailleurs, le désir et l'appétit sont-ils vraiment si différents ? Un roman dont ne perd pas une miette.

25. Déchirer le grand manteau noir d’Aline Caudet, Viviane Hamy, 320 pages, 21 euros

Quelle histoire ? « La sonnette retentit. Je sursaute, mon bébé dans les bras. Je ne comprends pas, j'ai pris soin de ne pas donner ma nouvelle adresse. Seuls quelques amis sont au courant. À chaque visite impromptue, j'ai beau me raisonner, une profonde angoisse m'étreint. Pourtant, ce mercredi matin, avec mes trois enfants, la journée a débuté sereinement. La sonnerie se fait à nouveau entendre, insistante. Je pose ma fille dans son lit, elle pleure aussitôt. Je traverse la chambre de mon fils et regarde par la fenêtre. Je les vois immédiatement. Je reconnais leur uniforme bleu marine. Mes jambes flageolent. [...] Le manteau noir, ce lourd et grand manteau noir de mon enfance... Ça recommence. » Le ton est donné. La vie au rythme de la peur et de la violence. Mariée et mère de trois enfants, Lucie a tout pour être heureuse. Alors qu’elle vient d’emménager et a pris soin de ne pas communiquer sa nouvelle adresse, les fantômes du passé frappent à sa porte...Victime d’humiliations et de violences infligées par ceux qui devaient la protéger durant son enfance, le personnage Lucie a dû se battre pour exister. Convoquée chez un huissier, elle apprend que ses parents réclament le droit de voir ses enfants. Afin de mettre ces derniers hors de danger, elle sollicite l’aide de ses amis et de ses proches. Au gré des attestations qui lui parviennent ressurgissent de douloureux souvenirs. Bien décidée à protéger ceux qu’elle aime, Lucie va devoir faire face à un implacable engrenage judiciaire, révélant au passage de terribles secrets de famille.

Pourquoi on aime ? Ce manteau noir est celui du deuil. Deuil des rêves et des aveuglements. Deuil de l'insouciance. Déchirer le grand manteau noir d’Aline Caudet est un roman poignant qui dénonce les violences physiques et psychologiques. C’est aussi la chronique d’une patiente reconstruction de soi grâce à l’amitié, la solidarité et l’amour sans faille de héros ordinaires. Un livre qui s'inspire du vécu de l'auteure dont la lecture choc permet de mieux appréhender la question des violences intra-familiales et la manière d'aider les plus vulnérables.

25. Femme portant un fusil de Sophie Pointurier, Harper Collins, 272 pages, 19,90 euros

Quelle histoire ? « "Et vous, quelle violence trouvez-vous juste ?”, c’est ce que j’aurais aimé leur dire. Mais là encore je n’ai pas trouvé le courage. Ce n’est pas constant, le courage. »
Au début, elles étaient quatre. Il y avait cette annonce d’un hameau à vendre dans le Tarn, loin de tout. Alors un projet est né, le rêve d’un lieu construit par et pour les femmes. Elles l’ont fait. Claude, Harriet, Élie, Anna. Jeunes, vieilles, toutes forgées par les tentatives d’autres avant elles, guerrières jusque-là tenues au silence. Mais voilà : aujourd’hui, Claude doit répondre du meurtre d’un homme. Deux gendarmes lui font face, attendant que cette mère de famille au prénom épicène reprenne tout depuis le début. De l’utopie à la riposte. Ce jour où Claude et ses sœurs ont pris les armes. Que sait-on de la violence des femmes ?

Pourquoi on aime ?  De l’arrière-pays toulousain aux terres des amazones de l’Oregon, Femme portant un fusil est le récit d’une quête pour se réinventer, une ode à l’amitié et à la liberté. Un Thelma et Louise contemporain et choral. Un roman qui vient après les années #metoo comme une réponse par la revanche des femmes guerrières. Au nom de toutes les autres. Un livre détonant.

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