Critique Libre

Erri de Luca : une histoire ocre de terre et de sang

Alors que l'écrivain italien est menacé par la justice de son pays et que nombreux sont les soutiens qui s'organisent autour de lui, revenons sur une de ses oeuvres-phares : Montedidio. Un récit qui met en scène des vies ravagées par la guerre, qui persistent à vivre par amour des autres. En filigrane une langue s'ouvre à la beauté d'un monde. Depuis ses écrits qui s'inscrivent dans le temps, un adolescent découvre l'amour avec une jeune-fille. Montedidio est un roman ocre, fait de la terre vécue d'une poignée d'ouvriers, mêlé au sang de la force, sous la chair, celui de la violence, aussi. 

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Sur le Mont de Dieu

Le narrateur décide de raconter au jour le jour sur du papier de parchemin donné par Mast’Errico, le menuisier qui l’a embauché. Il a dans la poche un boomerang ,« boomeran », et s’entraîne seul, isolé, à le lancer. Il ne le lâche pas : tous les soirs il sent le bois travaillé vivre sous l’impulsion de son bras dont les muscles s’allongent et se forment. Le boomeran' fait corps avec lui, il est un appel de vie qui petit à petit devient plus fort. Celui d’un petit garçon qui passe cette période charnelle de l’adolescence pour se transformer.

Au-dessus de la maladie de sa mère, grâce à un peuple d’un village fraternel dans l’après-guerre, existent l’amour et le respect. Un coordonnier a chaussé tout Montedidio, avec sa bosse faite d’os d’anges et son amour du vieux Jerusalem. Le narrateur est fasciné par lui : après ses travaux manuels quotidiens, ses travaux d’apprenti dans la boutique de Mast’Errico , il se glisse auprès de Don Rafaniello, présence spirituelle qui l’ouvre à la beauté de vivre. Et puis, le narrateur a rencontré Maria aussi. Elle l’a attrapé par la douceur passionnée de leur sang et salive mêlés, il apprend à partager avec elle, il créent de l’amour ensemble. Un roman comme une leçon de vie

Erri de Luca écrit en ce début de millénaire de la prose aérienne sur le Mont de Dieu, situé à Naples. Montedidio est un roman qui peut se lire par bouchées spirituelles. « 'A iurnata è 'nu muorzo », dit Mast’Errico en Napolitain à son apprenti, “la journée est une bouchée”: il faut travailler vite.

Leçon de vie

Chaque journée est une leçon de vie pour le narrateur qui apprend à devenir un homme, à respecter son sexe tant ce roman parle d’un processus sanguin et spirituel, charnel et délicat, presque insaisissable. Il devra mûrir rapidement : « Au printemps, j'étais encore un enfant et maintenant je suis en plein dans les choses sérieuses que je ne comprends même pas » Il découvre peu à peu la bonté et la bienveillance comme les dangers du monde des adultes et la force de l'amour comme une alliance contre le monde extérieur et également en lui “une force amère capable d'attaquer” . La magie de ce roman sensible tient à la noblesse des sentiments de ce jeune garçon respectueux et courageux, à la coloration biblique des récits de Rafaniello, au symbolisme de cette chronique du passage à l'âge des responsabilités.
Un roman qui s'inspire de l'enfance de l'auteur, qui a vécu à Montedidio avant de devenir ouvrier et de jouer pendant son temps libre, la nuit, avec les mots.

>>Erri de Luca, Montedidio et Tu, mio, 

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