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Kyle Eastwood : «Le jazz est une narration musicale»

Kyle Eastwood est un musicien de jazz et un compositeur de musique de films. Il réunit ses deux passions dans son nouvel album Cinematic (Jazz village), qui revisite avec son quintet quelques-unes des bandes originales mythiques du cinéma américain. Nous rencontrons le fils de Clint Eastwood lors d'un des ses concerts parisiens pour parler de jazz, de cinéma, de narration musicale... Moteur.

©Olivia Phélip ©Olivia Phélip

Bon sang ne saurait mentir. Avec une dizaine d’albums à son crédit, Kyle Eastwood s'est imposé comme un musicien de jazz à part entière, grâce à une passion transmise par son père Clint Eastwood dès son plus jeune âge. 

Le jazz, le cinéma, la France

Contrebassiste et bassiste, Kyle Eastwood demeure fidèle à une approche mélodique du jazz, qu’il enrichit souvent de digressions joyeuses et lyriques. Cependant, Kyle Eastwood qui a aussi composé de nombreuses musiques de films, notamment pour son père (Mystic River, Million Dollar Baby ou Letters From Iwo Jima), n'hésite pas à naviguer entre le cinéma dont il traduit l'histoire en musique et la musique qu'il tisse comme un dialogue sur scène.  « Le cinéma est ma seconde passion » avoue-t-il. Il paraissait donc naturel, qu’aujourd’hui, son quintet se penche sur quelques bandes originales mythiques. Le musicien qui se partage entre les Etats-Unis et la France, son pays d'adoption, dit avoir fait sienne la phrase de Marcel Proust : « Le vrai voyage de découverte ne consiste pas à chercher de nouveaux paysages mais à avoir de nouveaux yeux ». Il nous entraîne donc avec son nouvel album, appelé opportunément Cinematic, dans un voyage musical et narratif qui ouvre nos yeux -et nos oreilles- à de nouvelles perceptions. Par son approche  inventive de ces bandes originales connues du grand public, il remet au goût du jour des œuvres devenues, avec le temps, des classiques, tout en leur conférant une nouvelle personnalité, un nouveau récit. Nous rencontrons le musicien à la sortie d'un de ses concerts au Bal Blomet à Paris.

Viabooks : Avec Cinematic vous réunissez vos deux passions, le jazz et le cinéma ?

-Kyle Eastwood : Au départ, pour moi, il y a la musique. Le souvenir de ces bandes originales mythiques. Et puis, il y a ces films qui font partie de mon panthéon. J'ai eu envie de leur apporter une autre saveur, de jouer avec les morceaux, les défragmenter pour mieux les recomposer. Comme la mémoire qui retient par bribes, étend son emprise sur certains passages, la dilue à d'autres. Bien sûr, cet album est un creuset de ma double culture cinématographique et musicale, qui m'a été transmise par mon père.

Diriez-vous que le jazz est « une narration musicale » ?

-K.E. : Musical, le jazz l'est par essence. Est-il une narration ? Probablement plus que tout autre genre musical, car il autorise un dialogue entre le sujet et les interprètes, entre la ligne mélodique et les instruments. Quand la musique accompagne un film, elle se fait aussi porteuse de sens et soutien narratif. Alors oui, le jazz est une narration musicale, surtout quand il s'exprime au travers d'une musique de film.

Vous aimez mélanger la lisibilité lyrique du jazz classique et les envolées libres. Quel est « votre jazz »?

-K.E. : J'aime toutes les sortes de jazz. Selon moi la composition est une histoire qui se paramètre avec toutes les possibilités. Dans le cas de Cinematic, je voulais jouer avec les musiques célèbres, mais ne pas les perdre non plus. C'est pourquoi, on les retrouve en fil rouge. Mais je souhaitais aussi laisser une place à la créativité, la spontanéité. C'est d'ailleurs là qu'on réalise si un thème musical est fort, lorsqu'il peut être transformé de différentes manières et se retrouver toujours sans se diluer.

La structure serait un peu l'histoire et l'interprétation, le phrasé ?

-K.E. : La structure d'une musique compose sa colonne vertébrale, comme le texte d'un récit ou d'un scénario. Ensuite, un lecteur ou un interprètre peut extérioriser ce texte ou ce morceau de musique et se l'approprier. Et puis en dernier maillon, il y a la scène, ces moments un peu magiques qui laissent une part à l'improvisation. Rien n'est figé à 100% . A l'infini, nous pouvons décliner et étendre un thème, dialoguer entre musiciens. C'est passionnant. 

Comment avez-vous sélectionné les musiques des films de Cinematic

-K.E. : J'ai choisi mes compositeurs préférés ! J'ai laissé place à ma totale subjectivité. Si vous me dites qu'il n'y a pas de point commun entre Pink Panther et Gran Torino, vous avez sûrement raison, mais j'assume tout à fait cet éclectisme !

Même si votre album reste très cohérent musicalement... 

-K.E. :  La personnalité musicale de notre quintet est notre signature. Nous essayons toujours de rester fidèles à notre "style" quelque soit le propos. Je trouve aussi que le grand écart de Cinematic était osé. Je crois que le public apprécie ce pari et je m'en réjouis !

Vous vous partagez entre les Etats-Unis et la France...

 -K.E. : Je voyage beaucoup pour les concerts. Mais j'aime garder une base arrière en France en dehors de mes racines américaines. Je trouve en France une très belle richessse musicale et de nombreuses diversités culturelles. Il y a ce " je-ne-sais-quoi " français qui est unique, mélange de raffinement et de liberté. Je me sens très bien chez vous ! Et le public y est fantastique.

Cinematic, un album qui revisite Bullit, Gran Torino, Charade ou Skyfall

  • Cinematic s’ouvre sur Bullitt, célèbre pour sa course-poursuite à travers les rues de San Francisco, dont la bande-son est signée Lalo Schiffrin. Une version enlevée, où la contrebasse ductile de Kyle Eastwood se détache de l’ensemble, préparant le terrain au piano facétieux d’Andrew McCormack. On ne sait plus si on est embarqué avec Steve MacQueen ou si c'est avec Kyle Eastwood...
  • Changement de décor, Robert de Niro nous emporte dans son Taxi Driver. Une musique écrite par Bernard Hermann, le compositeur d’Alfred Hitchcock, dont l’inquiétante introduction rappelle les balades du chauffeur Travis, la nuit, dans son taxi new-yorkais. Le saxophoniste Brandon Allen et le trompettiste Quentin Collins osent des variations brillantes et inattendues.
  • En compagnie de la chanteuse Camille Bertault, le quintet ose une relecture rythmée des Moulins de mon cœur, hommage au grand Michel Legrand. Du swing et de l'émotion.
  • Avec The Eiger Sanction, écrit par John Williams pour Clint Eastwood, il n'y a pas d’orchestration symphonique, mais une formation resserrée, où se distingue le jeu sensuel du pianiste Andrew McCormack avec des cuivres enivrants.
  • Une voix masculine, celle du chanteur Hugh Coltman, vient se poser sur le thème de Gran Torino. Ce titre fort, que Kyle a composé avec son père pour le film éponyme, a été nominé en 2009 aux Golden Globes pour le prix de la meilleure chanson originale. Il se retrouve dans une version subtile et puissante. Un moment magnifique de l'album...
  • Place à l'humour avec le Pink Panther Theme d’Henry Mancini.  Cette panthère se découvre avec Kyle Eastwood dans toute son élégance jazzy et raffinée.  
  • Pas de musique de film sans Ennio Morricone, qui a composé la ballade du long-métrage « Vertiges », Per Le Antiche Scale. Toute la poésie du génie italien est subtilement évoquée par le pianiste du groupe, en résonance au jeu de Kyle Eastwood. Un heureux croisement de tonalités.
  • Changement radical d'ambiance avec la musique du film Charade signée Henry Mancini. Stanley Donen y mettait en scène une Audrey Hepburn, plongée dans une histoire troublante. Kyle Eastwood transcende le trouble et donne à cette musique une couleur très contemporaine. 
  • Comme on n'est jamais servi que par soi-même, Kyle Eastwood reprend une de ses compositions pour Unforgiven (Impitoyable). Incontournable !
  • Quand on aime le cinéma, les voitures et le rythme... comment ne pas penser à James Bond ? Kyle Eastwood a choisi de décliner la chanson de Skyfall. Un résultat éclatant qui ne déplairait sûrement pas à l'agent 007. Nous avons aimé, nous aussi.
  • L'album se termine avec une version instrumentale et épurée de Gran Torino, comme une dernière touche, avec un mélange de nostalgie et de tendresse. Cinéma, cinéma quand tu nous tiens...

>Kyle Eastwood, CinematicJazz village
 >> En concert en France jusqu'au 5 décembre, puis à partir de mars 2020 en tournée dans toute l'Europe.
>> Plus d'informations sur le site de Kyle Eastwood 

En savoir plus

En vidéo, l'adaptation de Gran Torino par Kyle Eastwood avec Hugh Coltman

À lire aussi

Trac list de tous les titres de l'album Cinematic de Kyle Eastwood
1. Bullitt
Compositeur : Lalo Schifrin 
2.Taxi Driver - Theme
Compositeur : Bernard Herrmann
3. Les Moulins de mon coeur (feat.Camille Bertault) 
Auteurs : Marilyn Bergman / Alan Bergman 
Compositeurs : Michel Legrand / Eddy Marnay
4. The Eiger Sanction 
Compositeur : John T.Williams 
5. Gran Torino (feat. Hugh Coltman) 
Auteurs/compositeurs : Michaël Stevens / Kyle Eastwood / Clint Eastwood / Jamie Cullum 
6. Pink Panther - Theme 
Compositeur : Henry Mancini
7. Per le antiche scale 
Compositeur : Ennio Morricone
8. Charade 
Compositeur : Henry Mancini
9. Unforgiven 
Compositeur : Clint Eastwood
10. Skyfall 
Compositeur : Adele Adkins / Paul Epworth
11. Gran Torino 
Auteurs/compositeurs : Michaël Stevens / Kyle Eastwood / Clint Eastwood / Jamie Cullum 

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