Sélection

Rentrée de janvier 2023 : Abondance des nouveautés, richesse des lectures d’hiver

Cette rentrée de janvier est presque aussi pléthorique qu’une rentrée de septembre ! Il y en a pour tous les goûts. De quoi bien choisir sa pile de livres à lire. Découvrez notre sélection des nouveautés à ne pas manquer.

Cette rentrée de janvier est presque aussi pléthorique qu’une rentrée de septembre ! De nombreux poids lourds occupent la scène ( Pierre Lemaitre, Marie-Hélène Lafon, Aurélien Bellanger, Philippe Besson, Andrei Makine, Daniel Pennac, Karine Tuil …). A leurs côtés, des auteurs de premiers romans (Paul Saint Bris, Rachel Arditi ou encore Camille Wouters) et des livres d’auteurs confirmés comme Véronique Ovaldé, Laurence Cossé, Cécile Balavoine ou Ariane Bois. Le choix est grand et large. Il y en a pour tous les goûts. De quoi bien choisir sa pile de livres à lire, pour réchauffer et occuper ses longues nuits d’hiver...

Le Silence et la Colère de Pierre Lemaitre, Calmann-Lévy, 568 pages, 23,90 €

Quelle histoire ? Entre ogre de béton, vilaine chute dans l’escalier, le Salon des arts ménagers, une grossesse problématique, la miraculée du Charleville-Paris, la propreté des Françaises, « Savons du  Levant, Savons des Gagnants », les lapins du laboratoire Delaveau, vingt mille francs de la main à la main, une affaire judiciaire relancée, le mystérieux professeur Keller, un boxeur amoureux, les nécessités du progrès, la mort d’un village,  le chat Joseph, l’inexorable montée des eaux, une vendeuse aux yeux gris, la confession de l’ingénieur Destouches, un accident de voiture... Et trois histoires d’amour.

Pourquoi ce livre ? Lauréat du prix Goncourt, Pierre Lemaitre nous plonge une nouvelle fois dans son univers retors et fascinant, où les histoires s’entremêlent en un feu d'artifice crépitant.



Les sources de Marie-Hélène Lafon, Buchet-Chastel, 128 pages, 16,50 €

Quelle histoire ? La cour est vide, la maison, fermée. Claire sait où est la clef, sous une ardoise, derrière l'érable, mais elle n'entre pas dans la maison, elle n' entrera plus. Elle serait venue même sous la pluie, même si l'après-midi avait été battue de vent froid et mouillé comme c'est parfois le cas, mais elle a de la chance ; elle pense exactement ça, qu'elle a de la chance avec la lumière d'octobre, la cour de la maison, l'érable, la balançoire, et le feulement de la Santoire qui monte jusqu'à elle dans l'air chaud et bleu.

Pourquoi ce livre ? Lorsque trois enfants devenus adultes se retrouvent chez le notaire pour liquider la maison de leur enfance, une ferme et ses terres que leur père avait si jalousement fait prospérer.
Lorsque Claire, l'une des filles de souvient de cette enfance à l'ombre d'une mère battue tous les samedis par son mari. Un livre comme un cri, qui, en peu de pages, raconte la beauté de cette nature rude mais prodigieuse, l'âpreté de la vie dans les années 50/60 et la transmission de ce quelque chose que Marie-Hélène Lafon nomme sources, mot qu'elle préfère à racines

Franz Kafka ne veut pas mourir de Laurent Seksik, Gallimard 352 pages, 21,50€

Quelle histoire ? « Tuez-moi, sinon vous êtes un assassin. » Telles sont les dernières paroles de Franz Kafka qui implore une autre dose de morphine à Robert Klopstock, son ami étudiant en médecine. À son chevet, sa compagne Dora Diamant veille sur lui. Tandis qu’Ottla, la sœur chérie, attend à Prague des nouvelles.
Robert, Dora, Ottla : ce roman raconte l’histoire de ces trois personnages clés de la vie de Kafka et entrecroise leurs destins, marqués au-delà de l’imaginable par sa présence et son œuvre. Robert deviendra, à New York, un éminent chirurgien spécialiste de la tuberculose. Dora survivra à la persécution nazie puis stalinienne, en portant jusqu’à nous la mémoire de Kafka. Ottla, elle, accompagnera dans les chambres à gaz un groupe d’enfants juifs après avoir célébré, au camp de Theresienstadt, le soixantième anniversaire de la naissance de son frère.
À travers ce roman dans le siècle, Laurent Seksik explore de manière inédite l’œuvre et la vie de Franz Kafka. L’auteur des Derniers jours de Stefan Zweig et du Cas Eduard Einstein mêle à nouveau, avec émotion et érudition, la grande histoire et le tragique de vies façonnées par l’empreinte d’un géant.

Pourquoi ce livre ? : Parce que Laurent Seksik sait écrire des page turner érudits et remplis d'esprit. Parce que Kafka l'a particulièrement inspiré et Seksik, peut-être influencé par son modèle a construit un labyrinthe autour de 3 personnages clés de la vie de Kafka, Kafka et l'auteur lui-même. Dans ce tableau sombre, revit la grande Histoire, celle où le «monde d'hier» décrit par Zweig a basculé. Alors ? C'est un livre qui suggère autant qu'il raconte, qui décrit autant qu'il produit de l'émotion, qui emporte sur les rives de la vie et du monde. Un grand livre, donc. 

Crépuscule de Philippe Claudel, Stock, 352 pages, 23,00 €

Quelle histoire ? Aux marches de l’Empire sommeille une province minérale où le froid, le givre, les bourrasques semblent ankyloser les habitants de la bourgade. Un jour, le curé est découvert mort, la tête fracassée par une pierre. De quelle nature est le crime  ? Qui pouvait en vouloir à ce curé d’une terre où les chrétiens et les musulmans vivaient depuis toujours en bonne entente  ? Que faire, qui accuser, et qui entraver dans son action si, à partir de ce meurtre, s’ordonne toute une géométrie implacable d’actes criminels et de cruautés entre voisins  ? À quoi sert de s’opposer au cours impétueux des choses  ?
Pourquoi ce livre ? Dans ce vieux monde de l’Empire qui s’affaisse, il y a tous les personnages, en chairs et en vices, qui conviennent au déroulement de la tragédie  : chacun joue à merveille sa partition. De suspense en rebondissements, l’intrigue haletante se double d’une grande réflexion sur nos errements contemporains, la volonté de quelques-uns de réécrire l’Histoire, la négation de certains crimes de masse et autres arrangements avec la réalité. Toute ressemblance avec le monde contemporain...

 

Le vingtième siècle d’Aurélien Bellanger, Gallimard, 432 pages, 23,00 €

Quelle histoire ? Walter Benjamin est l'un des plus grands mythes intellectuels du vingtième siècle. Un groupuscule d'extrême gauche porte son nom, et réalise des actions militantes énigmatiques, tandis qu'un poète se suicide à la BNF à la suite d'une conférence sur le penseur. Alertés par cette mort étrange, trois spécialistes de Benjamin se lancent à la recherche de son dernier manuscrit.

Pourquoi ce livre ? Le trio nous entraîne dans une enquête vertigineuse, véritable labyrinthe de fragments, où à chaque nouvelle page se dessine un peu plus la figure de Walter Benjamin. Roman polyphonique virtuose, Le vingtième siècle donne à penser notre contemporanéité de manière singulière et originale, et à relire l'histoire du siècle passé comme celui dont Benjamin aurait été le héros. Brillant et érudit. Aurélien Bellanger est très en verve dans cet univers hautement littéraire.

 

 

L’ancien calendrier d’un amour d’Andreï Makine, Grasset, 198 pages, 19,50 €

Quelle histoire ? «  Qu’importe l’éternité de la damnation à qui a trouvé dans une seconde l’infini de la jouissance.  » (Baudelaire)
Tel serait l’esprit de cette saga lapidaire – un siècle de fureur et de sang que va traverser Valdas Bataeff en affrontant, tout jeune, les événements tragiques de son époque.
Au plus fort de la tempête, il parvient à s’arracher à la cruauté du monde  : un amour clandestin dans une parenthèse enchantée, entre l’ancien calendrier de la Russie impériale et la nouvelle chronologie imposée par les «constructeurs de l’avenir radieux».

 Pourquoi ce livre ? Petit bijou de concision, ce roman sur la trahison, le sacrifice et la rédemption nous fait revivre, à hauteur d’homme, les drames de la grande Histoire  : révolutions, conflits mondiaux, déchirements de l’après-guerre. Pourtant, une trame secrète, au-delà des atroces comédies humaines, nous libère de leur emprise et rend infinie la fragile brièveté d’un amour blessé. Le lyrisme d'Andrei Makine fait toujours merveille en évoquant cette Russie d'un autre temps.

Au revers de la nuit de Cécile Balavoine, Mercure de France, 272 pages, 21€

Quelle histoire ? Une silhouette avait fait son entrée. Mais je ne distinguais qu'un long manteau croisé de couleur brune, surmonté d'un chapeau de gangster. C'était en tout cas une vision. Au moment où j'allais détourner la tête, la silhouette avait relevé la sienne, et un regard d'une intensité sombre m'avait pour ainsi dire empoignée, deux onyx surmontés d'une hirondelle en vol, c'était le regard d'un homme jeune. États-Unis, hiver 1996 : Cécile croise Sasha dans un train. Elle enseigne le français dans le Minnesota ; lui rentre à New York, où il veut ouvrir un café. Tous les deux ont vingt-trois ans. Mais Sasha ne ressemble pas aux jeunes gens de son âge : il a l'air tout droit sorti des années 30 ! Une semaine plus tard, Cécile est à New York : ils se revoient, se rapprochent...Quelque vingt ans plus tard, alors qu'elle a tourné depuis longtemps la page de sa vie américaine, Cécile découvre que Sasha est devenu un virtuose des cocktails et une figure de la nuit new-yorkaise.

 Pourquoi ce livre ? Il y a un véritable style Cécile Balavoine. Creusant le sillon de l'autofiction, elle évoque avec beaucoup de sensibilité le souvenir d'un amour de jeunesse. Elle rend à Sasha un bel hommage et fait aussi un étonnant portrait du New York des années 2000, ville de tous les possibles. Alors qu'elle évoquait dans Une fille de passage, l'écrivain Serge Doubovsky qui avait été son professeur puis son colocataire, l'auteure qui enseigne à Columbia et à Sciences Po Paris, poursuit ses scènes de vie dans le New York des années 2000. Entraînant comme un air de jazz un peu acide. Et le jazz va bien à Cécile Balavoine.

Mon oncle de Brooklyn de Paula Jacques, Flammarion, 336 pages, 21 €

Quelle histoire ? Quand Éva débarque à New York, elle a plus d'une idée en tête. Côté pile, interviewer des personnalités apparemment inaccessibles pour une jeune journaliste française - comme l'impressionnante Toni Morrison, qui pourrait se confier sur les récentes émeutes raciales qui ont enflammé la ville. Côté face, elle doit se rapprocher, à la demande de sa mère, d'un oncle qu'elle connaît peu et qui vient de perdre sa femme à cause de son rigorisme religieux. New York s'offre sous toutes les coutures, entre tensions raciales, communautés religieuses orthodoxes et vie culturelle palpitante... Et c'est là que la jeune femme fait une rencontre décisive en croisant la route de Barry, écrivain au carnet d'adresses imposant. En l'espace d'une poignée de semaines, ce n'est pas une mais plusieurs vies que l'irrésistible Éva va mener dans une ville dont elle épouse à la perfection l'éternel mouvement.

Pourquoi ce livre ? Décidément New York ne lasse pas d'inspirer les écrivains...Dépeignant avec brio une vie dans l’étourdissante New York aux personnages attachants, Paula Jacques entraîne le lecteur dans un moment magique de démultiplication personnelle, à l'image de cette ville aux multiples visages.

Le secret de Sybil de Laurence Cossé, Gallimard, 144 pages, 16 €

Quelle histoire ? « De dix à quatorze ans, j'ai connu l'amour. Je ne le savais pas, j'aurais dit qu'il s'agissait d'amitié. J'ai fait le rapprochement bien plus tard, après m'être essayée à ce qu'il est convenu d'appeler amour : ce que j'avais connu à dix ans n'était pas d'une autre nature. À ceci près qu'il n'entrait dans la joie d'alors ni saisons ni brouillards, ce qui est rarement le cas entre adultes. C'est la sécurité affective dont j'ai le souvenir, la sécurité absolue nous baignant comme une mer chaude qui me fait appeler amour ce que nous avons partagé, Sybil et moi. Nous vivions là un privilège, une grâce que je ne pensais pas en ces termes mais dont toutes les fibres de mon être étaient sûres. Puis le froid est venu. Il m'a fallu longtemps pour admettre que Sybil s'était détachée de moi, et encore des années pour comprendre que j'en savais bien peu sur elle. » Voici comment Laurence Cossé présente son roman. 
Pourquoi ce livre ? L’auteure de La grande Arche lève dans ce roman émouvant le voile sur sa jeunesse, jeune fille dans les années 60.  Laurence Cossé se souvient et se confronte à un souvenir, dont le sens lui a échappé. Peut-être arrivera-t-elle en en saisir la substance ? Ou peut-être laissera-t-elle en suspens le mystère de ces rencontres qui marquent tout en disparaissant, ces malentendus forcément tragiques...

Fille en colère sur un banc de pierre de Véronique Ovaldé, Flammarion, 320 pages, 21 €

Quelle histoire ? « Elle aurait pu renoncer. Elle aurait dû renoncer. Elle se le répéta bien un million de fois toutes les années qui suivirent. Elle eut d'ailleurs une hésitation, peut-être valait-il mieux rester, se rallonger dans la chambrée, à écouter ses deux autres sœurs qui gesticulaient dans leur sommeil, pétaient et miaulaient sous leurs draps à cause de leurs rêves lascifs tout juste pubères. Peut-être valait-il mieux abdiquer, enrager, et se délecter de sa rage, puisqu'il y a un plaisir dans l'abdication, cela va sans dire, le plaisir tragique de la passivité et du dépit, le plaisir du drapage dans la dignité, on ne nous laisse jamais rien faire, on a juste le droit de se taire, on nous enferme, alors que les autres là-bas au loin s'amusent et se goinfrent, qu'est-ce que j'ai fait dans mes vies antérieures pour mériter ça, oh comme je suis malheureuse. Peut-être aussi que le jeu n'en valait pas la chandelle. Mais le jeu, n'est-ce pas, en vaut rarement la chandelle. Le jeu n'est désirable que parce qu'il est le jeu. »

Pourquoi ce livre ? Véronique Ovaldé, à travers l'histoire d'une famille frappée par une mystérieuse tragédie, ausculte au plus près les relations que nous entretenons les uns avec les autres et les incessants accommodements qu'il nous faut déployer pour vivre nos vies. Alors au jeu de la vie et du destin, Véronique Ovaldé se promène. Et cherche son fil d'Ariane...

Ceci n’est pas un fait divers de Philippe Besson, Julliard, 208 pages, 20 €

Quelle histoire ? Ils sont frère et sœur. Quand l'histoire commence, ils ont dix-neuf et treize ans. Cette histoire tient en quelques mots, ceux que la jeune cadette, témoin malgré elle, prononce en tremblant : «Papa vient de tuer maman.»
Passée la sidération, ces enfants brisés vont devoir se débrouiller avec le chagrin, la colère, la culpabilité. Et remonter le cours du temps pour tenter de comprendre la redoutable mécanique qui a conduit à cet acte.

Pourquoi ce livre ? Avec pudeur et sobriété, ce roman, inspiré de faits réels, raconte, au-delà d'un sujet de société, le long combat de deux victimes invisibles pour réapprendre à vivre. Philippe Besson regarde la tragédie de la violence familiale dans la marque en creux qu'elle laisse chez les enfants. Grave et sans émotion inutile.

 

 

Staline a bu la mer de Fabien Vinçon, Anne Carrière, 272 pages, 19 €

 

Quelle histoire ? 1948, Joseph Staline lance son grand plan de transformation de la nature. Au crépuscule de son règne, ce tyran n’a plus qu’un adversaire à sa mesure : la planète, qu’il veut dominer par ses grands travaux. Miné par la maladie, enfermé dans ses forteresses, le petit père des peuples de 70 ans, redoute les complots. D’où vient le vent déchaîné qui le pourchasse ? Sous ses ordres, un jeune ingénieur fanatique reçoit l’ordre de vider une petite mer en plein désert d’Asie centrale. La grandeur de l’URSS a un prix, la folie meurtrière.  Envoûtement chamanique, passion amoureuse, Leonid Borisov part pour un grand voyage.

Pourquoi ce livre ? Entre fable et réalisme magique, c’est l’histoire d’un des plus grands désastres écologiques du XXe siècle : la disparition de la mer d’Aral. Le sujet est ô combien d'actualité et l'auteur, une des révélations de cette rentrée de janvier.

Mémoires intimes d’un pauvre vieux essayant de survivre dans un monde hostile de Vincent Ravalec, Fayard, 270 pages, 20 €

Quelle histoire ? Vous avez survécu au Covid ? La guerre vous fait flipper ? Le réchauffement et les incendies vous inquiètent ? Vous n’avez pas encore bien saisi le concept de « points-retraite » ? Pas de panique. Mémoires intimes d’un pauvre vieux essayant de survivre dans un monde hostile est fait pour vous. Imaginez un livre qui aurait à la fois des vertus magiques – il ralentirait la course du temps et effacerait les rides –, et foncerait à deux cents à l’heure en se jouant d’un monde pré-apocalyptique, ne se préoccupant que d’une chose, triviale au possible : la survie de son héros-boomer.
 Pourquoi ce livre ? S’essayant pour la première fois à l’exercice périlleux du journal intime – pour mieux le détourner – l’auteur de Cantique de la Racaille et de Sainte-Croix-les-Vaches livre un roman hilarant où rien ne lui est épargné, ni le théâtre des réseaux sociaux, ni l’aventure périlleuse des sites de rencontres pour seniors, ni même l’éligibilité à la carte croûton-SNCF. Sans oublier les considérations philosophiques induites par cette douloureuse question : boomers, nous qui allons être des milliards dans la décennie qui s’annonce, qu’allons-nous faire de nous ? Cela faisait longtemps qu'on attendait Vincent Ravalec face à notre époque désenchantée. Il a bien fait de prendre son temps. Si l'auteur n'a rien perdu de son insolence, il a gagné dans la justesse de ses angles de tir.  On le découvre ici drôle, incisif et tendre à fois.

Une histoire du vertige de Camille De Toledo, Verdier, 192 pages, 19,50 €

Quelle histoire ? « Écoute, le sol se dérobe, les mots dérapent ; partout, nos appuis s’érodent. Nous vivons “au-dessus” du monde, dans des bulles d’histoires ; ce que nous voyons, au loin, depuis cette hauteur, c’est une Terre abîmée, épuisée. Nous entrons dans un temps vertigineux. Et moi, figure-toi, avec les livres qui m’ont accompagné, j’ai voulu saisir les formes de ce vertige. Comprendre cette guerre, ce combat, et cette blessure, entre les langages humains et les autres formes de la vie. »

Pourquoi ce livre ? Une histoire du vertige, à sa façon unique, est un livre d’aventure. Il s’ouvre sur la cavale de Don Quichotte : cet être envoûté par la fiction, et qui nous ressemble tant. Et à partir de là, il tourne inlassablement autour d’une espèce : la nôtre, en se demandant comment nous détruisons nos appuis terrestres. Fresque du temps présent, de nos vertiges face à la crise écologique et aux épreuves de la guerre, le livre s’adresse à un lecteur imaginaire : un ami, un frère ou une sœur, un compagnon. Il parle de nous, de notre perte d’équilibre, de notre sentiment que plus rien ne tient, que tout s’effondre ; mais en nous apprenant, petit à petit, à tenir dans le vertige. En nous reliant à un monde infini, beaucoup plus vaste, où les petits « Je » des modernes s’effacent. On se promène avec Camille de Toledo et on réfléchit en même temps. Ce vertige nous prend, nous fait un peu tourner la tête, puis nous invite à respirer.

Mes fragiles de Jérôme Garcin, Gallimard, 112 pages, 14,00 €

Quelle histoire ? « C'était trop. Trop vite, trop tôt. Trop peu préparé à ce nouvel assaut de souffrance et de regrets. Trop de colère contre le destin. Trop de morts. Trop de prières et de miséricorde. Trop de Toussaint aux beaux jours. Trop de plus jamais. » En l'espace de six mois disparaissent successivement la mère et le frère de l'auteur. Tandis qu'ils affrontent la maladie surgit un secret qui réécrit l'histoire de la famille.

 Pourquoi ce livre ? Un texte resserré comme une essence de parfum, dans la veine de La Chute de cheval (1998) et Olivier (2011) qui évoquaient alors la mort prématuré du père de l'auteur dans une chute de cheval. Coutumier de ces fantômes qui habitent sa mémoire, Jérôme Garcin trouve les mots là où il y a du silence, pose sa pudeur sur sa profonde émotion. Intime, sensible, bouleversant.

 

 

Une archive de Mathieu Lindon, P.O.L., 240 pages, 19 €

Quelle histoire ? Je voudrais raconter les éditions de Minuit telles que je les voyais enfant. Et aussi mon père, Jérôme Lindon, comme je le voyais et l'aimais. Y a-t-il des archives pour ça ? Et comment être une archive de l'enfant que j'ai été ? Ainsi Jérôme Lindon s'attaque-t-il à deux monstres : les éditions de Minuit et l'histoire de son père.

Pourquoi ce livre ? Mathieu Lindon se souvient de son père, le grand éditeur Jérôme Lindon. Il livre le portrait d’un homme de combats, à rebours de son image sévère. Se lance dans une quête mémorielle dans les archives, cherchant à faire revivre une figure à la fois éditeur emblématique et père difficile. Passionnant aussi de découvrir l'histoire d'une maison d'édition qui a vu naître le Nouveau roman et qui occupe toujours une place singulière dans l'édition française.

 

 

 

Il suffit de traverser la rue, d’Éric Faye, Seuil, 288 pages, 19,50 €

Quelle histoire ? Dans les années 2010, un journaliste vit de l’intérieur les convulsions de l’entreprise de presse pour laquelle il travaille depuis un certain temps : rachat, brutalité managériale, obsession du profit envers et contre tout... À l’occasion d’un plan de départ volontaire, il prend ses cliques et ses claques en saisissant au vol une opportunité de reconversion professionnelle. Mais, dans les méandres des organismes de formation qui sont un business à part entière, rien ne va se passer comme prévu, sous le regard de l’ex-homme d’information qui est aussi poète à ses heures perdues.

Pourquoi ce livre ? Au fil de ce roman, Eric Faye, ancien lauréat du Grand Prix du roman de l'Académie française, brosse le tableau d'une classe moyenne incapable de résister à l'offensive néo-libérale et de se mobiliser lorsqu'elle est attaquée. Eric Faye se révèle un peintre social incisif. 
 

 

Terminus Malaussène de Daniel Pennac, Gallimard, 44 pages, 23 €

Quelle histoire ? « Je ne savais pas que les enfants avaient failli se faire tuer dans le volume précédent. Quand j'ai appris que c'était Pépère qui avait fait le coup, j'ai pigé un truc : qui ne connaît pas Pépère ne sait pas de quoi l'être humain est capable.» Benjamin Malaussène. Ainsi commence le dernier livre de Pennac, fidèle à sa verve et son humour grinçant.

 Pourquoi ce livre ? Avec son nouveau roman, l'écrivain met (peut-être) un point final à la malicieuse saga qui l'a rendu célèbre. Les fans du style Pennac seront ravis de retrouver les aventures de la famille Malaussène. Ceux qui espéraient une nouvelle inspiration passeront leur chemin. Mais comme on ne change pas une équipe qui gagne...

 

 

Irréfutable essai de successologie de Lydie Salvayre, Seuil, 176 pages, 17,50 €

Quelle histoire ? Comment se faire un nom ?
Comment émerger de la masse ?
Comment s’arracher à son insignifiance ?
Comment s’acheter une notoriété ?
Comment intriguer, abuser, écraser, challenger ?
Comment mentir sans le paraître ? Comment obtenir la faveur des puissants et leur passer discrètement de la pommade ? Comment évincer les rivaux, embobiner les foules, enfumer les naïfs, amadouer les rogues, écraser les méchants et rabattre leur morgue ? Comment se servir, mine de rien, de ses meilleurs amis ? Par quels savants stratagèmes, par quelles souplesses d’anguille, par quelles supercheries et quels roucoulements gagner la renommée et devenir objet d’adulation ?

Pourquoi ce livre ? Lydie Salvayre a écrit une douzaine de romans, traduits dans de nombreuses langues, parmi lesquels La Compagnie des spectres (prix Novembre), BW (prix François-Billetdoux) et Pas pleurer (prix Goncourt 2014). Dans son dernier livre, elle interroge les recettes du succès. Pas sous l'angle du développement personnel, mais bien de la fiction littéraire, comme si elle imaginait le personnage avec la réussite idéale. A lire en s'interrogeant sur les post-quart d'heure de célébrité des influenceurs d'aujourd'hui...

Mes désirs futiles de Romane Lafore, Table Ronde, 224 pages, 22,50 €

Quelle histoire ? Archy naît dans une tanière au milieu de la forêt, au sein d'une portée de fouines. Son père a été tué par l'Homme, et sa mère se démène pour nourrir ses petits au cœur de l'hiver. Très vite, Archy comprend qu'il doit lui aussi chasser s'il veut garder sa place dans la famille. Mais à peine s'est-il essayé à piller un nid qu'il se blesse. Son destin prend alors un sombre tour : devenu inutile à sa mère, il est vendu à un vieux renard cruel, Solomon le prêteur sur gages, qui en fait son esclave puis son apprenti avant de lui révéler son secret : il connaît l'existence de l'écriture, de Dieu et de la mort... Solomon lègue à Archy ce testament qui l'accompagnera toute sa vie dans son exploration de la forêt. Mais est-ce un trésor ou un fardeau que ce secret de l'homme ?

 Pourquoi ce livre ? À mi-chemin entre fable et roman d'initiation, Mes désirs futiles mêle aventure et philosophie pour mieux interroger la nature humaine et la force de nos désirs. Un joli texte qui laisse de nombreuses questions suivre le lecteur lorsqu'il referme le livre.
 

Temps calme, pleine tempête de Julien Decoin, Seuil, 192 pages, 18 €

Quelle histoire ? Un père veut rejoindre sa femme sur une île, en compagnie de sa petite fille de 5 ans. Arrivés au port d’embarquement pour le dernier tronçon en ferry, tout se complique. Une foule attend, des menaces planent. C’est la cohue. In extremis, le père et sa fille trouvent refuge dans un hôtel où tous les clients sont bientôt confinés. Face à sa fillette, dans le huis clos de la chambre, le père ressent sa profonde tendresse pour elle, mais aussi ses regrets, et une forme de culpabilité. La relation ambiguë qu’il établit avec la jeune responsable de l’établissement ne fait que raviver son sentiment de faute. Au téléphone, l’épouse et mère patiente, puis s’inquiète. Ils sont si près. Ils sont si loin. Finalement, le narrateur prend le risque de s’aventurer en bateau, malgré une mer déchaînée. À quoi tient la vie ?

Pourquoi ce livre ? Un livre intriguant, perturbateur, dérangeant même peut-être. Des personnages torturés, compliqués, pris dans un tourbillon d’événements qui feront ressortir les vrais visages. Oui à quoi tient la vie finalement ...

 

Kaddish pour un amour de Karine Tuil, Gallimard, 128 pages, 14 €

Quelle histoire ? Le kaddish est l'une des prières de deuil que les juifs récitent plusieurs fois par jour. Il a pour objet, non pas la mort, mais le futur et la sanctification du nom divin. Il n'existe pas de kaddish pour l'amour - alors une femme l'écrit pour l'homme dont elle est séparée. Dans Kaddish pour un amour, celle qui aime cherche l'aimé dans l'absolu de sa présence.

Pourquoi ce livre ? La langue est ciselée, épurée, témoin de la fragilité du sentiment amoureux. Ce recueil, habité par un souffle mystique, renoue avec une tradition poétique hébraïque trois fois millénaire et offre une prière universelle pour le retour de l'être aimé. Un style où on n'attendait pas Karine Tuil. La poésie révèle une autre facette de son talent. Et cela lui réussit.

 

 

 

Le bureau d’éclaircissement des destins de Gaëlle Nohant, Grasset, 416 pages, 23,00 €

Quelle histoire ? Au cœur de l’Allemagne, l’International Tracing Service est le plus grand centre de documentation sur les persécutions nazies. La jeune Irène y trouve un emploi en 1990 et se découvre une vocation pour le travail d’investigation. Méticuleuse, obsessionnelle, elle se laisse happer par ses dossiers, au regret de son fils qu’elle élève seule depuis son divorce. A l'automne 2016, Irène se voit confier une mission inédite : restituer les milliers d’objets dont le centre a hérité à la libération des camps. Un Pierrot de tissu terni, un médaillon, un mouchoir brodé… Chaque objet renferme ses secrets. Il faut retrouver la trace de son propriétaire déporté, afin de remettre à ses descendants le souvenir de leur parent. Au fil de ses enquêtes, Irène se heurte aux mystères du Centre et à son propre passé. Cherchant les disparus, elle rencontre ses contemporains qui la bouleversent et la guident, de Varsovie à Paris et Berlin, en passant par Thessalonique ou l’Argentine. Au bout du chemin, comment les vivants recevront-ils ces objets hantés ?

 Pourquoi ce livre ? Le bureau d’éclaircissement des destins, tisse le fil qui unit des trajectoires individuelles à la mémoire collective de l’Europe. La fresque de Gaëlle Nohant est brillamment composée, d’une grande intensité émotionnelle. Même si le sujet n'est pas inédit, l'auteure lui apporte une dimension mondialisée qui résonne avec notre époque contemporaine.

Trio des ardents de Patrick Grainville, Seuil, 352 pages, 21,50 €

Quelle histoire ? Isabel Rawsthorne est la créatrice d’une œuvre picturale secrète et méconnue. On a surtout retenu de sa vie aventureuse qu’elle fut l’amante solaire et le modèle d’Alberto Giacometti. Elle posa d’abord pour le sculpteur Epstein, puis pour Balthus, Derain, Bacon. Picasso fit plusieurs portraits d’elle sans qu’elle cède à ses avances. À travers Isabel, son foyer magnétique et sa liberté fracassante, on assiste à une confrontation entre deux géants de la figuration, Bacon et Giacometti. Au moment même où triomphe l’abstraction dont ils se détournent avec une audace quasi héroïque. Bacon, scandaleux, spectaculaire, carnassier, soulevé par une exubérance vitale irrésistible mais d’une lucidité noire sur la cruauté et sur la mort. Giacometti, poursuivant sa quête d’une ressemblance impossible, travailleur obsessionnel jusqu’à l’épuisement. Chez Isabel, la mélancolie alterne avec l’ivresse vagabonde.

Pourquoi ce livre ? Des années 30 à la fin du siècle, telle est la destinée de ce trio passionné, d’une extravagance inédite, partageant une révolution esthétique radicale et une complicité bouleversante, racontés avec le style flamboyant cher à Patrick Grainville, prix Goncourt et membre de l’Académie Française.

Les ombres blanches de Dominique Fortier, Grasset, 256 pages, 20,90 €

Quelle histoire ? Emily Dickinson aurait pu ne jamais être pour nous qu’un nom étranger. Celui d’une femme, américaine, moins connue pour son talent littéraire que pour avoir passé la majeure partie de sa vie confinée chez elle. Puisqu’elle s’était toujours farouchement refusée à voir ses écrits publiés, rares sont ceux qui savaient, de son vivant, qu’Emily était aussi une formidable poète. Peu avant son décès, elle demande à sa sœur Lavinia de brûler tous ses papiers personnels. Mais lorsque cette dernière découvre dans sa chambre des centaines de poèmes renversant de beauté, griffonnés sur des morceaux d’enveloppes ou d’emballages, elle est à la fois sidérée et incapable de lui obéir. Jusqu’où la volonté des morts peut-elle changer l’existence des vivants ? Ne pas les suivre, est-ce les trahir ? Et si les mots pouvaient faire revivre les disparus – et celles et ceux qui leur survivent ? Lavinia choisit la vie.

Pourquoi ce livre ? Dans ce roman profond et envoûtant, Dominique Fortier prolonge la vie d’Emily Dickinson en racontant la grande aventure qui mènera cette héroïne anonyme à faire paraître ses poèmes pour la première fois. Texte lumineux sur le deuil, l’absence, la poésie, le pouvoir des mots et l’importance de la littérature, Les ombres blanches nous fait assister à la naissance d’une œuvre qui aurait pu ne jamais voir le jour. Et nous donne envie de (re)lire Emily Dickinson.

J’ai tout dans ma tête de Rachel Arditi, Flammarion, 256 pages, 19,00 €

Quelle histoire ? Il est peintre, et sa fille est comédienne. Certains esprits attendris les qualifient de doux rêveurs. Mais ce qu'ils partagent, c'est plutôt un net penchant à éviter tout contact trop brutal avec la réalité. Esquives, subterfuges et mises à distance, tout est permis pour ne pas se heurter au réel. Pour lui, l'affaire est désormais conclue puisque la réalité s'est confondue avec la fiction qu'il se raconte, assez joyeusement d'ailleurs, depuis sa maison de retraite où il croit dur comme fer que des Japonais vont lui acheter une fortune l'une de ses plus fameuses toiles. Pour elle, néanmoins, la vie est encore longue... Alors quand elle reçoit un appel de son amie Victoire, metteuse en scène, qui lui propose de travailler sur l'adaptation d'un roman de Pouchkine, elle se prend à rêver d'incarner le rôle de Tatiana. Entre deux visites à son père, elle va chercher à ce que, pour une fois, la réalité se plie à son désir.

Pourquoi ce livre ? Rachel Arditi signe un premier roman malicieux et élégant sur un père et une fille occupés à réenchanter le monde. Un nouveau talent à découvrir et à suivre.

Ce pays qu’on appelle vivre d’Ariane Bois, Plon, 288 pages, 20,90 €

Quelle histoire ? Jeune caricaturiste de presse juif allemand, Leonard Stein voit sa vie basculer quand Hitler arrive au pouvoir. Réfugié sur la Côte d'Azur après avoir combattu pour la liberté en Espagne, la guerre le rattrape. À l'été 40, il est envoyé aux Milles, camp d'internement situé à sept kilomètres d'Aix-en-Provence.
Leo n'a qu'une idée en tête : s'échapper par tous les moyens. D'échecs en vaines tentatives, il finit par rencontrer une volontaire marseillaise d'un réseau de sauvetage, juive elle aussi, Margot Keller. Alors que leurs efforts conjugués paraissent porter leurs fruits et annoncer la liberté, l'été 42 arrive, meurtrier et cruel, faisant vaciller leurs espoirs. Mais les deux amants semblent croire à l'impossible...

Pourquoi ce livre ? Un grand roman d'amour et de résistance à travers l'histoire des Milles (Aix-en-Provence), le seul grand camp d'internement et de déportation français encore intact. L'usine de tuiles des Milles verra passer 10 000 étrangers, en majorité juifs. Un lieu de détention effroyable mais aussi un centre de culture, de création, peuplé par des intellectuels et des artistes opposés au nazisme, dont Max Ernst et Franz Hessel. Une histoire encore très peu connue, l'ouverture au public du site-mémorial datant de 2012 seulement. Ariane Bois fait revivre avec une fidélité historique ce lieu chargé de mémoires.

Est-ce ainsi que les hommes vivent ? de Patrick Besson, Albin Michel, 480 pages, 22,90 €

Quelle histoire ? « Le monde vit un grand spectacle permanent, mélange de cirque et de concert de klaxons. Dès l'adolescence, je me suis installé dans le confort ricanant de l'écriture pour l'observer.
De décennie en décennie, je suis arrivé tant bien que mal à l'année 2010, date à laquelle commence ce nouvel ouvrage écrit entre 2010 et 2020, à raison de deux feuillets hebdomadaires pour Le Point. Les événements comptent peu, sauf les morts. Les partis sont pris.
Guerres et soirées, élections et vacances, amours et désenchantements, villes et mers (et même un peu de Seine-et-Marne) : toute ma vie y est accrochée, comme Don Quichotte sur les ailes d'un moulin de la Manche.
 J'écris mes articles comme des romans et mes romans comme des articles : Dieu reconnaîtra les saints. J'ai d'abord écrit dans les journaux pour sortir de chez moi afin d'aller au journal, jusqu'à ce que le fax, puis le mail m'intiment de rester à la maison derrière un bureau que je n'ai pas. Des années que j'écris sur un canapé : le lieu de la mort de Pouchkine. » P.B.

Pourquoi ce livre ? Un livre qui défie les humeurs, les problèmes, l’air du temps. Patrick Besson est un excellent éditorialiste dont la plume acérée fait merveille quand elle vient écorcher tel ou tel sujet. Brillant.

Noyade de Céline Spierer, Héloise d’Ormesson, 224 pages, 20 €

Quelle histoire ?Les enfants Haynes et leurs conjoints sont réunis autour d'Elizabeth, matriarche hiératique. En apparence, la dynastie incarne la parfaite success story américaine. Mais à vouloir se conformer à cette image de réussite, ils se sont enfermés dans des rôles de composition. Combien de temps pourront-ils encore taire leurs mensonges et leurs trahisons sans en payer le prix ? Accepteront-ils de tomber les masques alors qu'une nouvelle tragédie les frappe ?

Pourquoi ce livre ? Fil tendu au-dessus du drame, Noyade est un habile jeu de construction qui nous mène de fausses pistes en troublantes révélations. Derrière la respectabilité et la fortune, des vérités inavouables, réveillées par une onde de choc, émergent et bousculent un équilibre factice. En poussant la porte des Haynes, on pénètre dans le cœur palpitant d'une famille au bord de l'implosion. Et on ne lâche pas ce livre, presque déçu qu'il soit terminé !
 

 

Pleine et douce de Camille Froidevaux-Metterie, Sabine Wespieser Éditeur, 224 pages, 20,00 €

Quelle histoire ? Une musique libre et joyeuse s'élève des pages de ce premier roman : celle d'un choeur de femmes saluant la venue au monde de la petite Eve, enfant née d'un désir d'amour inouï. Stéphanie est cheffe de cuisine, elle voulait être mère, mais pas d'une vie de couple. Elle est allée en Espagne bénéficier d'une procréation médicalement assistée, alors impossible en France. Greg, l'ami de toujours, a accepté de devenir le " père intime " d'Eve. A l'approche des réjouissances, chacun est conduit à interroger son existence et la place que son corps y tient. Comme dans la vie, combats féministes, tourments intimes et préparatifs de la fête s'entremêlent.

 Pourquoi ce livre ? Camille Froidevaux-Metterie dépeint une constellation féminine, qui invente une nouvelle parentalité, tout en construisant un roman dont les rebondissements bouleversent : rien ne se passera comme l'imaginent encore Stéphanie et Jamila, la nounou d'Eve, s'activant la veille du festin tant attendu. Un premier roman tour à tour mordant et tendre de la philosophe et professeure de science politique, auteure de La révolution du féminin. 

L’allègement des vernis de Paul Saint Bris, Philippe Rey, 352 pages, 22 €

Quelle histoire ? Aurélien est directeur du département des Peintures du Louvre. Cet intellectuel nostalgique voit dans le musée un refuge où se protéger du bruit du monde. Mais la nouvelle présidente, Daphné – une femme énergique d'un grand pragmatisme –, et d'implacables arguments marketing lui imposent une mission aussi périlleuse que redoutée : la restauration de La Joconde.
À contrecœur, Aurélien part à la recherche d'un restaurateur assez audacieux pour supporter la pression et s'attaquer à l'ultime chef-d'œuvre. Sa quête le mène en Toscane, où il trouve Gaetano, personnalité intense et libre. Face à Mona Lisa, l'Italien va confronter son propre génie à celui de Vinci, tandis que l'humanité retient son souffle...

Pourquoi ce livre ?  Un premier roman captivant qui imagine la périlleuse et controversée restauration de La Joconde, le plus célèbre tableau du monde. Paul Saint Bris a de qui tenir. Il a grandi au Clos Lucé près de l'ombre de Léonard de Vinci. Son premier roman est une des révélations de cette rentrée. Il apporte une critique acérée sur la boulimie visuelle de notre époque, notre rapport à l'art et notre relation au changement. Sa galerie de personnages en action dans le plus beau musée du monde est irrésistible. Après avoir lu ce livre, vous ne regarderez plus jamais La Joconde de la même façon. 

Célestine de Sophie Wouters, Editions Hervé Chopin, 120 pages, 16 euros

Quelle histoire ? Années soixante, quelque part en France profonde. Célestine, orpheline dès sa naissance, est élevée par de lointains parents qui n’avaient jamais voulu d’enfants. Dix-sept ans plus tard, l’adolescente se retrouve devant la Cour d’assises des mineurs. Mais que s’est-il donc passé pour que la ravissante et douce Célestine, dont l’avenir était plus que prometteur, soit jugée pour un crime dont tout semble l’accuser ?

 Pourquoi ce livre ? Artiste peintre, Sophie Wouters signe ici son premier roman. Sous des allures de pérégrinations mélancoliques à la tonalité douce-amère, Célestine explore nos faiblesses humaines qui peuvent quelquefois mener au drame. Un texte court qui claque comme un galop dans la nuit.

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