Goncourt 2017

Eric Vuillard : «L'ordre du jour» ou la fulgurante montée du nazisme

C'est Eric Vuillard qui remporte le Goncourt 2017 pour L'ordre du jour (Actes Sud), qualifié par le président du jury Bernard Pivot de «petit livre fulgurant avec une formidable écriture sur la montée du nazisme»Un rebondissement qui montre que le vote d'un jury n'est jamais joué d'avance, car le livre d'Eric Vuillard ne faisait pas partie de la première sélection.

Eric Vuillard était l'outsider, celui qui est venu par la fenêtre et qui a réuni le jury Goncourt qui n'arrivait pas à se décider. Il remporte le prestigieux prix, succédant à Leila Slimani, lauréate 206 pour Chanson douce. Selon Bernard Pivot, président du jury Goncourt, L'ordre du jour est : «un petit livre fulgurant avec une formidable écriture sur la montée du nazisme».

Un auteur qui est un écrivain dont les histoires s'inscrivent dans l'Histoire

L'ordre du jour (Actes Sud) n'est peut-être pas le meilleur livre d'Eric Vuillard - nous lui avions préféré 14 juillet et Tristesse de la terre-,  mais il salue un auteur qui est un écrivain qui compte. Il aime saisir un moment, une époque, un événement,  pour non seulement reconstituer leur chronologie, mais surtout interroger leur portée, leur "sens". Ce regard sur l'Histoire contemporaine construit son oeuvre. Et nourrit le lecteur d'une portée plus large que le simple divertissement.

L'émergence du nazisme n'a pas été l'oeuvre d'un seul

Dans son livre, Eric Vuillard revient sur la montée de l'Allemagne nazie dans le contexte des marchandages politiques et des intérêts croisés avec la société industrielle allemande. L'historien et ancien officier de la Wehrmart August von Kageneck avait déjà décrit dans Examen de conscience, cette collusion souvent sous-estimée entre la haute société allemande et le projet hitlérien. Une approche qui montre à quel point le destin d'un pays ne peut jamais se fonder uniquement sur l'action d'un homme. Il a fallu pour son accomplissement une interaction active avec des corps constitués. A méditer fortement, en notre époque qui voit apparaître de nouveaux visages politiques, émergés grâce aux réseaux sociaux,  pour le meilleur et souvent pour le pire.

La panne des Panzers

Eric Vuillard présente le propos de son livre ainsi : "L’Allemagne nazie a sa légende. On y voit une armée rapide, moderne, dont le triomphe parait inexorable. Mais si au fondement de ses premiers exploits se découvraient plutôt des marchandages, de vulgaires combinaisons d’intérêts ? Et si les glorieuses images de la Wehrmacht entrant triomphalement en Autriche dissimulaient un immense embouteillage de panzers ? Une simple panne ! Une démonstration magistrale et grinçante des coulisses de l’Anschluss."

La fin d'une Assemblée

"Ils étaient vingt-quatre, près des arbres morts de la rive, vingt-quatre pardessus noirs, marron ou cognac, vingt-quatre paires d’épaules rembourrées de laine, vingt-quatre costumes trois pièces, et le même nombre de pantalons à pinces avec un large ourlet. Les ombres pénétrèrent le grand vestibule du palais du président de l’Assemblée ; mais bientôt, il n’y aura plus d’Assemblée, il n’y aura plus de président, et, dans quelques années, il n’y aura même plus de Parlement, seulement un amas de décombres fumants." écrit Eric Vuillard.

Le nazisme, un héritage critique "consensuel"

On peut juste déplorer que le nazisme soit toujours le point de référence qui fait consensus. Même si l'interpération va pousser le curseur un peu plus d'un côté ou de l'autre (à part les extrémistes que nous ne nommerons pas et qui restent marginaux). Personne ne prend de  grand risque à venir explorer cette période. En revanche, évoquer la guerre d'Algérie par le point de vue harki ou la conversion d'une esclave musulmane au catholicisme, thèmes abordés dans les livres respectifs d'Alice Zeniter et de Véronique Olmi auraient exposé à la critique. Peut-être qu'en pleine affaire Weinstein, partir dans les bizarreries de l'univers cinémtographiques eût été hasardeux, comme dans le livre de Yannick Haennel.  Alors, revenir à l'Histoire nazie, avec si possible un peu de "petits arrangements entre amis" avait le mérite de rassembler autour d'une même cause et de donner à tous une bonne conscience éclairante. Ce qui ne retire rien à l'intérêt du livre d'Eric Vuillard. 

De l'Histoire au pouvoir

De plus, de l'Histoire au pouvoir, il n'y a qu'un pas que certains ont franchi. Il se murmure qu' Actes Sud étant la maison d'édition de Françoise Nyssen, certains ont pensé faire plaisir au Ministre de la Culture en accordant le Goncourt à un de ses protégés. Mais ceux-là sont sûrement des jaloux...

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