«Algérie, ma déchirure»

Les mémoires d'Algérie de Behja Traversac

Dans Algérie, ma déchirure (Editions Chèvrefeuille étoilé), Behja Traversac raconte la mémoire d'une Algérie qu'elle a quittée après  l'adolescence. En un texte poétique et incantatoire, accompagnée des aquarelles de Catherine Rossi-Legouet, elle emporte le lecteur dans un voyage sans détour.

La sociologue Behja Traversac est née à Maghnia en Algérie. Elle a passé son adolescence et sa jeunesse à Alger, juqu'à son départ en 1991 pour la France. C'est dire si «sa mémoire» d'Algérie est vive et ancrée en elle. Dans son livre Algérie, ma déchirure, elle revient sur ses «fragments de vie» entre mer et désert. Behja Traversac nous fait ressentir l'odeur de la félicité, en des lieux qui deviennent les sanctuaires de ses souvenirs. Son livre est un hybride entre le carnet de voyages, la biographie, la poésie... On navigue au fil des mots, des photos et des aquarelles sensibles peintes en miroir par Catherine Rossi-Legouet.

Un voyage comme une incantation

Voyage subjectif, le texte de Behja Traversac est une incantation. Le lecteur se sent emporté dans un récit aux multiples entrées et détours. Chaque pièce du puzzle reconstitue les parcelles d'un attachement, d'une évocation. D'Alger à Oujda en passant par Oran ou Port-Say, nous nous promenons entre les paysages et les villes. 
Alger avec sa Casbah et «ses mille et une arcanes qui résonnent de ses vieux sortilèges, de son impérissable musicalité (...)». Ou encore Port-Say, «lieu féérique, qui venait du plus loin de notre histoire commune» , «une île lointaine, légère, comme aile de papillon» et qui «restera à jamais, le nom des bonheurs de nos étés».

Une évocation des personnes qui ont jalonné la vie de l’auteure

L'auteure évoque sa famille : sa grand-mère qui vivait à Alger, chemin de la Fontaine Bleue; sa mère «'fille du vent', ataviquement 'nomade' et...'féministe' avant la lettre« » et son  père : «Mais si je me souviens.. te voilà imposant ta haute silhouette entre les lignes de cette page, et cette houle de bruits diffus qui accompagnait toujours ton arrivée.» 
Les femmes, ses amies, ses soeurs sont au coeur du récit. «L'histoire des femmes de ce pays s'écrit peut-être sur le temps long mais s'écrit inlassablement, irrésistiblement, inéluctablement» Behja Traversac s'adresse particuliérement à elles et à nous, lectrices. Le texte qui ose l'écriture poétique, prend souvent à témoin celles qui le jalonnent dans un dialogue qui fait écho avec le silence. Behja Traversac rend hommage au courage de celles (et ceux) qui ont mené des combats courageux  dans une Algérie déchirée : «Alger de Zohra, de Ghania, de Djamila, de Abane et de Benl'hidi, de tant d'autres qui offrirent à ta liberté, leur jeunesse ou leur vie.»

Même si l'auteure veut avant tout se souvenir des lumières joyeuses de son enfance. «Alger tu gardes surtout le souvenir du feu de nos allégresses, de la fureur joyeuse de nos emballements, de nos chants et de nos danses, de nos rêves en liesse. »

Jusqu'à ce cri du coeur : 

« Alger, de mes enfants, mes amours, dont tu seras toujours l’ancre. Tu fus la nacelle de leurs premiers pas et de leurs premiers mots. Rien ni personne ne peut effacer leurs noms de tes rues. Ni les ostracismes, ni la bêtise, ni les égratignures… ni le temps, ni l’éloignement. […] Pourtant, c’est chez toi qu’ils sont passés au-delà des murs du racisme. C’est toi qui leur as donné ce regard ample d’enfants du monde qui ne voient ni les couleurs de peau, ni les identités figées, ni les idées sans retour. C’est en toi qu’ils ont acquis la force de l’interrogation, la force du doute, la force de l’amour des autres. Ils t’aiment, Alger, ne les abandonne pas.»

Nous non plus, nous n'abandonnerons pas le récit de Behja Traversac. Il nous poursuivra encore pour longtemps, car avec ses mots inspirés, l'auteure réussit à nous envoûter et à nous faire ressentir la force de l'attachement à ses racines, la déchirure de l'exil, malgré la lucidité sur les difficultés que son pays rencontre aujourd'hui. Quand la réalité brise les vies et sépare les familles, il restera toujours le rêve. Et la mémoire.

>Behja Traversac, Alégrie, ma déchirure, Fragments de vie, Aquarelles de Catherine Rossi-Legouet, Préface de Denise Brahimi, Editions Chèvrefeuille, 192 pages,  19 euros

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