Le juif et la métisse : Histoire d'un bourgeois de Paris

  • Année de publication : 2010
  • Genres :
    Littérature Française
    Théâtre
    Poésie
  • Nombre de page : 285 pages
  • Prix éditeur : 6,70
  • ISBN : 2290023043
  • Source : Amazon

Résumé

Des chewing-gums, des chewing-gums, encore des chewing-gums. Sur le goudron, ils font des taches blanches ou couleur chair, les unes rondes, les autres difformes. Certaines sont plates, quelques-unes gonflent à la façon d'une pâte, d'autres commencent à s'écailler. Leur densité augmente par endroits selon les lois ivres d'une géographie opaque. Ici, les chewing-gums s'espacent ; là, ils empiètent les uns sur les autres, jusqu'à s'amalgamer. Ils criblent la rue des Fontaines-du-Temple où le vent tourne les pages d'un magazine féminin abandonné. Ils maculent la rue Turbigo où, au numéro 59, une blédarde en djellaba prend le soleil, assise par terre au seuil d'un immeuble, les pieds nus, le visage momifié, les mains nervurées de henné, ses béquilles, l'une métallique, l'autre en bois, posées debout contre la façade, comme si Paris était son village natal. Les chewing-gums léopardent le trottoir du boulevard Sébastopol dans une zone délimitée par les senteurs de frites d'un restaurant hallal ; là, de loin en loin, on lit sur le tuyau d'une gouttière une petite annonce manuscrite, découpée en sept languettes rectangulaires marquées d'un numéro de téléphone, Oubliez le stress sous les caresses d'une J. F. black. Les chewing-gums gélatinent le bitume à l'angle de la rue Saint-Denis et de la rue du Caire, où des groupes de Pakistanais s'accoudent à des diables rouges enrubannés de scotch brun en attendant les camions d'étoffe. Les chewing-gums pullulent devant la porte d'un immeuble de la rue Blondel où tapinent, dans le parfum et l'exaspération, des femmes blanches à soixante euros. Dragées, boules, tablettes, les chewing-gums ont séjourné dans le saint des saints de la bouche humaine. Les passants les ont mâchés et remâchés. Certains les ont fécondés de leur souffle pour former des bulles. D'autres ont infusé à la gomme, avec de la salive, de la panique, de la maladie, du chômage. Maintenant, les chewing-gums ne ressemblent à rien et le trottoir les rumine. Ils pourrissent, bonbons charognes, bonbons fantômes, dans les limbes du bitume, entre le moi et le non-moi, çà et là, capricieusement, n'importe comment, semblables aux crachats autocrates d'une horde d'individus sans projet commun que la mastication de soi. Ils dorment sur le sol, organes perdus, grouillement de fausses couches, jonchée d'avortons, se dit David Levy en promenant sa fille dans la poussette, pas mécontent de s'identifier à ces gommes déchues qui flattent son goût pour la vieille littérature de l'innommable et ses héros sans forme, sans volonté et sans état civil.

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