Le projet de Michel Serres, à travers l’œuvre de son Grand Récit, est de rendre sensible et sensée la dynamique exponentielle de l’aventure des sciences en développant la vision du monde qu’elles contiennent. La mise en correspondance des différents temps de l’univers (celui de la matière depuis le supposé Big Bang, celui du système solaire, de la Terre, de la vie, des lignées anthropoïdes, de l’histoire humaine, d’une vie individuelle…) balaye les catégories myopes à l’aide desquelles nous pensons ordinairement notre existence. Fontenelle relevait déjà, hier, que "de mémoire de rose, on n’a jamais vu un jardinier mourir". Michel Serres renoue avec la sagesse d’Héraclite qui affirmait, avant-hier, que rien n’est et que tout est puisque "tout est fluent". La force du propos est de montrer comment les progrès de la science contemporaine articulent cette antique et profonde intuition. L’humanité trouvera-t-elle plus de paix à partager la culture universelle qui lui assigne sa juste place dans la grande histoire de l’univers ? C’est le pari de l’auteur qui tente, dans une entreprise originale, de faire se rejoindre la science et le mythe. --Emilio Balturi