Dans le sous-sol

  • Année de publication : 2015
  • Chez : Serge Persky
  • Genres :
    Biographie
    Littérature étrangère
    Théâtre
    Poésie
  • Nombre de page : 13 pages
  • Prix éditeur :
  • ISBN : B00ZVCFM46
  • Source : Amazon

Résumé

Il buvait beaucoup, il avait perdu sa situation et ses amis, puis il était venu habiter dans le sous-sol, en compagnie des voleurs et des prostituées ; il vivait des dernières hardes qui lui restaient.

Son corps exsangue et maladif était usé par le travail, rongé par la souffrance et l’eau-de-vie, et la mort, oiseau de proie, aveugle à la lumière du soleil et clairvoyant seulement dans les ténèbres, le guettait déjà. De jour, elle se cachait dans les coins sombres, et la nuit, elle venait silencieusement s’asseoir à son chevet, y passait de longues heures, jusqu’à l’aurore, avec une persévérance calme et obstinée. Lorsqu’aux premières lueurs du jour, il sortait de dessous la couverture sa tête pâle aux yeux d’animal pourchassé, la chambrette était déjà vide ; mais il ne croyait pas, comme les autres, à ce vide trompeur. Il examinait les recoins avec défiance. Se retournant avec des ruses soudaines, il jetait un coup d’œil derrière lui, dans l’obscurité fondante de la nuit qui s’en allait. Alors il voyait ce que les autres n’aperçoivent jamais : un énorme corps couleur de cendre qui se mouvait, informe et terrible. Ce corps était fluide, il remplissait toute la chambre et laissait transparaître les objets comme une cloison de verre. Mais maintenant, Kijnakof n’en avait pas peur, et le monstre disparaissait jusqu’à la nuit suivante, laissant derrière lui comme des traces glacées.

L’homme s’endormait pour un instant, et des cauchemars hideux et extraordinaires le tourmentaient. Il voyait une chambre blanche, au plancher et aux murs immaculés éclairés d’une vive lumière blanche, elle aussi, et un serpent noir glissait sous la porte, avec un bruit léger semblable à un rire. La bête, appuyant sur le sol sa tête plate et aiguë, rampait rapidement en se tortillant au travers de la pièce, et disparaissait mystérieusement pour reparaître de nouveau sous la porte avec sa langue visqueuse, et ses anneaux qui se déroulaient comme un sombre ruban noir... et ce manège recommençait sans trêve. Une fois, l’homme vit en rêve quelque chose d’amusant, et il se mit à rire, mais le rire sonna, singulier, pareil à un sanglot étouffé, et c’était lugubre de l’entendre : dans la profondeur inconnue de l’âme quelque chose pleure ou rit, alors qu’au même moment le corps gît immobile comme un cadavre.

Peu à peu les bruits du jour naissant frappaient ses oreilles : les voix des passants qui résonnaient sourdement, le grincement lointain d’une porte, le crissement du balai du portier enlevant la neige entassée sur le seuil, tous les sons vagues de la grande ville qui s’éveillait. Et c’est alors que se dressait devant lui cette chose affreuse : la conscience impitoyable et lucide qu’un jour nouveau était venu, que lui Kijnakof devrait bientôt se lever et reprendre sa lutte contre la vie sans espoir de vaincre.

Il fallait vivre.

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