«Paris Syndrome»

Tahir Shah : le drôle de voyage de Mimi Suzuki

Avec « Paris Syndrome » (Editions de Fallois),Tahir Shah conte les tribulations d’une japonaise à Paris, qui de déconvenues en rebondissements, vit en quelques semaines une aventure digne d’une épopée. Le récit déroule sa « mécanique des catastrophes » avec maestria. Le lecteur rit beaucoup. Le mythe du voyageur sans frontières en prend pour son grade. La capitale française aussi. Quant aux rêves de l’enfance, ils apparaissent comme des moteurs qui se brisent toujours un jour ou l’autre contre la falaise du réel. Pour le meilleur ou pour le pire ? Il faut lire « Paris Syndrome » pour le savoir.Tahir Shah confie à Viabooks ses impressions d’écrivain- citoyen du monde qui connaît mieux que quiconque les complexités multiculturelles.

Tahir Shah, Conteur d'histoires

Tahir Shah est un romancier et réalisateur de films traduit en trente-cinq langues. International, le qualificatif est faible le concernant. Issu d’une grande famille afghane, il a connu l’exil et a vécu dans la plupart des continents avant de s’installer récemment au Maroc avec sa famille. Il est un écrivain, aimant « raconter des histoires », qui derrière le voile du récit révèlent quelques bizarreries du monde d’aujourd’hui.

Le rêve d'un voyage n'est pas le voyage

Dans « Paris Syndrome » ( Editions de Fallois,  il conte l’étrange aventure de Mimi Susuki, une jeune japonaise qui se rend à Paris après  avoir rêvé de ce voyage pendant des années. Son périple ne va pas seulement la faire aller de désillusions en désillusions, il va surtout l’entraîner dans de rocambolesques situations, toutes plus loufoques les unes que les autres.

"World is a small planet"

Au croisement improbable d’un Buster Keaton, d’un Louis de Funès et d’un Jacques Tati, qui auraient été propulsés dans la mondialisation, «  Paris Syndrome » déroule ses scènes de manière trépidante, comme un enchaînement à la mécanique  irrésistible. Le lecteur rit beaucoup, entre les lignes il découvre lui aussi  Paris, du dehors, avec ses allures de décor de film et ses usages, parfois incompréhensibles aux yeux des touristes. Après avoir refermé le livre, ce même lecteur se dit qu’il ne regardera plus jamais la Tour Eiffel, Montmartre et surtout le magasin Louis Vuitton de l’avenue de Marceau de la même manière !

L'aventure, et après?

Avec Tahir Shah, on l’aura compris, l’aventure n’est pas seulement au bout de la rue. Elle est au bout du monde lorsque tous les repères s’effacent et que les cultures s’entrechoquent. Rencontre avec un écrivain qui mêle avec brio enthousiasme, gourmandise, ubiquité et imagination. Nous le rencontrons dans un hôtel parisien qui célèbre l'écriture. Tahir Shah est joyeux et volubile. Il vous donne l'impression au bout de cinq minutes d'être votre meilleur ami depuis vingt ans. La conversation commence, l'écrivain anglo-afghan se prête avec beaucoup de sympathie au jeu des réponses.

          ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------
1. Pouvez-vous nous résumer l’histoire de « Paris Syndrome » ?

-Tahir Shah : Il était une fois une petite fille japonaise, Mimi Susuki, qui rêvait d’aller à Paris depuis que son grand père lui en avait parlé comme d’un lieu magique. A l’occasion d’un voyage avec son entreprise, elle se retrouve dans la capitale française. Mais rien ne va se passer comme prévu.  C’est le début d’un terrible enchaînement de quiproquos et de hasards malencontreux, jusqu’à ce que l’héroïne soit atteinte du fameux « Paris Syndrome »…

2. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce « Paris Syndrome » ? L’avez-vous éprouvé  vous-même?

-Tahir Shah : Je ne l’ai pas éprouvé moi-même, mais j’ai été fasciné quand j’ai appris qu’il existait de manière répertoriée et officielle un « Paris Syndrome » auquel succombent particulièrement les japonais : le choc entre des cultures trop différentes peut-être! C’est une sorte de crise de délire avec décompensation forte qui répond à une perte de repères.

3. Vous qui voyagez beaucoup et qui êtes multiculturel, vous insistez beaucoup sur le choc entre les cultures. La banalisation des  voyages et la mondialisation n’ont-ils pas aboli de nombreuses différences ?

-Tahir Shah : Elle semble le faire, mais je ne le crois pas. Il y a une illusion de la fusion. On croit que parce qu’on a internet et qu’on a tout vu de son ordinateur on est chez soi partout. Rien n’est plus faux ! Dès que vous allez physiquement dans un pays, vous affrontez de nombreuses spécificités. Vous êtes  surtout un étranger », un « hors-système ». Cette extériorité est en soi bouleversante.

4-Vous n’avez reculé devant aucun cliché sur Paris: la boutique Vuitton, Montmartre, les Roms…Vous n’avez pas craint la caricature ?

-Tahir Shah : la situation du touriste est caricaturale par essence. Quand vous êtes touriste, ce que vous voyez d’une ville est d’abord son « cliché », quelque chose qui est comme un décor de carton-pâte posé sur la ville, une autre réalité que les habitants ne voient pas.  De son côté,  le touriste va visiter une liste de monuments et de lieux, et répéter une sorte de scénographie répétitive.

5. D’où votre enchaînement comique réglé avec minutie, comme dans un vaudeville ! 

-Tahir Shah : L’effet comique vient de ces confrontations incongrues, des chocs de rythmes et de significations. C’est un peu comme si deux partenaires dansaient ensemble l’un la valse, l’autre le rock.

6-Vous montrez aussi le rôle que télévision et internet ont dans la diffusion accélérée de l’information qui peut changer la vie d’une personne. 

-Tahir Shah : Vous ne trouvez pas cela très romanesque de se dire que quelqu’un peut devenir un héros en quelques minutes ? Un destin qui bascule. On pourrait le voir comme une tragédie, le héros sacrifié sur la potence de la communication. On peut aussi le voir comme une comédie. La comédie humaine d’aujourd’hui se construit « au bonheur du net »…

7. Vous êtes vous-même un écrivain ultra-connecté : vous possédez un site, des comptes sur YouTube, Facebook, Twitter, Reddit, Goodreads…vous êtes partout ! C’est important pour vous de poursuivre l’échange avec le lecteur via les réseaux sociaux ?

-Tahir Shah : Essentiel ! Les réseaux sociaux sont une illusion, si on croit qu’ils « sont » le réel, mais ils sont formidables comme « outils » de communication. J’aime me sentir lié à tous ceux qui aiment mes livres. Je trouve important de leur donner la possibilité de s’exprimer, et aussi de ma propre initiative pouvoir leur transmettre des informations me concernant.

8. En ce sens vous apparaissez comme précurseur. Pensez-vous que les écrivains vont être amenés à s’impliquer de plus en plus dans cette « exposition médiatico-sociale » et prendre en mains leur « existence numérique »?

-Tahir Shah : C’est une évolution qui va se faire petit à petit. Avant l’existence de la télévision, nul ne pensait qu’un écrivain devait apprendre à passer à la télévision. C’est la même chose avec le net : le jour où le numérique aura pris une place plus prépondérante dans le monde des livres, les écrivains devront en utiliser également les ressources. Il me semble en tous cas que le mouvement a déjà bien commencé dans les pays anglo-saxons.

9. Que pensez-vous de l’évolution vers le livre numérique ?

-Tahir Shah : je suis attaché aux livres en papier, mais je vois bien que mes enfants lisent sur Ipad et lorsque je me déplace, je commence aussi à apprécier de pouvoir emporter avec moi ma bibliothèque virtuelle. Ce qui est important, c’est la lecture. Le contenu du livre, pas l’objet. Je viens d’une culture qui privilégiait le texte raconté, la poésie dite. Le texte que l’on entend prend une autre dimension. C’est pourquoi dans « Paris Syndrome », j’ai voulu que le début du livre commence par une histoire que raconte le grand père à sa petite fille. Une histoire qu’on entend, c’est un peu le début de l’espace romanesque…

Propos recueillis par Olivia Phélip

>>Tahir Shah, Paris Syndrome, Editions de Fallois
0
 

En ce moment

Festival de Cannes 2024 : la liste des films en compétition

La cuvée 2024 de la  77e édition du  Festival de Cannes ,qui se tiendra cette année du 14 au 25 mai, a été dévoilée par Thierry

Festival du Livre de Paris 2024 : succès avec ses 103 000 visiteurs et des ventes en hausse

Le Festival du Livre de Paris 2024 se clôture sur une note de succès avec 103 000 visiteurs et des ventes en hausse de 6%. 

« Strasbourg, capitale mondiale du Livre » : du 23 au 28 avril 2024, un programme exceptionnel pour la semaine inaugurale

Première ville française désignée Capitale mondiale du livre par l’UNESCO, Strasbourg lancera le 23 avril 2024 une semaine de festivités pour ma

Prix Céleste Albaret 2024 : cinq livres dans la sélection

Le prix Céleste Albaret a été créé en 2015 par Jacques Letertre, président de la Société des Hôtels Littéraires et de l’Hôtel Littéraire Le Swann (

Le TOP des articles

& aussi