"Nouvelles du temps présent"

Joaquin Scalbert : le goût de la nostalgie et de la douce province

Notre dernier coup de coeur du côté des auteurs indépendants : le recueil de nouvelles de Joaquin Scalbert, Nouvelles du temps présent (Pourquoi pas?). Un livre qui nous plonge dans le charme discret de la Province et de ses racines. On respire, on s'émeut. Ce n'est jamais surfait. Une émotion coule entre ces pages qui savent aussi prendre le lecteur par surprise avec un humour tendre. Joaquin Scalbert qui vit entre Paris et la Bourgogne est un auteur qui a su retenir la magie du temps suspendu. Rencontre.

Ancien dirigeant d'agences de communication et aujourd'hui conseil en recrutement,  Joaquin Scalbert n'a jamais cessé d'affectionner la Bourgogne de son enfance. Il y réside la moitié de l'année et  c'est tout "naturellement" qu'il a choisi la province comme toile de fond de son recueil de nouvelles : Nouvelles du temps présent . Un ensemble de tableaux qu'il tisse avec un mélange de plaisir malicieux, de gourmandise et de tendresse, pour la plus grande joie  du lecteur qui est tour à tour touché et amusé. Nous partons à la rencontre d'un auteur qui sait saisir la magie du temps suspendu.

Viabooks : Vous avez choisi le format de la nouvelle pour votre premier livre de fiction. Cela complique t-il ou simplifie t-il l’écriture ?

-Joaquin Scalbert : Ce format ne complique, ni ne simplifie l’écriture. Le rythme est différent. La densité est plus marquée. Pour établir un parallèle avec le dessin ; il s’agit de croquer sans caricaturer. Les caractéristiques et les codes de ce genre littéraire permettent d’apporter quand la nouvelle est réussie, une satisfaction entière au lecteur en un minimum de pages.  
La nouvelle est pour moi un format "plaisir ". Cela doit se déguster comme une mignardise ou un petit-four que l’on goûte, que l’on savoure … puis on passe au suivant. Suivant qui aura un goût différent et qui donnera envie s’il est bon, d’en découvrir encore d’autres.
La nouvelle permet aussi à l’instar de ces pyramides humaines réalisées par des acrobates au cirque, de composer une construction dont les personnages s’assemblent les uns avec les autres pour un court instant. La mise en scène simple, mais rigoureuse organise des points d’appui à peine perceptibles jusqu’à ce que le dernier voltigeur installé régale le spectateur par une surprenante pirouette.

 Il y a une dimension intemporelle, voire nostalgique dans vos récits. La recherche du temps perdu… ?

-J.S. : Je fais évoluer mes personnages à notre époque et dans une région précise afin de les ancrer dans le réel. J’avoue que nombreuses sont les personnes rencontrées ou à peine imaginées qui ont inspiré ces nouvelles. Le sous-titre du recueil  Archives de voisinage l’évoque. Les plus improbables sont parfois, les plus authentiques. Mais j’aime que leurs traits puissent aussi s’appliquer à des individus dans d’autres lieux, à d’autres époques.
Concernant la nostalgie que vous relevez. Les protagonistes peuvent comme tout à chacun regarder parfois le passé avec un sourire complice, voire même complaisant. Mais il s’agit généralement d’un sourire qui éclaire l’avenir.

- On sent l’esprit de la campagne, la farce paysanne…. le charme discret de la Province ?

-J.S. : Ce recueil  rassemble des nouvelles autour d’un seul thème. La variété des récits s’inscrit dans un univers dans lequel j’espère que le lecteur va s’installer. Il retrouvera parfois dans certains tableaux, le médecin ou le vétérinaire auprès de personnages qu’il ne rencontrera plus après. Comme sur une scène de théâtre, plusieurs héros vont se succéder avec le même décor en toile de fond. D’autres nouvelles répondant à un thème différent seront bientôt réunies dans un nouveau recueil.

Légende : paysage de Bourgogne

- Vos récits accordent une place importante aux animaux. Pourquoi ne pas en faire des personnages à part entière ?

-J.S. : Mes 66 millions de concitoyens côtoient 12 millions de chats, 7 millions de chiens, plus ou moins 8 millions de vaches et plus d’un million de chevaux par plaisir ou par profession. Ce qui fait beaucoup d’interférences entre l’univers animal et le genre humain et autant de raisons pour que la littérature s’y intéresse. Pour ma part, je me consacre à l’univers des hommes et des femmes qui est déjà bien vaste à investiguer.

- Maupassant, George Sand… des auteurs qui vous inspirent ?

-J.S. : J’aime les auteurs à l’écriture ramassée qui me surprennent au détour d’une nouvelle. Aussi mes préférences vont à Guy de Maupassant, Emile Zola, Jules Barbey d’Aurevilly, Théophile Gautier, Marcel Aymé en France et parmi les écrivains étrangers à Stefan Zweig, Thomas Mann, Hermann Hesse, Karen Blixen, Henry James et encore beaucoup d’autres.

- L’art de la chute est la clef des nouvelles. Vous accordez un soin particulier à chaque fin qui réserve son lot de surprises.

-J.S. : « La vie, c’est ce qui vous arrive quand on a d’autres projets » avait déclaré John Lennon. « Mais alors dit Alice, si le monde n’a aucun sens, qui nous empêche d’en inventer un ? » écrivait Lewis Carroll. La vie est triviale, elle est aussi merveilleuse. Quand j’écris , toute histoire contient en embuscade dès son ébauche, sa conclusion. La lecture de mon plan amène son épilogue.

- Si vous deviez ne garder qu’une histoire dans votre livre, ce serait … ?

-J.S. : J’aimerais que des lecteurs s’exclament à la lecture des derniers mots de mes nouvelles :« Oh, il (ou elle) l’a fait ! » Ma préférence irait à une nouvelle dont la chute serait la plus inconvenante, voire la plus provocante. Laquelle choisissez-vous ?

>Joaquin Scalbert, Nouvelles du temps présent, Pourquoi pas ?
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>Joaquin Scalbert est aussi contributeur de la revue Brèves, consacrées aux auteurs de nouvelles. Dans le numéro 109, Joaquin Scalbert est au côté d'Eric Faye et de Nancy Huston notamment.

Légende : les vignes de Bourgogne en automne

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>Découvrir un extrait du livre de Joaquin Scalbert
Mauvaises habitudes
"La seule façon de se débarrasser d’une tentation, c’est d’y succomber. Oscar Wilde On me disait à Dijon : Tu es un garnement, tu voles les billes des copains. Tu bois de la bière et tu fumes, à ton âge, c’est une honte. Reprends-toi. Plus tard à Paris, on m’a traité de voyou : « Jeune homme, les addictions, ça se soigne. Vous êtes sur la mauvaise pente. Faites un effort. » J’ai traversé l’Atlantique, je me suis installé à Richmond, Virginie. Tout un symbole. J’ai été naturalisé. Américain, une nouvelle vie. Un avenir, enfin. De nouvelles tentations. La coke, je suis tombé dedans. Des conneries graves. Très graves. J’ai voulu m’en sortir. J’ai tenté d’arrêter, mais quoi ? Par où commencer ? Trop tard sans doute. Accro à tout. Les conseils, ça ne sert pas beaucoup à un gars comme moi. Alors, le résultat : je bois moins depuis quelques mois et aujourd’hui, c’est un putain de jour, car c’est la dernière cigarette. C’est celle qui compte. Les autres n’avaient été que découverte, transgression, habitude, répétition d’un geste 2 stéréotypé. L’une ressemblait à l’autre, les unes étaient si semblables aux autres. Le goût était le même et encore, quel en était réellement le goût, quand j’y pense. Peut-être, la première de la journée était-elle plus singulière, car elle était le signe du réveil. Elle était attendue, désirée comme une renaissance, comme une fenêtre qu’on ouvre sur la journée. Mais aucune n’a été aussi importante que cette dernière cigarette. Elle est pour moi la vie. Toute la vie. Les volutes de fumée sont comme des souffles que je voudrais retenir à l’infini. Je la goûte, je la déguste avec volupté. Je le fais en silence. J’inspire, j’expire par la bouche, par le nez. J’en savoure le parfum sur la langue, je me brûle la gorge ; je veux retrouver toutes les sensations que j’ai connues, réunies dans cette clope. Elle m’évoque les nuits glorieuses, les petits matins tristes, les journées lumineuses. Je savoure ce condensé de vie et je le saisis comme une tranche d’éternité. C’est un geste divin. C’est un rite que je partage avec tous ceux qui ont fumé leur dernière cigarette. Ce mégot me paraît plus court que tous ceux que j’ai posés sur ma lèvre. Je remplis autant que je peux mes poumons de ce tabac qui ne me tuera pas. Encore une taffe, la dernière. Les yeux me piquent, ce n’est pas l’émotion, c’est la fumée. Elle me rapproche de tous les hommes, ceux qui sont bien vivants et ceux qui vont continuer à fumer ou tout simplement à vivre, sans moi. Ceux qui me regarderont tout à l’heure derrière la vitre, quand je serai assis sur cette foutue chaise électrique."

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